Réorganiser et professionnaliser les acteurs de la pêche artisanale tout au long de la chaîne de valeur au niveau du littoral, avec l’objectif de créer près de 10.000 emplois et d’accompagner les PME dans leur stratégie de développement. Telle est la priorité de l’Etat mauritanien et de ses partenaires. C’est dans ce cadre qu’intervient le projet PROMOPECHE financé à hauteur de 12 millions d’euros par l’Union Européenne et exécuté par le BIT pour une durée de quatre ansdans deux volets : Infrastructures et Renforcement de capacité des acteurs. Une première phase de formation, dans une série de sept, programmées sur une durée de 4 mois avec des sessions allant de 2 à 5 jours, vient d’avoir lieu, du 2 au 6 avril 2018 à Nouakchott. Elle a visé trente fournisseurs de Services d’appui aux entreprises (SAE), dont des consultants, des experts membres d’ONG nationale et internationales, des acteurs de la micro finance et de la pêche artisanale. Elle a été encadrée par deux experts du Centre International de Formation du BIT à Genève, M.Bamba Fall, Sénior business consultant et Maître formateur GERME ainsi queMme Linda Deelen, Chef de Programme Entreprise, Microfinance et Développement Local.
Formation proactive
Comme des éclaireurs, les formateurs balisant leurs cours par des questions introductives, ont laissé aux participants le soin de meubler le contenu par leurs contributions, créant un cadre d’échanges fructueux et stimulant. Les débats ont porté sur les types de services d’appui aux entreprises, les différentes catégories de prestataires, le rôle des subventions dans la régulation du marché, etc.
Par des études de cas concrets, les participants ont perçu la nécessaire connaissance du marché et de ses mécanismes, en particulier les besoins des PME pour déterminer le type de services à fournir (conseil en management, liens avec les institutions financières ou les services techniques, etc.), services en général méconnus, inexistants ou inaccessibles. Même pour vendre ces services, les participants devront trouver, selon les formateurs, la bonne formule pour susciter la demande, car les entrepreneurs peuvent les trouver inutiles, inopportunes ou non prioritaires, souvent par ignorance.
Formés pour devenir formateurs
Les participants sont appelés à former les PME grâce à des services de qualité au niveau des points de débarquement tout au long de la chaîne de valeur sur le littoral. C’est à ce titre que durant les cours qui leur ont été dispensés, les formateurs du BIT ont brossé le «Profil du formateur/ conseiller» et abordé l’étude du marché et les techniques d’appui aux Start-Up, à partir de l’exemple du Programme de Trickle-Up du Mali et celui de l’Indonésie dans l’autonomisation des femmes dans la transformation du poisson.
Par la suite, les participants ont abordé, les différentes étapes de création d’une entreprise : TRIE (trouver l’idée d’une entreprise), CREE (créer votre entreprise), GERME (gérer mieux votre entreprise) et DVE (développer votre entreprise), autant de programmes conçus par le BIT. Les futurs formateurs devront savoir présélectionner les participants à former, organiser un séminaire et connaître les méthodes de collecte des données. Ils devront dans ce cadre se doter du matériel didactique approprié, notamment le Manuel CREE, le Plan d’Affaires, un exemple de Business plan, le Manuel d’assistance et conseils, et enfin, le Jeu d’entreprise.
Les qualités d’une bonne formation
En découvrant le «Cône d’apprentissage d’Edgar Dale» et la «Taxonomie de Bloom», les participants ont appris que la meilleure manière d’ancrer une connaissance, c’est la pratique. D’où le «Jeu d’Entreprise» qui a été simulé en salle et le Jeu «GET AHEAD : Aller d’avant pour les femmes dans l’entreprise» et la dimension genre dans l’entrepreneuriat, surtout dans un secteur des pêches où les femmes sont très actives. Rappel également de quelques notions de comptabilité, tels le calcul des coûts (couts fixes et coûts variables) et l’établissement de bilans financiers.
Les participants ont également été initiés au Marketing et Commercialisation, avec les 4 P (prix, produit, place, promotion), en sachant déterminer quel produit pour quel marché, l’importance de la vision de l’entreprise et de ses valeurs fondamentales, les 5 forces de Michael Porter face à l’intensité de la concurrence, la recherche de nouveaux clients et les techniques de développement des relations commerciales, les stratégies de la croissance entrepreneuriale, le Plan d’Action. En Microfinance, les participants ont appris ce qu’est l’inclusion financière, la typologie des services financiers, la typologie des prestataires de service de la Microfinance, les obstacles à l’accès aux services financiers avec la gestion des risques et la liaison des services d’appuis aux entreprises de financement. Ils ont appris à réaliser un Cadre Logiqueavec le But Global (Impact), l’Objectif Spécifique (Résultats), les Extrants (Produits) et les Activités, en fixant une bonne ligne de base.
La cérémonie de clôture de la session a été marquée par le mot de M.Frederico Barroeta, Point Focal du BIT en Mauritanie qui s’est félicité de la qualité de la formation et des participants. Auparavant, M.Gilles Cols, Expert-consultant du BIT, avait détaillé la suite de ce programme de formation avant la distribution des certificats aux participants. Quatre groupes multispécialités, ont été créés et dispatchés dans les quatre points de débarquement retenus par le projet PROMOPECHE. Il s’agit du P.K 93, du P.K 144, de Tiwlit et de Mheijrat. Chaque groupe est chargé de présenter dans quatre mois, un Plan de développement stratégique du point de débarquement dont il a la charge. Un groupe sera sélectionné pour sa mise en œuvre dans une durée de deux ans.
Témoignages
Mme Linda Deelen, Formatrice
Nous venons de terminer le programme de formation aux SAE. Je pense que cela s’est bien passé. Nous avions un groupe de participants avec beaucoup d’expériences, des gens qui viennent de la micro finance, des ONG, du secteur même. Nous avons beaucoup partagé et j’espère qu’ils ont reçu une bonne base pour accompagner les entreprises du secteur de la pêche artisanale».
Zeynabou Séméga, GRDR Sélibaby
En tant que futur formatrice, cette session est importante pour moi, eu égard au fort potentiel économique du secteur de la pêche. Je me réjouis de l’engagement des autorités avec l’appui de l’Union européenne et du BIT à développer ce secteur et à impliquer les jeunes entrepreneurs. La pêche artisanale est encore embryonnaire et peu modernisée, d’où les besoins en compétences.»
Matourin MBodj, membre de l’ONG 2000
«Mes attentes par rapport à cette formation sont énormes. J’ai trouvé dans les présentations exposée, des outils qui vont me permettre d’améliorer mon travail. C’est aussi la première fois qu’on forme des formateurs dans le secteur de la pêche, même si tous les participants ne sont pas du secteur. Cette formation est donc pour moi innovante et je pense qu’il apportera un plus car les acteurs de la pêche artisanale ont besoin d’être accompagnés et encadrés »
Dieynaba Diallo, consultante
Je participe à cette formation pour renforcer mes compétentes et bénéficier des échanges d’expériences. C’est une grande opportunité et une grande chance offerte aux acteurs de pouvoir bénéficier d’un renforcement de capacité étalée sur plusieurs mois qui va permettre de pointer du doigt les vrais problèmes de la pêche artisanale en termes d’accompagnement et répondre aux besoins réels de l’entrepreneuriat. C’est un plus de se recycler et là nous avons des experts venant de grands centres de formation, avec l’expertise qu’il faut pour réduire le gap que nous avons».
Succès Story
Abderrahmane Chevigh, de simple employé pêcheur à patron de pêche
«Je suis originaire de Nouadhibou où j’ai passé toute mon enfance. J’ai partagé mes études entre Nouadhibou et Nouakchott. J’ai été obligé d’interrompre mes études en terminale, pour raisons familiales. Je me suis lancé en 1988 à Nouadhibou, avec d’autres jeunes, dans la pêche aux céphalopodes (poulpes). Nous étions les pionniers dans le domaine. Plus tard, en 1994, je suis parti à Nouakchott où j’ai travaillé comme employé pêcheur toujours dans la pêche aux poulpes. Après, j’ai monté ma propre affaire, en investissant et en recrutant du personnel. Je suis devenu ainsi patron de pêche. J’ai noué des contacts avec les pêcheurs Imraguens avec lesquels j’ai développé des partenariats. En 2000, j’ai commencé à assister à plusieurs rencontres organisées par la Direction du Banc d’Arguin et à m’intéresser aux mouvements associatifs. Aujourd’hui je suis vice-président de la Fédération nationale de la pêche artisanale. Nous avons participé à cette formation parce qu’en tant qu’institution qui s’intéresse au développement du secteur, c’est la première fois que nous sommes invités à une formation d’un tel niveau. Cette formation est importante pour nous, car nous pensons qu’elle peut booster le secteur et révolutionner le cadre général des investissements».
Cheikh Aïdara
source courrierdunord.com