Derrière la célèbre place des Chasseurs, à Niarela, dans le centre de Bamako, Cheick Diallo vit dans une belle villa rongée par la pluie et la végétation, au bout d’une impasse. La grande maison ocre, dessinée dans les années 1960 par son père, Seydou Diallo, lui-même architecte, respire la chaleureuse atmosphère des villas des indépendances. Quand on entre chez le designer, on a un peu l’impression de remonter un pan de l’histoire du Mali : les premiers présidents venaient partager un café sur cette terrasse.
Les arcs et les voûtes rappellent le style néosoudanais, les pylônes en béton supportant une partie du toit sont un clin d’œil à la modernité et à l’esprit du Corbusier. Fauteuils, tables, luminaires, jusqu’à la bibliothèque, où des livres vantent le minimalisme : dans les meubles et objets dessinés par Cheick Diallo, tout est un mélange de récup et de raffinement, épuré, impeccablement fini.
Les bureaux et ateliers de Diallo Design sont installés sur les hauteurs de Bamako, mais le créateur aime travailler chez lui, sur un bout de table de la terrasse.
Parfois, ses artisans – qui travaillent le fil de pêche, tordent le fer à béton, martèlent les couvercles de bouteille, frappent de vieux pneus – viennent œuvrer dans le jardin jouxtant la maison de leur patron. « Diallo Design, c’est un peu le chaos organisé, tout le monde met la main à la pâte », explique ce dernier.
Parcours
Cheick Diallo, 56 ans, a étudié en France, à l’École nationale d’architecture de Normandie (promotion 1991), à Rouen, puis à l’École nationale supérieure de création industrielle, à Paris.
Et c’est pour le design qu’il s’est passionné. Influencé par l’école anglo-saxonne, notamment par l’Américain Frank Gehry et par l’Israélien Ron Arad, mais aussi par les Français Philippe Starck et Patrick Jouin, il a un style à la fois bien à lui et indéfinissable : « Je suis une éponge. Mon design est une influence de beaucoup de choses. Je ne veux pas être enfermé dans une boîte. Et je ne cherche pas à faire du mali-malien, ma culture est métisse. »
On me disait : Tu es dingue ! Tu es reconnu, qu’est-ce que tu vas faire au Mali ?
Membre du réseau Design Network Africa (DNA), qui compte quelques pointures telles que la Kényane Adele Dejak et le Burkinabè Hamed Ouattara, Cheick Diallo avait été l’un des créateurs les plus remarqués lors de la retentissante exposition « Africa Remix », qui, de 2004 à 2007, a tourné du Kunstpalast de Düsseldorf à la Johannesburg Art Gallery, en passant par la Hayward Gallery de Londres, le Centre Pompidou, à Paris, le Mori Art Museum Tokyo et le Moderna Museet de Stockholm. Depuis, il est régulièrement invité aux biennales du design dans le monde entier – il sera prochainement à celle d’Amsterdam.
Pendant des années, Cheick Diallo a gardé sa résidence principale à Rouen et passait une partie de l’année à Bamako, pour s’inspirer et travailler avec ses artisans. C’est l’un d’eux qui a donné sa forme définitive et son surnom au fauteuil Sansa, l’un des plus célèbres modèles imaginés par le créateur, en maillage de fer de couleur rouge ou bleue.
Showroom didactique
En 2014, le designer a décidé de s’installer définitivement dans sa ville natale. « On me disait : “Tu es dingue ! Tu es reconnu, qu’est-ce que tu vas faire au Mali ?” Et moi, je répondais : “Justement, il y a tout à faire chez moi, chez vous c’est saturé” », raconte-t-il.
Désormais considéré comme LE designer malien, y compris par ses compatriotes, formateur et consultant en design pour de grandes institutions, Cheick Diallo a décoré plusieurs ambassades à Bamako, notamment celles de France et de Belgique.
Son atelier réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 40 millions de F CFA (61 000 euros) et emploie une dizaine de personnes. Ses clients sont majoritairement sud-africains, sénégalais et ghanéens, mais il y a aussi des Américains, des Allemands, des Français…
Ce dont Diallo rêve aujourd’hui, c’est d’ouvrir un « showroom didactique » à Bamako, « où tout le monde pourrait voir les meubles, les objets, en discuter et parler déco ».
source jeuneafrique.com