Ismaïla Dia est un jeune entrepreneur qui révolutionne l’agriculture dans la moughataa de M’bagne. C’est une belle histoire : réussir dans l’ombre en produisant de remarquables résultats, à force de volonté et de conviction. Belle source d’inspiration pour la diaspora mauritanienne et la jeunesse au pays…
Après avoir achevé ses études d’informatique en France, Ismaïla Dia pensa d’abord poursuivre son rêve aux USA. Mais le Destin voulut qu’il prît conscience des besoins de sa communauté et cela le décida à se lancer dans l’horticulture au berceau des siens. Mettant à profit ses compétences techniques et son esprit d’entreprenariat, il mit alors en place une ferme agroécologique dans la moughataa de Mbagne.
Son penchant pour l’innovation et la durabilité l’amena ainsi à introduire, dans ce secteur encore très traditionnel, des pratiques culturales modernes et des technologies de pointe respectueuses de l’environnement. Aussi discret qu’il fut, le travail d’Ismaïla Dia a donné des fruits tangibles : aujourd’hui, ses produits sont consommés au Brakna, au Gorgol et à Nouakchott.
Ismaila Dia incarne l’exemple parfait de ces jeunes talents mauritaniens capables de véritablement transformer, avec un soutien adéquat, le paysage social et économique de la Mauritanie. Il représente l’avenir prometteur de l’entreprenariat local. Sa vision audacieuse, son goût de l’innovation et sa détermination à réussir méritent d’être célébrés et confortés. Il est temps que le gouvernement et les parties prenantes reconnaissent et encouragent ces talents exceptionnels qui contribuent de manière significative au développement de notre pays. Qu’on le veuille ou non, l’agriculture reste et restera l’alpha et l’oméga du développement de la Mauritanie. Le vieux continent européen ne s’est-il pas lui-même développé grâce à l’essor de son secteur agricole ?
La PAC de l’UE, un exemple à méditer…
La Politique agricole commune (PAC) en Europe est en effet une illustration convaincante de ce que l’agriculture est la base de tout développement. Rafraîchissons ici un peu les mémoires. Fondée cinq ans après la fin de la deuxième guerre mondiale par six États – Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas – l’Union Européenne se fixa des objectifs à différents termes pour que cet épisode douloureux de son histoire ne se répète plus jamais : mettre en commun les productions de charbon et de l’acier de la France et de l’Allemagne, au sein d’une organisation ouverte aux autres pays d’Europe, afin d’assurer une paix durable sur le sous-continent, grâce au développement, dans un secteur éminemment stratégique, de la solidarité entre les principaux acteurs locaux du conflit mondial, rendant ainsi impossible tout affrontement entre ceux-là ; démanteler la puissance militaire allemande avant de la transformer en puissance agricole, orchestrant un idéal communautaire de développement agraire : aujourd’hui, l’Union Européenne compte vingt-sept pays membres qui le partagent au travers de la PAC.
… en tenant compte de notre propre histoire
Nous ne pouvons évidemment pas transposer l’approche communautaire européenne à la Mauritanie mais on peut s’en inspirer pour définir une politique agricole volontariste qui tienne compte de nos propres réalités physiques, climatiques, sociales, économiques et culturelles. Nous ne pouvons plus continuer à rester, sur le plan économique, un pays extraverti c’est-à dire important tout ce qu’il consomme. La souveraineté alimentaire d’un État ne se négocie pas : la Mauritanie doit assurer sa sécurité alimentaire. Nous devons être conscients que ce ne sont pas les ressources minières ou énergétiques (pétrole, gaz), aussi abondantes soient-elles, qui vont développer la Mauritanie. Éphémères, elles ne peuvent aider qu’à jeter les bases du développement durable de notre pays.
Ce processus requiert une cohérence territoriale fondée sur l’équité, un vrai plan d’aménagement durable, une décentralisation qui doit aboutir à une régionalisation avancée, avec une réelle lisibilité entre région et commune, d’une part ; collectivités territoriales et entités déconcentrées de l’État d’autre part ; distinguant clairement les prérogatives des unes et des autres. L’exemple marocain est une parfaite illustration en ce qui concerne la régionalisation avancée et une piste intéressante à explorer. Telles sont les principales recettes pour sortir notre pays du sous-développement. Et certes : rien ne peut se faire sans une réelle volonté politique de nos décideurs, nous en sommes tout aussi conscients.
Sall Oumar, expert en développement durable
salloumr@gmail.com
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