« L’innocence porte en elle sa défense », dit un proverbe français. L’accréditation, par l’Assemblée nationale, d’une commission chargée de vérifier certains dossiers de la dernière décennie suit en droite ligne les aspirations du peuple à connaître ce qui s’est réellement passé, en cette gabegie dont il est tant question. Une décision salutaire qui exprime la séparation des pouvoirs et inscrit l’Assemblée nationale dans son rôle de contrôle de l’action de l’Exécutif, mettant fin aux spéculations des vendeurs d’illusions et de fausses informations, pour dire enfin la vérité.
La bataille s’annonce âpre et les accusés, qui ne seront pas coupables jusqu’à preuve du contraire, useront, pour se défendre, de toutes les armes de la présomption d’innocence. Le moins qu’on puisse dire est que c’est de bonne guerre. Cependant il importe de préciser que l’objectif d’une telle commission est d’éclairer sur les points arrêtés dans son mémorandum, donc bien définis préalablement, et de remettre son rapport, sans intention de porter atteinte à quiconque d’autre que ceux reconnus impliqués dans la mauvaise gestion et/ou malversations : ordonnateurs, bénéficiaires, complices éventuels… ; preuves matérielles irréfutables à l’appui.
Calmer les esprits
Les craintes que les uns et les autres ont de voir cette mission dégénérer en règlements de comptes, n’ont pas raison d’être, dans la mesure où les députés choisis, par leurs pairs, pour accomplir ce travail complexe et sujet à équivoque, l’ont été sur des critères objectifs et leur acceptation est une preuve de dépassement et de hauteur sur toute considération subjective. Certes, un audit des comptes de l’État dès la passation de service, le 1er Août 2019, eût été la meilleure approche pour faire taire les grincements, ici et là, et démarrer le nouveau mandat avec un tableau de bord propre et des indicatifs précis et bien connus. C’est la coutume républicaine car il est des choses qui ne supportent pas la navigation à vue. Mais hélas ! Il aura fallu six mois pour reconnaître ce qu’on aurait dû annoncer le premier jour.
Calmer les esprits et arrêter les supputations, en publiant des informations fiables, est une manière efficace de servir la transparence. Cette transparence qui fait tant défaut, dans les relations entre le sommet et la base, et qui constitue, sans nul doute, une des plus prégnantes exigences contemporaines du peuple. Connaître ce qui se passe autour de soi est un minimum des droits qui ne peuvent plus être tus, encore moins occultés. En ces temps où l’information circule partout, via de multiples moyens de communication, notamment les réseaux sociaux, cet impératif s’impose, tendant à exhiber les plus grands secrets.
La rétention de l'information est un mode révolu de société. Toujours plus de transparence dans la gestion des affaires ! Dorénavant les gouvernants doivent communiquer avec le peuple, le mettre au même niveau d'informations, sur tous les sujets de l'heure. Gagner ainsi du terrain sur les spéculations et… les spéculateurs. Haut du formulaire
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Nous sommes curieux de savoir ce qui s’est passé en matière de gestion pendant la dernière décennie. Celle-là qui a creusé davantage les fossés au sein du peuple, le divisant entre une poignée de très riches et une majorité de très pauvres. Celle-là dont les politiques injustes et improvisées ont permis cet enrichissement illicite. Celle-là que le peuple, tout le peuple, abhorrera, une fois ses non-dits exhibés.
Zones d’ombre
Les bénéficiaires de cette période devront tout simplement s’éclipser, comme d’autres avant eux, en d’analogues circonstances. Par respect au peuple. L’ampleur des zones d’ombre sur le boom financier et économique, visible à l’œil nu, d’une poignée d’individus, souvent les mêmes, enrichis pendant la dernière décennie, tandis que la pauvreté et l’ignorance frappaient, de plein fouet et sans distinction, ce peuple meurtri et réduit à la nécessité de l’aumône, impose, à défaut d’un audit de complet de l’État, plusieurs vérifications. Citons, sans prétendre à l’exhaustif, tant la liste est longue:
Faire la lumière sur la situation des comptes de l’État ; des ressources et des emplois ; du solde de ces comptes au jour de la passation de pouvoir. Expliquer le contraste entre la période de la hausse des prix des matières premières 2010/2014 (fer, or, pétrole, poisson, etc.) dont l’effet n’a pas été ressenti et l’évolution subite de notre dette extérieure (un peu plus de cinq milliards de dollars). Revoir, voire annuler les conventions qui sabordent notre économie, notamment celles des mines : fer de Fdérik, or de Tasiast, partage du gaz avec le Sénégal… ; et de la pêche avec les Chinois… Argumenter les ventes foncières à Nouakchott et partout ailleurs sur le territoire national ; identifier les réels nouveaux propriétaires des Blocs et des Écoles qui constituent un patrimoine, non seulement, immobilier mais, aussi, historique et culturel, lié à notre souveraineté nationale (naissance de notre capitale). Déterminer les conditions de construction de l’aéroport de Nouakchott et du nouveau Palais des congrès ; celles de la fusion-absorption de l’ENER par ATTM et de la liquidation de la SONIMEX. Préciser la nature et la valeur des biens déclarés par le Président sortant, conformément à la loi, ne serait-ce qu’en vue de les sécuriser, puisque cela relève de la responsabilité de l’État ; et en faire de même pour tous ceux qui tombent sous l’effet de cette même loi…
Toutes ces enquêtes s’inscrivent dans une saine démarche de transparence, avec l’objectif, rappelons-le encore, non pas de vilipender quiconque, mais de rechercher et déterminer objectivement les conditions d’acquisition de richesses actuellement couvertes de zones d’ombre et de non-dits qui continueront de nourrir et aiguiser les supputations, tant que les voiles n’en seront pas entièrement levés. Mais attention! Le couteau est à double tranchant. Le succès de la commission mandatée par le Parlement dépend de clés précises : professionnalisme, rigueur, équité, compétence, le tout dans une impartialité irréprochable. Une occasion historique à ne pas gâcher. Son échec avérera une incompétence de ses membres qui devront en répondre devant l’Histoire.
AMI