La Mauritanie fait face à un dilemme économique majeur : l'absence de politique monétaire autonome. La Banque Centrale ne dispose pas de la capacité de modifier ses taux d'intérêt ou d'influencer sa masse monétaire en fonction de ses contraintes, la Mauritanie est limitée dans ses outils pour stabiliser son économie. Si les solutions nécessaires à son développement sont connues depuis longtemps, c'est leur mise en œuvre qui fait défaut. A travers cet article, nous proposons un ensemble de stratégies bien établies mais souvent négligées : des politiques budgétaires rigoureuses, la diversification économique, des réformes structurelles et une intégration régionale renforcée. Toutefois, la clé du succès repose sur deux piliers souvent sous-estimés : une gouvernance efficace et un investissement massif dans le capital humain.
Certains pourront arguer que cet article n’apporte rien de nouveau. Après tout, les propositions évoquées ici sont largement connues. Pourtant, la vocation de notre participation au débat n’est pas dans l’inventaire des idées, mais dans l’insistance sur leur mise en œuvre. La Mauritanie n’a pas besoin de nouvelles théories économiques, mais de réformes concrètes et d’une exécution rigoureuse de ce qui a longtemps été préconisé mais rarement réalisé.
L’absence de politique monétaire autonome : une contrainte bien connue
Contrairement à des économies disposant d’une banque centrale indépendante capable d’ajuster ses taux d’intérêt ou de jouer sur sa création monétaire pour stimuler la demande, la Mauritanie se retrouve dans une situation où elle doit utiliser d’autres leviers. Dans un contexte où l'inflation globale, les prix des matières premières et les chocs économiques internationaux affectent directement l'économie locale, l'absence de politique monétaire autonome est une véritable contrainte. Pourtant, cette limitation, bien que frustrante, ne condamne pas la Mauritanie à l’immobilisme. D'autres outils sont à sa disposition, encore faut-il savoir les utiliser.
La politique budgétaire : un levier à mieux exploiter
La politique budgétaire devient alors l’outil clé pour compenser cette absence de souveraineté monétaire. Toutefois, cette stratégie doit être rigoureusement gérée. Dans un pays où les ressources financières sont limitées et où les besoins sont immenses, la gestion des dépenses et des recettes publiques nécessite une discipline budgétaire stricte. Il est impératif d'améliorer la collecte fiscale, non seulement en réduisant l’évasion fiscale, mais aussi en élargissant l’assiette fiscale. Cependant, augmenter les recettes fiscales ne suffit pas. La Mauritanie doit éviter de s’endetter excessivement pour financer des projets non prioritaires.
Les investissements publics doivent être orientés vers des infrastructures clés : routes, énergie, télécommunications. Bien que des projets d’infrastructures ambitieux soient nécessaires pour moderniser l’économie, un recours excessif à la dette posera problème à long terme. Une évaluation minutieuse des retours économiques de chaque projet est essentielle afin d’éviter des situations où les investissements ne généreraient pas suffisamment de valeur ajoutée pour justifier leur coût.
Diversification économique : sortir de la dépendance aux ressources naturelles
La Mauritanie est fortement dépendante des matières premières, notamment l’exploitation du fer, de l’or, et de la pêche. Bien que ces secteurs génèrent des revenus importants, ils exposent le pays à des fluctuations dangereuses liées aux prix mondiaux. La nécessité de diversifier l’économie est plus que jamais évidente. Mais cette diversification doit aller au-delà de simples initiatives. Elle doit être pensée dans une stratégie globale où chaque secteur se complète.
L'industrialisation locale, notamment la transformation des matières premières avant exportation, est une piste prometteuse. Plutôt que d’exporter du minerai brut, le développement de la transformation locale peut permettre de créer plus d’emplois et d’augmenter les revenus. L'agriculture irriguée et durable le long du fleuve représente également une opportunité à saisir pour renforcer la sécurité alimentaire et développer des produits à haute valeur ajoutée destinés à l'exportation.
Cependant, la diversification nécessite des infrastructures, des financements et un environnement commercial propice. Les PME, qui peuvent jouer un rôle moteur dans cette diversification, manquent souvent de financements adaptés et sont freinées par des régulations complexes. Une simplification des procédures administratives et un soutien direct aux entreprises locales permettraient de renforcer le tissu économique du pays.
Réformes structurelles : la gouvernance au cœur du changement
Un des plus grands obstacles au développement de la Mauritanie est la faiblesse de la gouvernance. La corruption, la bureaucratie et l’inefficacité des institutions publiques freinent non seulement la croissance, mais découragent également les investisseurs. Améliorer la gouvernance est essentiel, et cela passe par une plus grande transparence dans la gestion des finances publiques, une lutte active contre la corruption et une gestion efficace des ressources naturelles.
Cependant, une gouvernance efficace ne peut se résumer à des déclarations de bonne intention. La mise en place de mécanismes de contrôle indépendants et d’organismes de lutte contre la corruption, accompagnés de sanctions claires, est nécessaire. Par ailleurs, la décentralisation et l'implication des populations dans les décisions économiques et politiques peuvent renforcer la gouvernance. Un État de droit fort, où les contrats sont respectés et les droits des investisseurs protégés, est essentiel pour rétablir la confiance dans l'économie et attirer des capitaux étrangers.
Intégration régionale : une opportunité sous-exploitée
La Mauritanie a un potentiel encore largement inexploité en matière d’intégration régionale. Sa situation géographique stratégique entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne offre des opportunités considérables pour développer les échanges commerciaux et bénéficier de l’essor économique de la région. En renforçant ses liens avec des organisations telles que la CEDEAO et l'Union africaine, la Mauritanie peut améliorer ses infrastructures commerciales et accéder à des marchés plus vastes.
Mais l’intégration régionale ne se limite pas à la signature d’accords commerciaux. Il s’agit également de mettre en place des infrastructures transfrontalières, de faciliter les échanges et de développer des normes communes. Par ailleurs, la Mauritanie doit travailler à renforcer la compétitivité de ses produits pour qu’ils soient attractifs sur ces marchés élargis.
Capital humain : la véritable richesse de la Mauritanie
Si la gouvernance est la clé du succès, l’investissement dans le capital humain est la pierre angulaire d’un développement durable. La Mauritanie a une population jeune, mais celle-ci est souvent mal formée et peu intégrée au marché du travail. L’éducation et la formation professionnelle sont cruciales pour permettre aux jeunes d’acquérir les compétences nécessaires dans une économie en mutation. Des programmes de formation en sciences, technologies, ingénierie, doivent être développés pour préparer la main-d’œuvre aux industries de demain.
L'amélioration du système de santé est également un levier essentiel pour garantir que la population puisse participer pleinement à l'économie. En parallèle, l'inclusion des femmes et des jeunes dans le marché du travail doit être encouragée par des politiques sociales et économiques volontaristes. L'investissement dans le capital humain, qu'il soit dans l'éducation, la santé ou l'égalité des chances, est un pari sûr pour la prospérité future de la Mauritanie.
Le véritable défi, c’est l’action
En somme, les solutions aux problèmes économiques de la Mauritanie sont connues depuis longtemps. Les politiques budgétaires, la diversification économique, la réforme de la gouvernance, et l'investissement dans le capital humain ne sont pas des idées nouvelles. Mais ce qui fait défaut, c'est la mise en œuvre rigoureuse de ces solutions. Les critiques pourront dire que cet article n'apporte rien de révolutionnaire. Et ils auront raison, mais à moitié.
Le véritable défi pour la Mauritanie n’est pas de découvrir de nouvelles théories économiques, mais de traduire les bonnes idées existantes en actions concrètes et durables. C'est en mettant en place ces réformes, avec sérieux et détermination, que la Mauritanie pourra enfin réaliser son potentiel et répondre aux besoins de ses habitants. Il est temps de passer de la parole aux actes.
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