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un grain de sable pour secouer la poussière...

Mauritanie : A mon Général Mohamed Ould Abdel Aziz

Lundi 30 Décembre 2019 - 21:02

Mon Général, vous avez organisé une conférence de presse le 19 décembre, sur laquelle vous étiez très attendu. Vous avez déçu. Vos coups de points répétitifs sur la petite table devant vous en disaient long sur votre état de nervosité. C’était pitoyable. Que de mystifications et d’arguments décousus.

 

Mon Général, vous dites que vous continuerez à faire de la politique dans le cadre de la quincaillerie rouillée, l’UPR, dont vous dites porter la carte d’adhésion N°1 ou dans une autre formation politique. Ici, de façon très claire, vous envisagez la possibilité d’un échec dans le bras de fer qui vous oppose à votre « ami de quarante ans » pour le contrôle de cette rouillure. Et pourtant, vous disiez, les Mauritaniens vous écoutaient : « je ne suis pas né pour perdre ». Si vous n’avez pas encore perdu, vous êtes, au moins, déjà perdu.  

 

Mon Général, vous dites : « Le 3ème mandat peut être légal à la différence de la référence, qui n’existe ni dans la loi, ni dans la Constitution ». Faux, archi-faux.

 

Par contre, vous dites vrai quand vous dites que la plupart des politiques qui ont accouru pour faire allégeance à votre ancien ami ce sont ceux-là même qui se bousculaient pour soutenir le projet de 3ème mandat. Ils étaient embarqués avec vous dans le même bateau, ils ont fait vite de partir. Ne dit-on pas que les rats quittent les premiers le navire en cas de naufrage ? Ils ne sont pas plus dignes que vous.

 

Mon Général, vous dites être revenu au pays « … par mes craintes pour l'avenir de la démocratie ». De la dérision. Vous parlez, à tout bout de champ, de légalité et de respect de la Constitution. Vous racontez des bobards, mon Général, vous savez que tout ceci n’est que bobards et diarrhées verbales incontrôlées, vous savez également que les Mauritaniens savent que vous racontez des histoires, toutes plus fausses les unes que les autres. Durant la dernière décennie, vous avez été la plus grande menace pour la démocratie dans ce pays. N’est-ce-pas vous qui avez renversé le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi – le premier Président mauritanien élu démocratiquement lors d’une compétition pluraliste et, avec tout ce que cela supposait d’imperfection, il y avait tout de même un consensus quasi général ? Vous l’avez fait pour le pouvoir que vous désiriez tant et que vous désirez encore. Le pouvoir qui vous a fait et, par l’usage abusif duquel vous avez fait des hommes et des femmes à partir de rien.

 

Je me rappelle, lors de l’unique rencontre que j’ai eu avec vous, vous me demandiez si je connaissais un homme politique qui dénonçait, le jour même, la gabegie dans le pays ; à ma réponse négative, vous avez continué en disant : « les Mauritaniens le connaissent bien et savent comment il s’était enrichi » et de poursuivre : « Nous Mauritaniens ne sommes pas si nombreux pour nous méconnaitre ». Ici, vous disiez vrai. Nous Mauritaniens, nous nous connaissons bien, nous vous connaissons et savons d’où vous venez et où vous êtes arrivé. Ceux que vous avez fabriqués, nous les connaissons également; des femmes et des hommes du milieu des affaires et de la politique partis de zéro, il y a de cela seulement une décennie.

 

Mon Général, c’est fini, la chamelle est traite, le zrig est prêt, il ne reste qu’à le boire.

 

De la mémoire

 

Mon général, lors de votre conférence, avez-vous dit que vous vous sentez persécuté ces derniers jours ? N’est-ce pas un défaut de mémoire. Il y a encore peu, juste quelques mois, vous vous en preniez aux Mauritaniens. Vous aviez innové et voilà qu’aujourd’hui votre trouvaille vous prend à la gorge et vous asphyxie à vous faire perdre votre sang froid. Sous votre régime, pour la première fois dans notre pays, un parti politique légalement constitué ou une quelconque organisation ne peut tenir une réunion dans un espace (même fermé), tels que les hôtels sans une autorisation écrite signée par le Hakem. Durant les deux dernières années de votre mandat, combien de rencontres ont été annulées et les organisateurs interdits d’accès, manu militari, aux lieux prévus. Vous avez goûté, juste un tout petit peu, à ces manèges, vous en avez senti le goût, qu’est-ce que cela fait ?

 

La persécution. C’est pourtant ce que votre régime faisait subir aux activistes des droits humains et aux opposants politiques. Vous avez pu remarquer combien de fois cela était désagréable et lâche. L’arroseur arrosé.

 

De la facilité

 

Mon Général, à l’occasion de cette conférence de presse, les Mauritaniens vous attendaient sur votre bilan. Ils attendaient beaucoup de vous mais vous avez passé l’essentiel de votre temps à parler de vos misères par rapport à ce que vous appelez « votre parti ». Tout cela vous regarde et est, vraiment, sans aucune importance pour nous autres Mauritaniens meurtris par deux mandats de votre gouvernance. Nous vous attendions sur d’autres questions relatives à votre gestion des affaires du pays.

 

« J’ai de l’argent, je ne l’ai pas volé, il est à moi ». N’est-ce pas trop facile.

 

Pour les esprits non-initiés, s’il est difficile, par la complexité technique, de prouver « la casse du siècle » dont on vous soupçonne au niveau de la trésorerie nationale mais aussi sur les contrats monstres dans les secteurs de la pêche, des mines, des BTP, du marché des hydrocarbures… il est de notoriété publique votre participation directe aux grosses affaires douteuses dans le foncier impliquant le domaine public que les Mauritaniens résignés ont vécues  durant les années de votre règne. Je me demande si de mémoire d’humain, l’on connait un pays où des écoles publiques ont été démolies et leurs espaces vendus et transformés en marchés. L’équation est simple et défie la raison : un marché contre une école. 

 

Les Mauritaniens vous attendaient, vous avez choisi la facilité. Ils vous attendaient sur les nombreux cas d’expropriations foncières en zone rurale accentuées par l’esclavage foncier qui n’ont que trop augmenté sous votre régime, laissant des milliers de familles pauvres sans revenus.

 

Nous vous attendions.

 

Mon Général, l’enrôlement discriminatoire et raciste, dont vous êtes à l’origine, qui a causé l’assassinat de feu Lamine Mangane à Maghama et fait des centaines milliers d’apatrides, l’arnaque dont ont été victimes les veuves, les orphelins et les rescapés militaires des années de braise, les dossiers de trafic international de drogues dures, la destruction de la ceinture verte de Nouakchott que l’Etat et les partenaires au développement ont fait pousser pendant quatre décennies et à coup de milliards de nos ouguiyas et bien d’autres questions d’importance nationale intéresseraient plus les Mauritaniens. 

 

Du droit

 

Mon Général, vous aviez tout le pouvoir, vous étiez seul à pouvoir et aucun « responsable » ne pouvait faire le moindre clic du doigt sans votre ordre. Tout devrait venir de vous et tout finissait à vous. Vous vous êtes attaqué à tous ceux qui n’étaient pas du même avis que vous. Bien des fois, vous avez persécuté et causé beaucoup de tort, rien que par jalousie.

 

Mon Général, vous n’étiez pas seulement un dictateur mais un prédateur. Combien de défenseurs de droits humains et de donneurs d’alertes ont été arbitrairement arrêtés, torturés et condamnés sous votre régime.

 

Vous êtes un pourfendeur des libertés. Vous avez refusé de faire enregistrer IRA–Mauritanie, le Parti RAG et les FPC (Forces Progressistes pour le Changement), par pur racisme à l’égard de leurs leaders alors que des dizaines de milliers de Mauritaniens adhèrent à ces formations.

 

A nos risques et périls, nous avons toujours tenu à user des droits que la Constitution nous offre alors que vos services se sont toujours évertués à nous interdire nos libertés fondamentales, celles d’expression et d’association. Nous estimons que c’est la même chose qui vous arrive maintenant. Le Hakem, refusant de vous délivrer une autorisation écrite, a violé vos droits. Indirectement ou directement la pression a été faite aux hôteliers qui se sont excusés (ont refusé) d’accueillir votre conférence de presse. Tout cela est illégal, nous le dénonçons haut et fort.  

 

Mon Général, vous vous en êtes pris à mes amis et moi d’IRA–Mauritanie parce que nous avons dénoncé le déni d’esclavage dont vous avez constamment fait preuve et nous avons fait face, courageusement, à vous et aux groupes esclavagistes auxquels vous assuriez l’impunité.

 

Vous avez fait maintenir en prison, dix-neuf mois durant, mes camarades, à leur tête le président Biram Dah Abeid, parce que nous avons dénoncé l’esclavage foncier.

 

Vous nous avez fait subir des privations et de la répression parce que nous avons initié et conduit le pèlerinage aux fosses communes des martyrs d’Inal et que nous nous tenons constamment aux côtés des veuves, des orphelins et des rescapés militaires de la période d’exception.

 

Mon Général, et pourtant, parce que nous sommes du côté du droit, nous nous battrons pour que vous ayez les droits que vous avez refusés aux autres. Sous vos ordres directs, nous avons été très souvent arrêtés arbitrairement et torturés ; les dénonciations de nos avocats, militants et nombreux soutiens à l’intérieur comme à l’étranger n’y faisaient rien.

 

Mon ami Biram a été arbitrairement mis en prison par quatre fois. La dernière fois, alors qu’il était déjà élu député du fond de son cachot ; il est tombé malade et il a fallu plusieurs longues journées de dénonciation pour qu’il ait droit à une sommaire consultation médicale.  

 

Et pourtant, mon Général, si vous veniez à être mis aux arrêts pour répondre de ce dont on vous accuse, nous serons soucieux de votre intégrité morale et physique. Si durant votre incarcération, vous veniez à être maltraité ou torturé, nous le dénoncerons avec toute l’énergie qu’on nous connait.

 

Mon Général, nous vous le promettons devant Dieu et devant les Mauritaniens. Mais, de grâce, arrêtez maintenant de raconter des histoires aux Mauritaniens.

 

Balla Touré

Ingénieur Agro-environnementaliste

Consultant en Développement durable

Activiste des Droits humains/IRA - Mauritanie

 

 
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