Le Calame : Votre ambition présidentielle ne s'est pas concrétisée. Ce doit être une grosse déception ?
Ahmed Samba : Les problèmes qui empêchent le développement de notre pays depuis l’indépendance à nos jours ont toujours heurté ma conscience et conduit ma lutte pour l’égalité des conditions sociales. J’ai milité très jeune dans les mouvements estudiantins puis dans les organisations de défense des droits de l’Homme et ensuite en politique. Cadre de l’APP, j’ai exprimé mon ambition à briguer la magistrature suprême lors des élections présidentielles de 2014, 2019 et 2024. Mais, à chaque fois, l’égoïsme narcissiste et l’obscurantisme du dirigent de mon ancien parti (APP, NDLR) ont pris le dessus, m’empêchant d’apporter à la Mauritanie les solutions idoines pour établir l’égalité des conditions sociales et le développement. Venant d’une personne en qui l’on a placé notre entière confiance – une personne qu’on a longtemps suivie et servie, croyant au sérieux de ses engagements et honnêteté – c’est certes regrettable. La vraie déception c’est surtout quand tu découvres, après de très longues années, que le dirigeant que tu as longtemps idolâtré n’était qu’un lâche conspirateur. La déception c’est surtout ça, mais tant qu’il y a de la vie, on aura d’autres rendez-vous meilleurs avec l’Histoire, entouré cette fois-là d’honnêtes personnes.
- Avec d'autres prétendants, vous avez accusé le pouvoir de vous avoir empêché d'obtenir des parrainages nécessaires pour vous présenter. Sur quoi fondez-vous ces accusations ?
- Nous avons rencontré des obstacles insurmontables qui nous ont empêché d’obtenir le parrainage des maires et des conseillers municipaux. Ces derniers ont été sommés de signer des attestations de parrainage vierges, sans connaître le nom des candidats qui en bénéficieraient. Ces obstacles ont été diversifiés : outre la négation de la liberté des maires de parrainer qui ils voulaient, le président de la République s’est fait attribuer la quasi-totalité de leurs parrainages, afin de ne rien laisser aux autres candidats. Il est clair et flagrant que le pouvoir a usé de toute la coercition de l’État pour m’empêcher de participer à la compétition présidentielle. Mohamed Ghazwani n’avait besoin que de cinq maires pour avaliser sa candidature mais il s’est fait parrainer par 205, tout en réservant 25 autres pour les candidats de son choix, avec des conditions d’allégeance qui ont vidé l’élection de tout sens et rendu évidente sa réélection pour un second mandat truqué. S’il ne s’agissait pas de s’épargner l’adversité de candidat sérieux, on est en droit de se demander pourquoi…
- Étant exclu désormais de la course, pourriez-vous soutenir l'un des candidats en course ? Si oui, lequel ?
- Il n’est pas évident de soutenir les candidats parrainés par le pouvoir contre des conditions secrètes dont seuls celui-ci et eux-mêmes connaissent les dessous. Des conditions qui sentent la compromission, ce qui viderait en amont la course présidentielle de son sérieux, comme je l’ai dit tantôt : corrompu à l’avance, le résultat de l’élection présidentielle est connu. Truqué et taillé sur mesure, ce scrutin ne peut accoucher que de la réélection frauduleuse de Mohamed Ghazwani. Je ne serais donc pas surpris d'entendre, au lendemain du 29 Juin, crier à la fraude et à la manipulation des urnes, par ceux qui ont accepté de concourir à cette compétition biaisée à l’avance.
Propos recueillis par Dalay Lam
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