Une compagnie aérienne est une entreprise relativement complexe avec plus contraintes qu’il soit possible d’imaginer... Une seule et unique contrainte permanente de coordination de plusieurs processus [Commercial, Technique, Equipages de conduite, Assistance au sol etc.].
La condition sine qua non de réussite, c'est la bonne coordination des activités opérationnelles, et surtout l’existence et la fiabilité d’un système d’information supportant le processus opérationnel. Le métier est potentiellement dangereux car requérant une très grande exigence professionnelle.
La compagnie nationale Air Mauritanie qui assurait, tant bien que mal, le transport aérien régulier depuis les premières années de l’indépendance (1963) a été privatisée en 1998, sous la pression des institutions de Bretton Woods, avec comme partenaire stratégique Air Afrique et des actionnaires privés nationaux. Malgré le changement partiel de flotte en 2002 avec l’introduction du Boeing B737, dont le leasing a été conclu avec une grande compagnie d’assurance américaine (AIG), Air Mauritanie avait utilisé deux appareils B737-NG moyen-courrier pour développer un réseau important dans la zone ouest-africaine et ce entièrement grâce à des compétences techniques nationales.
Malheureusement la société n’a pas réussi à avoir un minimum de structures fonctionnelles et ses dirigeants successifs l’ont fait sombrer, vers la mi-2006, dans les ténèbres d’une situation catastrophique :
* Désorganisation totale des opérations aériennes préjudiciable à la sécurité des vols ;
* Capacité financière réduite ne permettant plus d’honorer ses engagements ;
* Personnel pléthorique et de piètre qualité ;
* Délestage sans raison du réseau domestique,
qui constituait une trame de relations vitales à l’économie nationale; autant d'erreurs d’appréciation du potentiel réel du marché domestique : activités touristiques, recherches minières et exploitation pétrolière etc...
Encadrement immature
Alors que le choix judicieux aurait été de favoriser le développement des aéroports régionaux, qui constituent un bon moyen de désenclavement des régions et un facteur de création d’emplois.
L’immaturité de l’encadrement sur le plan de la gestion et les fantasmes d’un soi-disant succès en exploitant de nouveaux appareils B737, ont détruit les chances de réussite d’un important levier de développement du pays. Quel gâchis !
Air Mauritanie aura donc cessé d’exister à partir de l’été 2006 pour laisser la place à une nouvelle compagnie créée le 18 décembre 2006 et fruit d’un partenariat de l’Etat (10%) avec un opérateur stratégique, en l’occurrence Tunis Air (51%) et le groupe privé BSA Investissement (39%.
Mauritania Airways n’a pas fait long feu à cause de la mauvaise gestion manifeste qui était visiblement due à un manque de confiance entre les trois partenaires ; en fait la gestion relevait exclusivement de la partie tunisienne, dont les dirigeants découvraient le farniente africain et ne s’encombraient guère de fioritures.
Le 28 juillet 2010, un avion B737-700 de la compagnie faisait une sortie de piste à l’atterrissage sur laéroport de Conakry, sans provoquer de blessés graves.
L’accident, dont les incidences ont été minimes sur l’exploitation, avait néanmoins sonné le glas d’une compagnie qui avait pourtant pas mal d’atouts pour réussir; les dirigeants ont en fait occulté la nécessité d’une bonne communication sur l’accident qui aurait eu l’avantage de réconforter les clients quant aux mesures de sécurité prises pour éviter ce genre de mésaventures fréquentes dans le transport aérien.
Par la suite la direction, vraisemblablement de concert avec Tunis Air, prendra en catimini la décision deplier bagage en laissant trainer le maximum de casseroles en Mauritanie :
* Aucune information n’a filtré au personnel quant à la cessation d’activités : l’effectif de 216 employés dont 20 pilotes, 40 stewards et une vingtaine d’ingénieurs & techniciens se retrouve subitement sur les carreaux sans revenus et sans interlocuteurs ;
* Exfiltration du personnel tunisien, de façon tout à fait cavalière, sans attirer l’attention des autorités mauritaniennes ;
* Faire en sorte d’interdire d’exploitation dans l’UE des transporteurs aériens certifiés en Mauritanie (en filigrane Mauritania Airlines qui voyait à peine le jour).
La Mauritanie se doit de libéraliser le transport aérien pour recevoir plus de transporteurs aériens (services réguliers & charters) ; Libéralisation du secteur, Cadre politique macro-économique approprié, Amélioration des infrastructures des aéroports. Le trafic aérien croît en moyenne deux fois plus vite que le PIB (Moyenne mondiale de 6,5 %, pour une croissance moyenne du PIB de 3,1 %).
La compagnie nationale doit être privatisée avec une part minoritaire pour l’Etat pour pallier les insuffisances qui grèvent son développement : sous-capitalisation et manque de financement pour les investissements prioritaires (Aéronefs, Maintenance, Formations des équipages de conduite. Depuis plus d’une décennie on dessert les mêmes lignes ce qui en général empêche de couvrir les coûts d’exploitation ; l’étroitesse du marché impose à la compagnie normalement de surveiller ses investissements pour les amortir et assurer ainsi sa pérennité.
Tendances et perspectives pour le secteur
Il n’est pas trop tard pour faire amende honorable de la part des autorités (ministère de l’Equipement et des transports) ; elles se doivent de la faire dans l’intérêt national.
Le MET doit procéder d’urgence à l’élaboration d’une stratégie d’avenir dans le domaine du transport aérien - tenant compte des expériences passées pour aider la compagnie nationale (souveraineté oblige) à se développer dans un environnement très compétitif qui fait que les plus faibles disparaissent nécessairement à court terme.
En effet, Mauritania Airlines qui en est encore à ses débuts est exposée à un certain nombre de risques qui pourraient lui être fatals ; (1) faiblesses techniques et organisationnelles (2) moyens financiers limités pour la standardisation des activités opérationnelles et (3) la gestion du portefeuille des droits de trafic du pays.
L’Etat se doit de rénover les statuts de la compagnie par le biais d’un Conseil de Surveillance sans attributions autres que le contrôle au nom de l’intérêt général et ayant à ce titre pour mission de nommer un directoire de professionnels et de désigner son président (Primus inter pares) ; tous les pouvoirs de gestion doivent être de sa responsabilité exclusive.
Etant entendu que les cadres de la société, et partant tous les travailleurs, doivent participer pleinement à la vie de celle-ci pour la détermination des conditions de travail ainsi qu’à la gestion de l’entreprise. Ceci découle de la représentation des salariés à travers des délégués et des instances internes (comité d’entreprise, comité de sécurité) chargés de défendre leurs intérêts et d’être informés et consultés sur la vie de l’entreprise …
Mohamed Ould Taleb, Ingénieur d’aviation civile, ancien élève de la
prestigieuse université Aéronautique américaine Embry-Riddle
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