« Sauver ou périr » : telle est la devise des soldats du feu, ou sapeurs-pompiers, un corps spécialisé dans la lutte contre les incendies. Elle doit être aujourd’hui celle tout le monde, à commencer par les soignants qui risquent leur vie en tentant de sauver celle des personnes contaminées par le COVID 19, appelé aussi coronavirus. Un virus qui ébranle, depuis quelques mois, tous les systèmes de santé, déroute les chercheurs et perturbe l’économie, même celle des pays les plus nantis. Il menace tout sur son passage, interpelle les gouvernants et appelle en conséquence à un sursaut national et international.
Seuls deux cas confirmés !
Touchée par cette pandémie, avec, pour le moment, deux cas uniques confirmés, la Mauritanie tente, tant bien que mal, de maîtriser la propagation du virus. Une tâche ardue qui passe forcément par un changement radical de comportements, en respectant règles d’hygiène et de contacts sociaux. Depuis que la vague s’est formée en Chine et s’est rapprochée du continent africain via l’Europe, les autorités mauritaniennes se sont mises à la tâche. Le ministre de la Santé est sur tous les fronts, tentant de rassurer ses concitoyens. Le département a beaucoup communiqué, avec les sorties du ministre et des réunions du conseil interministériel mis en place à cet effet. Des commissions travaillent, à Nouakchott comme en chaque direction régionale de la Santé, pour la collecte de l’information et la prise en charge des personnes présentant des symptômes proches de ceux du coronavirus.
Jusque-là, la Mauritanie n’a enregistré que deux cas confirmés, tous deux importés. Un australien travaillant à Tasiast, la célèbre entreprise aurifère, et une philippine employée dans la famille de l’ambassadeur d’Arabie saoudite. Ils revenaient d’Europe ou d’Asie. Le ministre de Santé a expliqué aux Mauritaniens les mesures prises pour retrouver toutes les personnes ayant eu des contacts avec les deux malades, pour les confiner deux semaines afin de s’assurer qu’elles n’ont pas été contaminées. Les deux porteurs du Covid 9 sont en cours de traitement et, dixit le ministre, leur état de santé s’améliore.
Pas de panique, donc…
Des faits qui portent le ministre de la Santé à demander aux Mauritaniens de garder leur calme. Pas de panique, s’est-il exclamé. Et le président de la République de déclarer, après un conseil interministériel, que « la situation est sous contrôle ». Avec de mesures fortes, il est vrai. Les populations sont invitées à la vigilance et à l’observance de strictes mesures de prévention et de sécurité. Comprenant les risques de propagation du virus, via des citoyens revenus au pays sans prévenir et sans s’auto-confiner, le gouvernement a décidé d’interdire tout rassemblement pouvant favoriser la contamination, puis d’instaurer un couvre-feu de 18h à 6h du matin. Hôtels et restaurants sont fermés mais le transport urbain continue à se dérouler comme si de rien n’était. Aujourd’hui seules des personnes en provenance de l’étranger sont confinées ; soit près de cinq cents personnes dont des étudiants mauritaniens rentrés du Maroc. D’autres viendraient du Sénégal. Autre mesure forte, le pays a fermé ses frontières avec ses voisins. Seuls les véhicules transportant des marchandises indispensables aux populations peuvent désormais les franchir.
Dans la croisade contre le COVID 19, quelques structures sont mises à contribution : les trois directions régionales de la Santé (DRAS) de Nouakchott et l’Institut Mauritanien de Recherche en Santé Publique (IMRSP). Les premières ont pour mission d’assurer le suivi et la prise en charge des personnes confinées pour être entrées en contact avec les personnes déclarées positives au corona ou rentrées de pays endémiques. Ces commissions « veillent scrupuleusement aux mesures d’hygiène des personnes et des locaux de confinement », précise le docteur Moustapha Moctar Saleck, directeur régional des Affaires sanitaires de Nouakchott-Ouest. Une coordination interrégionale a été mise sur pied. « Chaque équipe est composé d’un médecin, d’un psychiatre et d’un infirmier.
Le premier consulte le malade pour juger de l’opportunité ou non de lui faire passer un test, le second pour une prise en charge psychosociale et le troisième pour d’éventuels prélèvements », indique le DRAS. Une équipe se chargera de recevoir les appels téléphoniques de personnes de contact ou de toute autre ayant des doutes, craintes pour sa santé ou informations signalant des cas suspects. « Ces équipes pourront être augmentées suivant les besoins », rassure le DRAS, « elles disposent de moyens de protection appropriés et conformes aux normes internationales, suivant la tâche à accomplir auprès des personnes à approcher » (masques, gants et combinaisons). Un travail de veille à l’œuvre en chaque moughata’a des différentes wilayas de Nouakchott.
« L’IMRSP dispose de tous les moyens pour effectuer les tests »
Comme les DRAS, l’IMRSP joue son rôle : analyser les prélèvements effectués par les équipes des DRAS sur les personnes suspectes. Les suspicions sur les deux malades ont été confirmées par l’institut qui dispose, selon son directeur, le docteur Boullah, de « tous les moyens humains et matériels » pour accomplir sa tâche. Avec ses deux laboratoires équipés, l’institut peut effectuer les tests nécessaires –PCR et sérologie – pour confirmer ou infirmer la suspicion de contamination. Notons que l’IMRSP a non seulement reçu par deux fois la visite du ministre de la Santé mais aussi celle des experts de l’OMS venus s’enquérir des dispositifs du pays en matière de lutte contre la pandémie.
Spéculations interdites
Les Mauritaniens sont connus pour leur manie à profiter des moments difficiles pour spéculer sur les prix. Parant à cette éventualité, le ministère de la Santé a formellement interdit tout mouvement sur les prix récemment uniformisés des médicaments. Demande a été faite à toutes les personnes ayant constaté l’augmentation des prix d’appeler des numéros verts du département. Selon certaines sources, plusieurs tentatives ont été sévèrement réprimées par les services compétents. Dans la foulée, le ministère a publié le calendrier des gardes des pharmacies à Nouakchott. Mais avec le couvre-feu, des citoyens peuvent connaître des difficultés à se déplacer en cas d’urgence.
Mesures administratives et sécuritaires
En plus des campagnes de sensibilisation invitant les citoyens à se laver les mains, les pouvoirs publics ont également pris, comme dit tantôt, diverses mesures administratives et sécuritaires. Mais au lendemain même de l’instauration du couvre-feu, le ministère de l’Intérieur est revenu à la charge pour les durcir. Face à l’entêtement des populations qui continuent à circuler après18h, des commerçants laissant ouvertes les portes de leur commerce tard dans la nuit, des transports urbains sillonnant les différents quartiers de la ville, il a décidé de sévir désormais contre tous ceux qui enfreignent les mesures régissant le couvre-feu.
Une circulaire a ainsi été adressée à la direction de la Sûreté nationale, aux états-majors de la Garde, de la gendarmerie et du Groupement Général de la Sécurité des Routes (GGSR) pour leur demander de faire respecter rigoureusement les consignes. Reste que les grands marchés de la capitale et les mosquées continuent à former des attroupements que les pouvoirs publics ne se pressent pas de réguler, craignant certainement les effets économiques, d’une part, et politiques, d’autre part.
Halte au danger !
Mais le plus grand danger pour les Mauritaniens pourrait venir de leur manque de civisme si souvent constaté dans nos villes et villages. En effet, avec la fermeture des frontières, certains de concitoyens, craignant le confinement à l’étranger, peuvent être tentés de rentrer au pays clandestinement, en dissimulant leur éventuelle provenance d’un pays endémique. Leur communauté peut ne pas dénoncer les cas et souffrir alors de la contagion. Des rumeurs ont circulé sur le laxisme ou la complaisance de certains constatés à l’aéroport Oum Tounsy et en divers lieux de confinement d’où auraient été extraits des proches de hauts responsables du pays. Il faut saluer ici le geste du président de l’UFP, Mohamed ould Maouloud. Rentré récemment de France par le Sénégal, il a choisi de se confiner pendant quatorze jours.
Comme le dit un sociologue sénégalais, nous devons faire preuve de corona-responsabilité. Certes, il y a des efforts de sensibilisation des citoyens, des mesures de prévention, comme le lavage des mains, mais les mesures de barrière restent très timides, pour ne pas dire presque inexistants. Dans nos bureaux, nos véhicules, nos marchés et dans nos rapports avec nos voisins, personne ou presque ne s’en préoccupe. « Restez chez vous », n’a aucune prise sur nos compatriotes. Or, selon un spécialiste, seuls la distanciation et le confinement sont, à l’heure actuelle, efficaces à combattre le COVID19. Prions Dieu que cette foutue merde ne s’incruste pas chez nous !
Geste de solidarité
Si la Mauritanie n’est pas affectée au point de devoir fermer ses outils de production, elle doit anticiper au plan économique. C’est peut-être pourquoi le patronat a annoncé que l’approvisionnement du marché national en produits vitaux ne souffrirait pas du COVID19. Mais le patron des patrons s’est abstenu de nous assurer que les prix ne vont pas monter. De fait ils flambent depuis quelques temps, en dépit des déclarations du gouvernement. Après le lait en poudre et l’huile, d’autres pourraient suivre. Tenez, le kilo de citron venu du Maroc est passé, en quelques jours, de 600 à 800 MRO.
Le patron des patrons n’a eu aucune pensée à l’endroit de leurs employés, alors que l’institution qu’il dirige a, dans un geste de solidarité avec le gouvernement, octroyé, selon les médias, un milliard d’ouguiyas. Le don du patronat intervient après celui deux autres hommes d’affaires, Ould Bouamatou et Ould Noueiguedh avec, respectivement 1,1 et 1 milliard de MRO. Des gestes de solidarité qui devraient faciliter la tâche du ministère de la Santé mais qui risquent fort de profiter beaucoup plus au ministère de l’Équipement et des transports qui gère la logistique des confinés. Et l’on signalera, pour conclure, l’appel du président de l’Assemblée nationale, Cheikh Ould Baya, demandant aux Mauritaniens de changer d’habitudes pour combattre la pandémie.
Dalay Lam
lecalame