Avis aux lanceurs d’alertes et à tous ceux qui dénoncent malversations, gabegie et corruption : ne faites plus de vagues ! Votre place est désormais la prison et devant les prétoires, non en plaideurs de ce que vous avez avancé contre les fraudeurs mais en accusés d’avoir divulgué ce que tout le monde sait déjà. Il est en effet de notoriété publique que les marchés – d’adduction d’eau potable, barrages ou routes… – donnent, comme ils ont toujours donné, lieu à toutes sortes de malversations, avec la complicité manifeste de l’Administration et parfois même du bailleur de fonds. Ould Ghadda n’a cité qu’un exemple parmi d’autres ; la justice devait s’en saisir et ordonner une enquête qui ne pouvait aboutir qu’à deux hypothèses : soit ce que l’ONG avance est vrai et les contrevenants doivent être sévèrement sanctionnés ; soit c’est faux et des poursuites seront alors engagées contre elle ; avec, dans les deux cas, application de la loi dans toute sa rigueur.
Mais expédier l’ancien sénateur en prison avec une telle célérité ne grandit pas la justice. En agissant ainsi, ne prend-elle pas le risque d’écrouer un innocent avant qu’il ne soit jugé ? Des pratiques d’un autre âge dont elle n’arrive toujours pas à se départir. Qu’est-ce qui l’empêchait de commettre d’office une équipe d’experts et l’envoyer sur le terrain pour vérifier ce que l’ONG avance ? Ou n’a-t-elle fait qu’exécuter des ordres venus d’en haut pour réduire au silence un turbulent qui ne manquera de faire de nouvelles vagues ? Les coups tordus sont légion lorsqu’il s’agit de marchés publics et quand on commence à les éplucher de la sorte, cela risque de faire désordre. Pour peu, bien évidemment, que la lutte contre gabegie soit une réelle volonté politique et non pas un slogan creux…
Ahmed ould Cheikh
lecalame