Insécurité permanente à El Mina
La zone d'El Mina a toujours été une zone dangereuse. Le taux de la criminalité y est très élevé. Plusieurs bandes et individus criminels y circulent en quête de proies. Mais il était rare que ces bandits opèrent de jour qu’ils passaient plutôt à écouler le butin de la veille, le plus souvent au marché aux puces dit « Tieb-tieb ». La conjoncture actuelle a changé la donne. Le couvre-feu et la rigueur de cette période de vaches maigres ont, semble-t-il, modifié la stratégie des malfaiteurs...
Lundi 8 Juin vers quatorze heures, le journaliste Mohamed ould Hassan passe non loin du fameux carrefour Yéro Sarr. Au moment d'entrer dans une rue adjacente, le voilà soudain entouré par quatre gaillards de teint foncé dont deux hassanophones, machette au poing. Ils le tiennent en respect pendant trois bonnes minutes le temps de vider ses poches, avant de disparaître sans laisser de traces. La victime demande alors au premier passant de lui prêter son téléphone pour appeler la police. Une heure plus tard, deux agents du commissariat de police El Mina 1 se présentent. Ils le bombardent de questions et repartent après avoir noté son adresse. Aux dernières nouvelles, ces bandits courent toujours. Plusieurs autres personnes ont été victimes de ce même type d’agression en différents quartiers de la zone.
Une bande prise en flagrant délit
Le taux de la criminalité a tout de même relativement baissé en certains points chauds de Nouakchott, depuis le début du confinement. Le couvre-feu et les rondes sécuritaires y ont joué un rôle capital. Les malfaiteurs avaient changé de programme pendant le mois béni du Ramadan. Comme la majorité des gens fait nuit blanche, il était impossible de cambrioler la nuit. Le moment idéal, pour les cambrioleurs, s’était donc déplacé entre sept et neuf heures du matin. Après le mois sacré, les malfaiteurs ont à nouveau changé de stratégie. De bonne heure attentifs aux mouvements des forces de l'ordre, ils repèrent, pour y opérer plus tard, les quartiers où les patrouilles ne passent qu'une ou deux fois...
Il y a quelques jours à Arafat, une bande de trois récidivistes tout dernièrement graciés cible une villa sise au poteau 15. Les voilà à forcer la porte d'entrée de la maison à l'aide d'un cric. Les habitants se réveillent en sursaut et alertent la Garde. Heureusement pour eux, une patrouille passe non loin. En moins de dix minutes, les trois récidivistes sont menottés et battus par les badauds. Embarqués au commissariat de police le plus proche, ils sont en suivant déférés et renvoyés illico presto en prison.
Gendarmerie...
Considérée comme un noble corps, la gendarmerie nationale est bien vue par l'opinion publique. Mais il y a toujours l'exception qui confirme la règle. J'ai publié en 2015, dans les colonnes de ce journal, un papier qui fut repris par Cridem. Il relatait un incident que j’avais vécu à un poste de gendarmerie sur la dune du PK 92 de la route Nouakchott-Boutilimit. Je ramenais ma famille de l'hivernage. La malle-arrière de ma Toyota Avensis break était pleine de bagages. J’aime être réglo, aussi avais-je loué les services d’un transporteur pour le reste de notre équipement, bien que mon véhicule disposât d’un porte-bagages. Mais au moment de partir, une parente nous rejoignit avec un panier de voiles que je me vis dans l'obligation de fixer sur ledit porte-bagages, heureusement sans dépasser la hauteur réglementaire. Au passage des postes de Tévérit et Wad Naga, on nous fit signe de continuer. Mais à Tenadi où s’était formé, devant nous, une file de voitures, les gendarmes laissèrent passer tout le monde… sauf moi. « Les pièces du véhicule ! », ordonne l'un d'eux. Je les lui donne.
Elles sont règle mais il ne me les rend pas et part contrôler une autre voiture. Je le suis pour obtenir des explications. « Tu es en infraction pour volume excessif de bagages ! – Comment ça ? Vous laissez passer deux minibus et un camion dont la hauteur du volume sur le porte-bagage dépasse trois mètres… et vous m'arrêtez pour un petit panier ? – Occupe-toi de ce qui te regarde ! », tranche-t-il en colère. J'essaie de convaincre son collègue en invoquant la fatigue de mes enfants qui pleurent de soif. Peine perdue, tandis que défilent, sous un soleil ardent, je ne sais combien de véhicules autrement plus chargés que le mien. Sans aucun problème, eux. Finalement, je vais voir le chef de poste retranché dans une petite piaule ou passe, de temps à autre, un chauffeur et repart, après avoir déposé son « petit cadeau ».
Voici – et Allah est témoin ! – ce qu'il me répondit : « Tu sais, vous, les gens de Nouakchott, vous vivez dans la richesse. Ces pauvres gosses demeurent dans cette brousse sans rien du tout. Aidez-les, si vous voulez repartir vite ». Totalement ébahi de tels propos dans la bouche d'un sous-officier censé connaître et respecter la loi, je m’insurgeai : « Jamais je n'accepterais la corruption. Dressez-moi une contravention ; je suis prêt à partir en ville verser son montant au Trésor et vous ramener en suivant le reçu. – Pas question, tu vas le payer ici. – Jamais, quitte à rester là ! ». La propriétaire du panier intervint. « Je ne veux pas que vous ayez des problèmes à cause de moi. Je vais aller lui demander service en tant que femme. S’il refuse, je descendrai ici avec mon panier pour vous laisser continuer. – Vas les voir, si tu veux, mais je ne te laisserai en tout cas pas ici ». Elle partit et revint au bout de cinq minutes. Avec les papiers. « Ils sont gentils, ils ont accepté de nous libérer ». Quelques mois plus tard, j’appris, par un tiers, qu'elle leur aurait passé deux mille MRO. Était-ce vrai ? « Non, non », s’empressa-t-elle de me répondre.
Voilà pour l’exception. Quant à la règle, on rappellera simplement le travail colossal qu’accomplissent ces jours-ci les gendarmes. Ils veillent aux frontières, patrouillent dans les villes et se sacrifient sans compter pour la Nation quasiment en guerre contre un invisible ennemi. J'ai par ailleurs reçu confirmation de ce que j’ai plusieurs fois dénoncé. Deux clips vidéo enregistrés sur la route de l'Espoir. Le premier montre un minibus plein à craquer de bagages. Conduit par un chauffeur répondant au nom de Beiha, il allait de Tamchekett vers Nouakchott. Après avoir passé plusieurs postes sans problèmes, il arrive à celui d'Achram (Tagant) réputé pour la rigueur de ses contrôles.
On y suspecte une présence humaine sous les bagages. Le chauffeur dément. Les gendarmes ôtent un à un les bagages… et une tête apparaît… alors même que ledit Beiha s’entête à prétendre qu'il n'y a personne ! On fait sortir le passager clandestin qui déclare avoir payé 5 000 MRU au chauffeur. Le second clip montre une Toyota Hilux arrêté ailleurs sur la route de l'Espoir par une patrouille mobile. Les gendarmes découvrent, en place avant, une femme cachée sous une couverture ; en place arrière, un homme sous un tas de coussins et, derrière la cabine, un jeune homme sous des bonbonnes de gaz. Les transporteurs ne se soucient point du danger. Ils n’ont qu’un seul souci : le gain.
Mosy
lecalame.info