La grande salle de l’ancien palais des congrès affichait complet. En effet, des membres du gouvernement, des partenaires de développement, des représentants de chancelleries étrangères, des députés, des élus locaux et une pléthore d’organisations de la société civile ont répondus présents. Présents pour mutualiser les efforts, afin de réduire la morbidité du cancer du sein en Mauritanie.
Dans son mot d’ouverture, la ministre des Affaires sociales, de l’Enfance et de la Famille, Mme. Naha Mint Cheikh Sidiya, a souligné que « parmi les problèmes auxquels les femmes font face, on peut noter ceux liés à la santé, dont le cancer du sein reste le plus épineux ». C’est donc dans ce cadre qu’intervient la journée de sensibilisation d’aujourd’hui. L’activité, poursuit la ministre, « comprendra, en plus de cette cérémonie, des campagnes de sensibilisation et de dépistages au niveau des coordinations régionales du ministère dans les trois wilayas de Nouakchott ».
En Mauritanie, le cancer du sein occupe la première place des différents types de cancers qui touchent spécifiquement des femmes, et cela, malgré les progrès réalisés en terme diagnostic et du traitement. C’est ce qui fait dire à la ministre que le cancer du sein « demeure un réel problème de santé dans notre pays avec des complications sanitaires, sociales et psychologiques ». Il est la cause la plus importantes des décès par cancer en Mauritanie.
Avant de finir son propos, Mint Cheikh Sidiya a tenu saluer les efforts du Centre National d’Oncologie pour prévenir et traiter le cancer du sein, et a invité « les structures de santé et les organisations de la société civile actifs dans le domaine, à redoubler les efforts de sensibilisation pour la prévention et le dépistage précoce de cette pathologie », car selon elle, plus le diagnostic est précoce, plus les chances de guérisons sont grandes.
Après la ministre des Affaires sociales, ce fut autour du ministre de la Santé, Dr Mohamed Nedhirou Hamed, de prendre la parole. De façon succincte, il a déclaré que « le traitement du cancer du sein devient simple, si le dépistage est précoce ». D’emblée, Dr Nedhirou dont le ministère est au cœur de la lutte contre le cancer, insistera sur l’importance de miser sur la prévention, pour sauver des vies.
De son côté, le Représentant du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), M. Saidou Kaboré, a fait une allocution, au nom du Système des Nations Unies en Mauritanie. Il aborde dans le même sens que la ministre, en faisant l’amère constat que le cancer du sein « handicape et ôte la vie à de centaines de milliers de vies de femmes dans le monde ».
Faisant référence à des statistiques de l’OMS, M. Kaboré dira que « la majorité des décès imputables au cancer du sein, 69%, surviennent dans les pays en développement ». La Mauritanie dans ce lot de pays, où plupart des cas sont diagnostiqués à de stades tardifs.
Le représentant onusien a déclaré que « le diagnostic en général tardif, touche les femmes relativement jeunes, avec une moyenne d’âge de 45 ans ». Or, pour atteindre les objectifs du développement durable, « toutes les études ont démontrés que les femmes doivent être au centre de tous les processus », précise M. Kaboré.
De ce fait, « la sensibilisation aux signes et symptômes précoces, ainsi que le dépistage par examen clinique des seins sont des interventions qui ont prouvé leur efficacité », affirme le Représentant du SNU qui se réjouit par ailleurs, de constater que le ministère de la santé a inscrit au niveau de l’axe 4 du Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) «la nécessité de prendre en charge la problématique du cancer comme une priorité ».
M. Kaboré a réitéré l’engagement du SNU à accompagner « les efforts du gouvernement, dans la lutte pour l’élimination des cancers en général, et plus spécifiquement le cancer du sein ».
Grande oratrice du jour, la directrice du Centre Nationale d’Oncologie, Dr. Ekhte El Benina Mint Zein, a fait un exposé, au cours duquel elle a mis en exergue la situation de la maladie en Mauritanie, ainsi que les moyens dont dispose son établissement pour la combattre.
D’emblée, elle a souligné que le cancer est la première cause de mortalité dans le monde, chez la femme. Mais selon elle, « ce taux mortalité décroit depuis une trentaine d’années, dans les pays les plus industrialisés ». La raison ? Tout simplement parce que les efforts ont été concentrés sur « le diagnostic précoce et l’amélioration des traitements ».
Le centre National d’Oncologie
S’agissant du CNO, il a pour mission de prévenir, de dépister et de traiter les cancers. Selon sa directrice, « le centre est doté d’un équipement extrêmement développé, qui permet un traitement de qualité des cancers », grâce notamment à ses 25 spécialistes.
Malheureusement, 1/3 des malades finissent par succomber, car « le diagnostic est souvent très tardif ». Il s’agit de femmes relativement jeunes (35-55 ans), avec une moyenne d’âge estimée à 49 ans, selon une étude du CNO. D’après ladite étude, l’obésité figure en bonne place parmi les facteurs de risques, avec 44%.
Détection/diagnostic
En outre, Dr Ekhte El Benina a présenté une stratégie pour réduire le taux de mortalité lié au cancer du sein. Ce mécanisme sera basé sur l’approche détection/diagnostic de femmes âgés de 25 à 65 ans dans les trois wilayas de Nouakchott et à Rosso, soit une population cible de l’ordre de 297 000 personnes, selon des chiffres communiqués par l’Office national des Statistiques au CNO.
Pour se faire, la directrice du CNO précise qu’il sera systématiquement proposé aux femmes qui viennent se consulter auprès d’un médecin ou d’une sage-femme, « de bénéficier d’un dépistage gratuit du cancer du sein ». Elles devront remplir au préalable, un formulaire de consentement et être inscrits dans un registre de dépistages. Un comité de pilotage est mis en place, pour coordonner la mise en œuvre de la stratégie.
Comme indiqué plus haut, la dern
ière partie de l’activité a été consacrée à la visite, de deux coordinations régionales du MASEF, où des sensibilisations et des dépistages gratuits, ont été organisés ce jour. La coordination de la wilaya Nouakchott Nord, située à Dar Naim plus précisément, a été la première escale de cette tournée ministérielle.
Un cri du coeur
Sur place, Dr Sidi Mohamed Abdou nous explique que, la majorité des cas sont négatifs, avant d’ajouter que les femmes sont sensibilisées sur l’autopalpation mammaire et sur la nécessité de faire à intervalle régulier, un dépistage du cancer du sein. Cela, afin d’être prises en charge rapidement. Le gynécologue s’est par ailleurs dit attristé, par le fait que beaucoup de femmes ignorent l’existence de centres, de spécialistes et de techniques simples pour détecter le cancer du sein à stade précoce. Il préconise donc un dépistage de masse, dans chaque quartier.
A sa suite, la secrétaire générale de l’Association des Sages-femmes de Mauritanie, Mme Aichetou Mint El Hadj, a attiré l’attention sur le fait que « les femmes qui ont dépassés l’âge atteints de ménopause, ont un taux de dépistage du cancer du sein très bas », alors qu’elles sont une population à risque, au vu de leur âge et d’autres facteurs. Une dizaine de cas ont été enregistrés dans ce centre.
20% atteintes du cancer du sein
Deuxième et dernière étape de la visite, la coordination régionale du MASEF au niveau de la wilaya Nouakchott Sud, située à Arafat, a refusé du monde. Là-bas, des échographies et mammographies ont été recommandés pour les cas symptomatiques. A la lumière des résultats, les patients pourront être orientés vers le CNO. Au moment où ses lignes sont écrites, 20% des personnes dépistées dans cette coordination, ce jour, ont le cancer du sein, dont certains avec des écoulements mammaires.
En marge du dépistage, des femmes réunies en coopératives ont présenté leurs doléances à la ministre. Présidente de la coopérative Bamtaare, Mme. Aminata Kalidou Ba, dira que « l’on peut avoir la maladie sans le savoir » si on ne se dépiste pas à temps, mais « la gratuité du dépistage pourrait améliorer la situation ». Elle a par ailleurs exposé la situation des femmes cheffes de familles, qui peinent à joindre les deux bouts. Elle a appelé au renforcement des mécanismes de solidarité et la promotion de l’autonomisation des femmes.
Pour rappel, la campagne octobre rose lancée à l’initiative de l’association Ruban Rose, en est à sa 27e édition. Il s’agit ici, d’un moyen de lutter contre le cancer du sein en informant et en mobilisant. C’est également l’occasion de mettre en lumière les avancées ainsi que les facteurs de blocage, pour aller dans le sens de l’amélioration de la santé des femmes. Le cancer du sein tue, c’est une réalité. Le salut de la moitié de l’humanité, repose en paix, sur le couple dépistage précoce et traitement adéquat.
Par Amadou SY
reflet.net