En Mauritanie dès qu'un journaliste, un activiste ou quiconque cite quelqu’un ou le défend ouvertement, on se dit, souvent à juste titre, qu’il existe un lien politique ou économique entre les deux.
L’autre jour, pour annoncer que mon père était hospitalisé à cause du Covid, j’ai cité pour la première fois son excellence Cheikhna Ould Nenni car c’est lui qui m’a rappelé que mon père est une personnalité de l’Etat et qu’à ce titre les autorités devaient être informées de son état. C’était la 1ère fois que je citais le nom du diplomate.
Hier soir, sur ma page FB privée, je l’ai félicité pour sa nomination comme ambassadeur auprès de l’Unesco à Paris. Je n’ai félicité que lui et une dame qui est la soeur de quelqu’un que je connais à peine mais que j’admire pour des raisons qui ne regardent personne mais qu’on peut résumer par cette formule de Montaigne « parce que c’est lui, parce que c’est moi ». Il y a en effet encore en Mauritanie ici et là au pouvoir, ou à sa périphérie, des gens bien tout simplement, d’une dimension psychologique, humaine et professionnelle qui force l’admiration.
J’ai cité Cheikhna en le présentant comme mon oncle. Je dois à mes lecteurs surpris par la sémantique et le procédé quelques explications car dans le milieu de la presse, les journalistes, surtout arabophones, savent que Cheikhna reste un influent homme de presse au-delà de sa trajectoire de diplomate. A telle enseigne que les blogueurs en exil le présentent comme l’un des hommes forts du régime de Ghazouani car il est l’oncle de la 1ère dame comme s’il avait besoin de cette généalogie pour exister sur la scène politique et médiatique. Cela dit il faut tempérer ce pouvoir car s’il était si influent je n’allais pas être victime aussi longtemps d’un abus de pouvoir venant de l’entourage immédiat du chef de l’Etat.
Pour que les choses soient claires : je n’ai rencontré Cheikhna qu’une fois dans ma vie, c’était il y a un mois ou deux. Je lui ai rendu une visite de courtoisie pour mettre de l’humain dans nos rares échanges depuis que j’ai pu avoir son numéro car je voulais savoir si l’ambassade de Mauritanie au Sénégal pouvait m’aider face aux tracasseries de l’ambassade d’Italie à Dakar depuis l’ère Covid. Cela faisait un an que je cherchais à légaliser un banal document administratif et l’ambassade semblait faire traîner abusivement la procédure pour tous les étrangers. Hélas l’ambassade de Mauritanie ne pouvait rien faire car il n’y avait rien à faire sinon attendre que les vaccins permettent au consulat italien de reprendre normalement la procédure en souffrance.
C’est durant nos rares échanges courtois qu’il m’a appris qu’il était mon « oncle ». En effet ma grand-mère maternelle a épousé en secondes noces un Moulaye Zeine. Ainsi le père de mon oncle maternel est le frère du sien.
J’ai rencontré Cheikhna chez lui. Avant d’y aller je ne savais de lui que ce que l’on lit sur le net où des calomnies il reste toujours quelque chose comme dit le dicton. On le présentait comme un renard de la presse ayant fini par grimper les échelons avec intelligence et services divers sans jamais que la calomnie ne puisse apporter la moindre preuve ou faisceau convergent d’éléments à charge qui puisse étayer le soupçon de personnage sulfureux.
Je m’attendais aussi à rencontrer un homme diminué physiquement et psychologiquement à cause d’une parenthèse médicale difficile. Il n’en fut rien. Il m’a rejoint dans l’un de ses salons en s’excusant de m’avoir fait attendre. Il était plus fin que sur les photos qui circulent.
Je le revois encore avec son caftan sénégalais mais cousu avec du bazin Khomeini d’un bleu roi selon un ami esthète qui m’a expliqué une fois que ce bleu clair, que lui-même portait, était un bleu d’usine teint en Europe et non le bleu de nos teinturiers. Mon ami ne savait pas que le bleu qu’il dénigrait était celui de mon dressing car venant d’Europe, je préfère le fait-main de chez nous.
Cheikhna s’est installé à bonne distance à cause du Covid et nous avons fait connaissance au-delà de ce que chacun pouvait savoir de l’autre. J’ai été tout de suite frappé par les étincelles qui jaillissaient de ses yeux, chose rare au pays du regard neutre derrière lequel tout est possible, le meilleur comme le pire. C’est dire combien d’emblée il m’a parlé sans masque diplomatique et m’a laissé voir l’âme de son excellence, le redoutable homme de presse.
On a parlé de tout et de rien pendant que son fils de 5 ans entrait et sortait ce qui me donna l’occasion de voir le regard du père face à son fils si jeune. Puis je suis reparti mais malgré mon instance pour qu’il n’en fasse rien à cause de son entorse et la douleur au pied, il a tenu à m’accompagner jusqu’à la dernière porte de sa maison.
Depuis je le considère comme mon oncle et mon ami en ayant bien entendu chacun ses domaines réservés qui ne regardent que soi. Si quelqu’un a un dossier infamant à son sujet, merci de me le transmettre, je prendrais alors mes distances avec lui mais je doute qu’un tel dossier puisse exister sinon il serait déjà en ligne…
Cela dit, quasiment tous les mauritaniens de plus 50 ans qui ont fait carrière sous les régimes précédents ne sont pas des enfants de choeur sinon ils eussent été marginalisés ou piétinés. S’il y a eu deux Cheikhna, j’ai l’honneur de connaître le second. L’homme d’expérience que les soucis de santé passagers ont libéré du parcours de l’ambition devant tout mérite sans protecteur sinon les voies impénétrables du destin qui ont toujours le dernier mot quoi que fassent les légions de 7assades sur leur chemin…
Ahmed Ould Soueid Ahmed