Au fil des ans, le chef d’entreprise, patron du groupe Maurinvest, a su attirer et nouer des partenariats avec de grands acteurs du secteur, notamment en Europe mais également en Asie. Pour ce pionnier de la transformation et de l’élaboration des produits halieutiques en Mauritanie, cependant, il ne s’agit pas de jouer cavalier seul. C’est l’ensemble de la filière qui doit être valorisée et contribuer ainsi au développement national. Entretien.
La pêche représente aujourd’hui le deuxième pilier économique du pays avec 65 000 emplois. Comment percevez-vous le futur du secteur ?
Mohamed Abdellahi Ould Yaha : il faut d’abord rappeler que la Mauritanie dispose de ressources halieutiques exceptionnelles. Sur cette base, un secteur économique s’est consolidé depuis plusieurs décennies. Il représente aujourd’hui, vous venez de le rappeler, un pilier économique essentiel pour le pays. Il faut ensuite souligner que les produits halieutiques mauritaniens sont prisés, tant en Europe qu’en Asie. Toutefois, ces produits sont encore trop souvent exportés à l’état brut. Transformer et valoriser davantage notre production, c’est à la fois ce qui doit permettre d’accroitre la valeur ajoutée du secteur et de maximiser ses retombées locales.
Cependant les ressources halieutiques s’épuisent en Mauritanie, comment intégrez-vous cette donnée dans le futur du secteur halieutique ?
MAOY : c’est une donnée déterminante, bien entendu ! Même si je parle personnellement davantage d’un risque d’épuisement que d’une raréfaction réelle pour le présent. Les produits de la pêche sont des produits renouvelables. C’est-à-dire qu’ils peuvent être pérennes s’ils sont correctement exploités. A ce titre, la préservation des ressources et leur valorisation économique sont inséparables.
Aujourd’hui, l’effort de pêche demeure trop soutenu sur certaines espèces et il faut absolument continuer les importants efforts que le gouvernement a engagés sur la régulation et sur l'accès à la ressource. Notre démarche s’inscrit pleinement sous cet objectif. Plutôt que de pêcher davantage, il nous faut mieux valoriser notre production.
Quels doivent-être alors les principaux axes d’amélioration ?
MAOY : Valoriser davantage, ce n’est pas pêcher davantage ! C'est d’abord poursuivre la formation des pêcheurs, pour qu'ils pêchent dans de meilleures conditions. En dépensant moins, en exploitant mieux leurs engins… C’est ensuite optimiser davantage la filière de transformation pour limiter au maximum la production perdue ou écoulée dans des produits peu valorisants comme les farines. Il s’agit donc de miser sur la qualité du produit et cela passe par la régulation de la ressource, la saisonnalité, l’amélioration des chaines de transformation et des infrastructures. Il faut dépenser moins mais investir dans le renouvellement et la mise aux normes des outils, en fonction des marchés cibles d’exportation. A cet égard, il nous faut nous inspirer de pays très avancés dans le secteur, à l’image de la Norvège. Les maitres-mots doivent être : préservation et valorisation, pour pêcher moins et gagner plus. Aujourd’hui, le développement est devenu inséparable de la préservation. C’est une équation encore assez nouvelle sur le continent africain et le secteur de la pêche doit jouer en ce sens un rôle pilote en Mauritanie.
Cette valorisation pourrait-elle aussi passer par un développement des infrastructures ?
MAOY : En effet. Notre littoral s’étend sur plus de 700 kilomètres, le long desquels les points de débarquement ne sont pas assez nombreux. Or la proximité des zones de pêche est un élément essentiel pour le coût d'exploitation. Pour un pêcheur, réduire les distances, entre les zones de capture et les zones de débarquement, c’est réduire ses dépenses et augmenter sa productivité. Cela induit un gain de temps et d’énergie, mais aussi de qualité du produit. Il nous faut aller vers davantage de pôles halieutiques qui allient proximité avec la zone de capture, efficience et économie des coûts.
Ces transformations passent-elles également par le développement d’une filière locale ?
MAOY : En effet, c’est pourquoi nous avons pour notre part ouvert il y a déjà près de vingt ans une usine de transformation de produits halieutiques dans le cadre d’un partenariat avec le groupe La Criée, basé à Concarneau en France. C’est un partenariat porteur dont la formule doit à mon avis être reproduite. Nous produisons la ressource mais La Criée n’est pas seulement notre client. C’est un partenaire logistique avec lequel nous trions, sélectionnons et élaborons les produits envoyés en Europe. Le produit frais est étiqueté et mis sous vide directement et le poisson entre dans la chaine du froid dès sa sortie de l’eau afin de préserver les saveurs du produit. Notre usine, actuellement en phase de modernisation, rouvrira avant la fin de l’année 2023.
Je l’ai dit, la préservation est inséparable d’une valorisation des produits. Or celle-ci suppose un bon ciblage des marchés d’écoulement, vis-à-vis desquels l’important est de satisfaire aux standards globaux. L’enjeu clé est finalement ainsi de se hisser aux normes requises par des partenaires internationaux. Notre exemple montre que cela est tout à fait possible en Mauritanie.
Mohamed Abdellahi Yaha est le President Directeur General du Groupe Maurilog, leader de la logistique pétrolière et minière en Mauritanie. Il est également fondateur et PDG du groupe Maurinvest, qui inclut plusieurs entreprises dans le domaine de la pêche et des produits halieutiques, ainsi qu’un partenariat exclusif avec le Groupe YAMAHA depuis près de 30 ans. Son parcours d’entrepreneur et la reconnaissance reçue par ses entreprises l’ont fait distinguer au niveau national en gagnant la confiance de clients exigeants comme BP, Total, ExxonMobil, La Criée, Yamaha, etc.
Il a été récemment sélectionné par BPIFrance pour partager son expérience lors de leur forum annuel, “Inspire&Connect” parmi plusieurs dirigeants d’entreprises de renommée internationale.
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