Pour répondre à ces questions Patrick Youssef notre invité. Il est le directeur régional adjoint pour l’Afrique du CICR, le Comité international de la Croix-Rouge, chef des opérations pour l’Afrique de l'Ouest, le lac Tchad et le Maghreb. Il rentre tout juste du camp de Mbera.
« Ce qui me frappe dans le camp de Mbera, en Mauritanie, c’est le niveau d’impatience et surtout le niveau de désespoir que les gens ont en vivant au quotidien. A chaque discussion avec les réfugiés ou les chefs de communauté, la chose qui ressort le plus c’est cette envie, cette grande volonté de rentrer à la maison, de retrouver sa famille, ses terres, mais effectivement aujourd’hui c’est un rêve lointain vu l’insécurité croissante au nord du Mali.
Je pense que l’on a affaire à une population qui réfléchit beaucoup, qui a un certain niveau intellectuel, et ne va pas se permettre de dire qu’elle veut rester dans un pays qui les a accueillis, mais qui, vu la situation, est là de manière temporaire. Je n’ai vraiment pas senti, ni entendu d’ailleurs qu’un des réfugiés souhaite rester à perpétuité dans une région où il est finalement visiteur.
Qu’est-ce qui différencie le camp de Mbera des autres camps que vous avez pu voir ?
« Sa particularité : c’est la sécurité et la prise en charge des réfugiés eux-mêmes, de la vie à l’intérieur de la division, de la structure et de l’organisation du camp. Je dirai aussi que ce qui est particulier, c’est le dialogue qui se fait entre le coordinateur du camp et les représentants des sections, les autorités, ainsi que les agences onusiennes qui coordonnent l'action humanitaire à l’intérieur du camp. »
Comment cet afflux est géré sur place, comment sont-ils accueillis par les communautés locales ?
« Cela fait 12 ans que je suis au CICR et j’ai rarement vu une population qui ouvre ses portes, qui donne même ses ressources extrêmement limitées et les partage avec la population de réfugiés. C’est aussi la proximité des tribus et des clans qui sont d’une part ou de l’autre de la frontière. En ce qui concerne la population autochtone, je dirai que la population à Bassikounou a quasiment doublé depuis 5 ans, il n’y a pas de tension. Mais effectivement les populations locales hôtes ont besoin de soutien et cherchent donc à combler ces besoins à travers les humanitaires, mais en demandant plus au gouvernement mauritanien. Il y a un gouverneur sur place qui est très conscient des enjeux et avec qui nous sommes en contact. Le CICR a depuis plusieurs années travaillé pour améliorer l’accès à l’eau potable à réhabiliter des stations de pompage (…)
L’amertume que je ressens des gens c’est celle de ne pas pouvoir rentrer aujourd’hui… Les autorités sur place ne parlent pas de retour comme un prérequis ce qui rassure les populations à l’intérieur du camp (…).Les autochtones étaient les premiers répondeurs à cette crise, à ouvrir les portes pour partager ce qu'ils ont. Donc non je n’ai pas entendu parler d’ultimatum, pas du tout. Il ne faut pas oublier les populations hôtes qui sont dans la même situation, si on les oublie cela veut dire que l’on créé un besoin accru là où il ne faut pas : les ressources normales naturelles sont aujourd’hui divisées entre les deux populations, l’eau, le bois réchauffé, etc. sinon cela affaiblit les deux communautés. Mon message c’est de ne pas oublier les autochtones, mais surtout, de ne pas oublier la population à Bassikounou.»
source RFI