Vaille que vaille, il explique donc que l’économie va mal, que la pauvreté se propage dans le pays, que le secteur de la santé est paralysé comme l’éducation. Toutes Les entreprises publiques seraient mal gérées et au bord de la faillite, notamment la Société Nationale d’Industrie et des Mines (SNIM), avec un coût d’extraction du fer (40 $ la tonne) qui serait plus du double de celui observé au Brésil (18 $). Le poisson, une des grandes ressources du pays, pourrirait dans les entrepôts par manque d’électricité, à cause de la mauvaise gestion de la société nationale, la Somelec. Le secteur privé serait lui aussi malade, ce qui freinerait l’élan des investisseurs nationaux et étrangers. Vous l’aurez compris, l’homme d’affaires trace de son pays, un portrait apocalyptique.
Du 26 septembre au 09 octobre 2019, c’est-à-dire au moment même où Mohamed Ould Noueigued présente une Mauritanie décadente, une mission du FMI a séjourné à Nouakchott. Voici ses conclusions :
- La mise en œuvre du programme économique a été bonne, et le programme continue d’être sur de bons rails.
- La croissance économique s’est accélérée et devrait attendre 6,9% cette année, tirée à la fois par les secteurs extractifs et non-extractif.
- Les politiques économiques maîtrisées devraient continuer, tout en tenant mieux compte des besoins sociaux.
Le FMI met cette bonne santé de l’économie mauritanienne au crédit de « la prudence budgétaire des autorités ». Voilà donc deux regards posés sur le même pays, l’un par un citoyen légèrement excessif, malveillant et quelque peu aigri. L’autre par un organisme indépendant et ayant plus que tout autre, autorité en la matière et qui est peu connu pour encenser les pays d’Afrique. Ainsi, quand le PDG de la BNM fustige la gouvernance, noircit la gestion des sociétés publiques, voue le secteur privé aux gémonies, le FMI a un son se cloche diamétralement opposé.
Observons le paysage politique, social et économique de la Mauritanie pour voir s’il correspond à cette description catastrophique. En aout 2019, le pays franchissait une nouvelle étape magistrale dans sa renaissance et sa maturation. Le président Mohamed Ould Abdelaziz quittait le pouvoir après deux mandats, alors même que de nombreuses voix de la société civile et des forces vives de la nation le suppliaient de poursuivre son œuvre, de ne pas céder à la dictature de la limitation des mandats. Sous la gouvernance de l’ancien président, le pays a connu des progrès sur tous les plans, social, économique, sportif, culturel. Tous les observateurs qui arrivent dans ce pays, même les plus malveillants, ne peuvent s’empêcher de reconnaître les transformations que l’on observe à partir de l’aéroport flambant neuf, en passant par l’autoroute qui conduit à cette ville que l’on trouvera baignée de lumière, avec une urbanisation galopante et de qualité. Mais il faut le dire, on ne peut pas plaire à tout le monde surtout si les gens se laissent emporter par la mauvaise foi du revenchardisme, doublée de cette haine de soi qui caractérise certains africains, si prompts à dire du mal de leur pays.
Revenons un peu en arrière pour mieux comprendre.
La Mauritanie entre 2009 et 2019, en dépit d’une conjoncture difficile, marquée au plan régional par une instabilité dans le Sahel et une crise des prix des matières premières, affiche un bilan largement positif.
Les grands équilibres macroéconomiques ont été rétablis au tout début de la décennie et maintenus contre toutes sortes d’aléas tout au long de la période. Le taux de croissance a été maintenu autour de 4 % en moyenne. Le taux d’inflation a été maintenu en deçà de 3 % sur la période. Les réserves extérieures étaient maintenues autour de 5 à 6 mois d’importation.
Afin de mieux éclairer le lecteur, il faut se souvenir que l’économie mauritanienne était toujours peu diversifiée et dépendante des facteurs exogènes et en particulier la situation pluviométrique et celle des prix mondiaux du fer, du poisson et des hydrocarbures. La croissance a été négative 11 fois sur les 54 dernières années, soit un peu plus d’une année tous les cinq ans.
Il est à noter qu’elle n’a jamais été négative depuis 2009.
Parmi les facteurs qui ont ralenti la croissance de l’économie, on peut citer : outre l’absence de politique de diversification mettant en avant les secteurs où le pays dispose d’avantages comparatifs (l’agriculture, l’élevage et la pêche), le déficit curial en infrastructures économiques de base, le cadre réglementaire peu favorable au développement du secteur privé, les coûts de facteurs de production relativement élevés et le cadre général des affaires rigide. Le PIB en 2009 était en recul d’environ 1%, le déficit budgétaire de base atteignait 5,3 % du PIB non pétrolier, le déficit des transactions courantes était situé à 12,7 % correspondant environ à 238 millions de dollars, soit à 2,2 mois d’importations à fin décembre 2009.
Les recettes fiscales représentaient moins de 9% du PIB et 45% du total des ressources budgétaires. Les dépenses de fonctionnement absorbaient 26% des ressources domestiques et 19% des ressources totales du budget. Les dépenses d’investissement sur ressources intérieures en 2009 étaient seulement 36,9 milliards, soit 13% du budget total et 7,62% du PIB en 2009.
On comprendra aisément que l’assainissement des finances publiques et le rétablissement d’un cadre macro-économique stable était la priorité du Président Mohamed Ould Abdel Aziz depuis son arrivée au pouvoir en 2009. Ainsi, les ressources fiscales ont été multipliées par trois passant de 162 à 328 milliards d’ouguiyas. Ce résultat n’est que le fruit d’une meilleure administration de la fiscalité, dont les taux sont restés relativement stable sur la période.
Les recettes du secteur de la pêche sont passées de 41 milliards en 2009 à 72 milliards en 2018, soit une augmentation de 75%. Quant aux recettes provenant de l’accès à la ressource minière, elles sont passées de 18,5 milliards en 2009 à 68,7 milliards en 2018, soit une évolution de 271%. Faut-il rappeler le niveau records de bonus de signature des contrats des partages enregistrés en 2018 grâce à l’attractivité du pays et à l’efficacité de la stratégie de négociation du gouvernement.
Parmi les actions entreprises par le président Mohamed Ould Abdelaziz pour assainir les finances publiques, on peut citer la reprise en main des finances des entreprises publiques. En effet, avant lui, ces entreprises déposaient leur argent dans les banques privées. Ces banques prêtaient cet argent à l’état à des taux usuriers de plus de 11%. Ainsi, l’état payait pour emprunter son argent. On a peine à imaginer un tel système de prédation du bien public.
Au cours de la décennie, l’encours total des bons du trésor conventionnels a chuté de 83,5 milliards d’ouguiya en 2009 à 53,5 milliards d’ouguiya au 31 décembre 2018. Le coût de cet endettement du trésor a baissé considérablement car le taux d’intérêt moyen annuel est passé de 9,7 % en 2009 à 4,8 % en 2018. La structure de cette dette intérieure a aussi considérablement changé. Le non bancaire qui ne représentait que le quart du portefeuille en 2009 en représente presque la totalité en 2018. Le portefeuille détenu par les banques est passé de 57,4 milliards d’ouguiyas en 2009 à 3,4 milliards en 2019. On peut aussi souligner que les 4 ou 5 banques que comptait jadis la Mauritanie, chaque année accusaient des déficits parfois abyssaux. Aujourd’hui, on en est à une vingtaine. Grâce à l’assainissement du climat des affaires et au frein mis à l’abus de biens sociaux dans le pays, ces banques présentent des bénéfices chaque année.
Le taux de croissance enregistré au cours de l’année 2018 a été de 3.6 % malgré la sècheresse, le recul de la croissance du secteur extractif (-12.5%) et des prix élevés des hydrocarbures. Les projections sur la période 2018-2022 montrent que la croissance évoluera en moyenne de 6,4% par an grâce notamment aux performances attendues au niveau du secteur non extractif mais aussi de la reprise du secteur extractif sous l’effet de l’exploitation pétrolière et gazière à l’horizon 2022.
Au cours de la décennie précédente, des investissements considérables ont été réalisés au niveau des infrastructures de base. Le dépouillement des marchés passés au cours de cette période, sur les seules ressources intérieures montre que les routes se sont taillé la part du lion avec 142 milliards sur la période.
Deux tiers des financements extérieures mobilisés, soit un montant de 4 198,5 millions de USD sur la période ont été consacrés aux infrastructures ; notamment l’hydraulique et l’électricité mais aussi les routes et les aménagements agricoles.
Le climat des affaires si cher à notre banquier n’est pas en reste. La réforme du climat des affaires a constitué une priorité des pouvoirs publics au cours de la décennie 2009-2018. Ainsi la loi portant code des investissements a été promulguée en 2012 et modifiée en 2016 et 2019 pour améliorer l’attractivité de l’économie mauritanienne. L’accès aux financements a connu une nette amélioration et le taux d’intérêt directeur est passé de 12,5% en 2009 à 6.5% en 2018.
Le taux de bancarisation est passé de 10,1% en 2009 à 21% en 2018. La loi portant code de l’arbitrage a été promulguée en 2019 ainsi que la loi portant sur la résolution des petits litiges. Un guichet unique est opérationnel depuis 2014 facilitant la création d’entreprises dans un délai ne dépassant pas les 48 heures. Un conseil Supérieur d’amélioration du climat des affaires a été créé en 2019. Un nouveau cadre législatif et règlementaire des partenariats Public-Privé a vu le jour par la promulgation de la loi relative aux PPP et ses textes d’application. Un premier PPP a été lancé en 2018 et trois PPP sont programmés pour 2019 sur un portefeuille de 10 projets éligibles à ce mode de contractualisation. Les travaux pour la construction en mode PPP d’un terminal à conteneurs et d’une jetée pétrolière viennent de commencer. Grace à ces réformes la Mauritanie a pu enregistrer une progression de 28 places sur le classement Doing Business de la Banque mondiale durant la période 2015-2018. Le climat des affaires dites-vous …..
Pour conclure, les données disponibles aux 31 décembre 20018, révèlent que tous les indicateurs relatifs au cadre budgétaire de la Mauritanie sont au vert. Le taux de croissance a atteint 3.6 % malgré la baisse de la croissance du secteur des hydrocarbures et des industries extractives (-12 %). L’inflation a été maitrisée avec un taux autour 2,9. Le pays accumule des excédents budgétaires d’une année à l’autre et des réserves atteignant 1.056 milliards de dollars US, soit environ 6 mois d’importation. Ces réserves ne prennent pas en compte l’apport des recettes en devise des industries extractives. D’ailleurs le prix du fer et de l’or ont ralenti depuis de nombreuses années. Les recettes fiscales intérieures sont passées de 10,4 milliards en 2008 à 36,2 milliards d’ouguiya nouvelles en 2018, soit une augmentation de 240 %. Les recettes douanières sont passées de 7,16 milliards en 2008 à 22 milliards d’ouguiya en 2018 soit une augmentation de 310 %.
Sans vouloir être désobligeant à l’égard de Monsieur Noueigued et sur un ton un brin polémique, il serait intéressant de savoir comment Mohamed Ould Noueigued, héritier d’une grande famille – on ne va pas lui reprocher le privilège d’une naissance dorée – a fructifié sa fortune. On n’oubliera pas, lui non plus d’ailleurs, que du temps du régime Taya si cher à son cœur et à celui de certains de ses semblables, on a privatisé deux banques ( SMB / BIMA), pour les attribuer à son groupe. De même, il serait intéressant de se pencher sur les conditions d’attribution à son profit des 8 % de la société de téléphonie mobile Mauritel sans aucun appel d’offres ni mise en concurrence. Nous pouvons avancer d’autres illustrations des méthodes aujourd’hui dépassées. Nous nous contenterons de rappeler la hargne de certains hommes d’affaires envers le président Mohamed Ould Abdelaziz dont les méthodes ne correspondent plus à l’univers de prébendes et de passe-droits qui avait assuré leurs fortunes. Ces hommes d’affaires ayant largement profité de 20 ans de gestion opaque et qui aujourd’hui s’érigent en donneur de leçons.
A côté de cette petite caste, tous ceux qui parfois hier brimés par le système, ont décidé de se conformer à la loi, ne tarissent pas d’éloges envers l’ancien président et grossissaient la foule de ceux qui lui demandaient de poursuivre son œuvre.
Jemal M. Taleb
Avocat au barreau de Parisien, Conseil
du Président Mohamed OULD ABDELAZIZ
Source : Financial Afrik (Le 10 novembre 2019 / Source : www.kassataya.com