Brahim Ledhem...!
Il est condamné à mort pour un crime qu'il n'a pas commis.
Quelle horreur...!
Il est condamné à mort en dépit de son innocence.
Maintenant, son dossier se trouve dans le silence des délibérations des juges de la Cour Suprême mauritanienne.
Je dois reconnaître ma peur et mon appréhension.
J'ai peur des juges de cette République islamique qui n'acceptent pas toujours la présomption d'innocence et qui, ouvertement et sans ambages, font fi des rudiments de la connaissance scientifique, de ses fondamentaux.
Des gens qui trouvent bizarre ceux qui disent que la terre est ronde et qui refusent toujours qu’elle tourne…!
Savez-vous ce que signifie être condamné à mort pour un crime que l'on n'a pas commis ?
Réalisez-vous le danger de fermer les yeux sur le meurtrier et de faire porter le chapeau à un autre ?
Brahim Ould Ledhem n'est pas un héros fabuleux.
Pas plus qu'il n'est un génie qui devait être glorifié.
C'est juste une personne qui mérite de vivre.
Il mérite la vie sans injustice, sans torture.
Brahim Ledhem est un garçon pauvre, issu d'une petite tribu de l'ouest de la Mauritanie, appelée Mzazga. Il est né dans une famille misérable. Son père a travaillé comme agent de police jusqu'à sa retraite.
Il a grandi dans une maison vétuste, à la périphérie de cette ville cruelle, à Tinsoueïlim. Ils se rassemblent autour du pain chaud et du thé vert de Chine. Comme toute famille mauritanienne normale : sans problèmes, sans rancunes, sans ennemis.
Ce sont des créatures de Dieu.. pratiquant les actes de la vie quotidienne sur Sa terre..
Sans se pavaner, ni se révolter, sans arrogance, ni altération.
Ce pauvre garçon a été arrêté il y a quatre ans.
Au moment de son arrestation, il avait dix-huit ans et quelques jours.
Et fut déféré à la justice, accusé de l'assassinat de Mohamedou Ould Berrou.
Accusé d'avoir brûlé le corps de Ould Berrou.
Accusé d'avoir usurpé à Mohamedou Ould Mohamed Abderrahmane Ould Berrou 40.000 MRO .
Ainsi, la police a transmis le rapport au Procureur et j'ai assisté à la discussion du Procureur avec Brahim... et avec les autres accusés...
J'ai été choqué par la neutralité du Procureur devant les signes apparents de torture sur le garçon.
Les marques de torture étaient évidentes sur son visage enflé, parcouru d'ecchymoses bleues, comme l'est, d'ailleurs, sur chaque centimètre de son corps émacié et pâle... !
Sur la table du Procureur se trouvait une photo du corps calciné de la victime... !
À côté, se trouvait une photo du même jeune homme, souriant... !
Les deux images, tout aussi frappantes que diamétralement opposées, du même garçon jadis souriant, pétillant de vie, aujourd'hui devenu un cadavre calciné...
Les photos du martyr brûlé et de son spectre souriant se font face dans un album ouvert sur le bureau du Procureur.. Le magistrat les regardait en grommelant.. avant de poursuivre les questions de façon successive, en réprimant ses larmes.
Des questions du genre :
- Avez-vous déjà vu ce jeune homme ?
- Quand vous avez brûlé ce jeune homme, vouliez-vous cacher les empreintes ?
- Est-il vrai qu'il prononçait la Chahada et s'en remettait à Allah lorsque ses vêtements ont été embrasés ?
À chaque fois, le garçon disait :
- Je ne l'ai pas dit... ce n'est pas vrai !
Le Procureur pointait du doigt l'emplacement des propos dans le procès-verbal de la police, répétant :
- Vous l'aviez dit ici.
Et ainsi de suite, jusqu'à la fin de l'audition !
Nous quittâmes le Parquet et allâmes chez le juge d'instruction. Le même triste album fut ouvert, laissant apparaître les deux images opposées sur le bureau d'instruction... à proximité d'un couteau dans un sachet en plastique transparent. Sur l'arme blanche étaient visibles des gouttes de sang sèches. Un autre sac en plastique contenait le boubou de Brahim Ould Edhem, taché du sang de la victime.. Un troisième sac contenait des morceaux de la tapisserie d'une voiture.. dans lequel Ould Berrou aurait été tué, selon les rapports de police. Sur les morceaux d'éponge du fauteuil arrière, il y avait des taches rouges du sang du défunt.
Le procès-verbal condamne ouvertement... et reconstitue en toute évidence le crime...
Or, l'accusé nie... et accuse la police de fabrication...
Le juge d'instruction a accepté les requêtes de l'Avocat général après la comparution initiale et a envoyé tout le monde en prison sous l'inculpation d'assassinat et d'organisation d'un gang criminel pour pratiquer le braquage et le vol à mains armées.
Une décade après que Brahim a été placé à la prison centrale, je suis allé le voir.
Il continua ses dénégations, persévéra, dans son démenti formel... nous étions seuls... lui et moi étions entre quatre murs hermétiques...
Quatre murs tristes... Quatre murs cruels.
Je plongeai mon regard dans ses yeux, au plus profond... J'y mis toute mon expérience pour entrer dans les moindres recoins de son âme...
J'ai l'impression que ce jeune homme n'avait tué personne.
J'essayai d'enterrer ce sentiment en me rappelant l'image du cadavre carbonisé, peine perdue. Rien n'y fit. Maintenant, j'en ai l'intime conviction.
Je revins de mon audition, l'âme accablée..
Sur quoi puis-je compter pour extirper cet adorable garçon ? pour sortir ce pauvre enfant du pétrin ?
Rien !
Je n'ai rien d'autre qu'un état existentiel d'un avocat qui aime la littérature romanesque..!
Mon intuition me dit qu'il est innocent.
La plus belle chose à propos de la profession d'avocat, c'est qu'elle est une immersion dans les profondeurs de l'âme.
Je lui dois donc beaucoup.
Cela m'a donné des occasions inouïes de me familiariser avec les lamentations et les tribulations humaines.
Ce qu'il y a de plus noble dans cet auguste métier, c'est le sentiment impétueux de fierté qui vous envahit lorsque vous vous rendez compte que vous êtes la seule lueur d'espoir pour une personne - avec qui vous n'avez aucun lien de parenté - à une époque où tous les facteurs de la vie se conjuguent pour l'écraser ..!
Un bon avocat est comme une fleur sauvage dont la beauté se révèle lorsqu'elle est seule face au vent et aux essaims... Il n'est donc pas exagéré de dire :
Seul un avocat peut constituer à lui seul une majorité.
Et alors, à lui tout seul, il pourrait affronter le monde entier.
Les séances d'interrogatoire ont duré longtemps et ont été féroces.
Le même sentiment s'infiltrait dans tous les couloirs du Tribunal après chaque séance.
Cependant, les faits restaient rigides, trop durs. Ici, l'instruction que le mieux, pour parvenir à une conviction dans cette affaire était de recourir à la science et aux acquis de la technologie ; et de recourir à une expertise de laboratoire (en l'occurrence test ADN) pour dissiper les doutes de façon catégorique.
Le juge d'instruction a par conséquent transmis sa demande au Ministère de la Justice par l'intermédiaire du Parquet. Le processus d'ascension routinier dura de longs mois. Le dossier est passé par la Cour d'Appel, avant d'atterrir au bureau de l'Avocat Général de l'État, ou encore Procureur de la République. Après consultation, le Ministre approuva la requête et chargea l'un de ses collaborateurs de prendre contact avec le médecin légiste.
Dr Mohamed Limam Ould Cheikh Melaïnine, chef du service de médecine légale au Centre hospitalier national de Nouakchott, écrivit à des cabinets d'expertise internationaux pour s'enquérir des frais d'expertise.
C'est ainsi que la demande parvint à un grand bureau d'expertise biomédicale français, d'envergure internationale. Le Ministère de la Justice accepta la facture et écrivit en ce sens au Ministère des Finances. Le processus de déblocage de l'enveloppe financière mit un temps immensément long.
Il faut dire que c'est normal par ce qu'il s'agit de la toute première fois qu'une étude est menée sur l'ADN dans l'histoire de la justice mauritanienne !
C'est une première en Mauritanie !
Puis vint le moment de prélever les échantillons, avec les soins du Dr Ould Cheikh Melaïnine.. Le praticien préleva des échantillons biologiques du père et de la mère du martyr, respectivement Mohamed Abderrahmane Ould Berrou et Fatimetou Mint Berrou... Ensuite il envoya les échantillons accompagnés du couteau, du bouclier et du morceau d'épong découpé du siège de la voiture au laboratoire d'hématologie et de médecine légale de Bordeaux, France, sous le numéro 1246/2019. Il y lieu de rappeler que ce laboratoire a la reconnaissance des autorités gouvernementales françaises, il est estampillé ISO avec les notes de garantie et de confiance les plus élevées.
Dans la majestueuse et belle Bordeaux, le Pr Christian Doutremepuich prit les choses en main. Il est, soit dit en passant, docteur en médecine, docteur en pharmacie et docteur en biologie... il est inscrit sur la liste des experts de Cour de cassation française. Dans l'étude et l'analyse, il est assisté par les docteurs Guillaume Monique, Guillaume Debredu, Pauline Carning, Sophie Lazal et Audrey Espanada.
Voici les conclusions de l'expertise :
- Le sang sur le couteau n'est pas du sang humain.
- Les taches de sang sur le boubou et l'éponge de la voiture n'ont absolument rien à voir avec M. Ould Berrou père... ni avec Mme Mint Berrou mère.
- Scientifiquement, cela signifie que Brahim Ould Ledhem n'a pas tué Ould Berrou.
- Les informations cliniques correspondent à l'état existentiel qui m'est apparu à l'œil nu.
- Ceci est en parfaite harmonie avec l'accusation de Brahim Ould Ledhem selon laquelle la police aurait fabriqué les pièces de conviction pour lui faire endosser un crime qu'il n'a pas commis...
Et c'est aussi conforme aux ecchymoses qui ont été relevées dans le rapport d'enquête au moment des interrogatoires susmentionnés.
Nous avons été convoqués à l'audience du Tribunal Pénal... et devant des preuves accablantes.. Je m'attendais à ce que la Cour déclare l'innocence de Brahim Ledhem du sang de Ould Berrou.. l'expertise avait tranché la question.. Cependant, je me retrouvais devant des juges qui faisaient preuve d'un degré d'hésitation et de sévérité sans précédent...
Un déni de justice !
Consignez avec moi le fait que le Procureur de la République avait admis devant le Tribunal le sérieux de l'expertise et dit qu'il en respectait les conclusions...
Malgré tout cela, ils ont condamné à mort Brahim Ould Ledhem car, pour eux, prendre l'ADN comme preuve sérieuse n'est pas chose aisée... Du reste, ils n'y croient pas... Il en est même parmi eux qui disent que c'est une hérésie, une absurdité.
La plupart d'entre eux considèrent que le fait même de privilégier un certificat émanant d'un laboratoire médical français donc "mécréant", "kafir", aux déclarations d'un policier sui, lui, est musulman, c'est chose inadmissible dans la Charia... !
La Cour d'Appel fit des interprétations erronées, arbitraires, et décida de suivre le Tribunal de première instance.
Elle rejeta donc le rapport médical.
C'est de l'ignorance... un déficit de culture humaine... et un manque de civilisation lorsque des gens, vêtus de l'habit de magistrats s'installent sur une chair sans avoir acquis les outils scientifiques indispensables... Il faut dire que la plupart des juges en Mauritanie n'ont pas étudié dans les écoles de la République.
Ils n'ont pas appris les cours de sciences naturelles et ne connaissent rien à l'ADN, en arabe al-homdh al-Nawawi (nucléaire). Le seul Nawawi qu'ils connaissent est Abu Zakariyya Yahya bin Sharaf al-Huzami al-Nawawi, le célèbre faqih Shafi'ī, juriste du rite Shafiite.
Sinon, et bien tant pis ! Pour digérer cela, vous n'avez qu'à boire l'eau de mer, Mesdames et Messieurs..!
Comme me l'avait dit un matin un de juges dans son bureau poussiéreux et lugubre...
Les juges mauritaniens... dans le cas d'espèce, nonobstant la fausse piété, ont éludé les questions les plus importantes :
- Si le sang sur le couteau, sur le boubou et sur la tapisserie de la voiture n'est pas le sang du défunt, alors qui y a mis le faux sang ?
- On sait que tout accuse automatiquement la police.
Or, c'est ce que les juges veulent éviter, quitte à faire porter le crime à quelqu'un d'autre que le véritable assassin.
En conclusion, j'ai la certitude aujourd'hui que ceux qui ont tué et brûlé Ould Berrou, en commettant ce crime, voulaient envoyer un message de menace à peine voilé à certains...
Il n'échappe point à votre sagacité - cher lecteur - que le défunt travaillait dans une société de transfert d'argent (Gaza Telecom), et que des crimes similaires se sont produits ces dernières années, qui portaient la même signature... Or, toutes les victimes officiaient dans des officines du secteur alternatif de transfert d'argent.
Par conséquent, j'ai tendance à croire qu'un réseau terroriste organisé se trouve derrière ce crime. Un réseau qui, visiblement, évolue dans la sécurité et la justice. C'est ce qui explique la propension de certains à vouloir enterrer coute que coûte la vérité, maquiller le crime et le faire porter à un innocent qui n'y est pour rien.
En conclusion :
Je vous invite à lire l'expertise médicale et à en examiner attentivement les conclusions.
J'appelle tous les gens épris de justice en Mauritanie à faire front pour défendre le droit à la vie de ce pauvre jeune homme, car il a enduré des tortures physiques et morales indicibles.
Des mains invisibles veulent lui faire endosser un crime qu'il n'a pas commis.
Rappelez-vous que des pauvres comme lui étaient sur le point d'être accusés du meurtre du lettré, feu Mohamed Salem Ould Tah Ould Elema. Seul le destin a fait que les véritables assassins furent identifiés après plusieurs mois d'injustice.
La dignité humaine est spoliée en Mauritanie... du fait d'une relation de solidarité suspecte - liaison dangereuse - entre une police frivole et une justice arrogante.
Oh mon Dieu, je suis dévasté, Sois Victorieux.
Texte de maître Mohamed Ould Moine
Traduction de Med Yahya Abdel Wedoud
Il est condamné à mort pour un crime qu'il n'a pas commis.
Quelle horreur...!
Il est condamné à mort en dépit de son innocence.
Maintenant, son dossier se trouve dans le silence des délibérations des juges de la Cour Suprême mauritanienne.
Je dois reconnaître ma peur et mon appréhension.
J'ai peur des juges de cette République islamique qui n'acceptent pas toujours la présomption d'innocence et qui, ouvertement et sans ambages, font fi des rudiments de la connaissance scientifique, de ses fondamentaux.
Des gens qui trouvent bizarre ceux qui disent que la terre est ronde et qui refusent toujours qu’elle tourne…!
Savez-vous ce que signifie être condamné à mort pour un crime que l'on n'a pas commis ?
Réalisez-vous le danger de fermer les yeux sur le meurtrier et de faire porter le chapeau à un autre ?
Brahim Ould Ledhem n'est pas un héros fabuleux.
Pas plus qu'il n'est un génie qui devait être glorifié.
C'est juste une personne qui mérite de vivre.
Il mérite la vie sans injustice, sans torture.
Brahim Ledhem est un garçon pauvre, issu d'une petite tribu de l'ouest de la Mauritanie, appelée Mzazga. Il est né dans une famille misérable. Son père a travaillé comme agent de police jusqu'à sa retraite.
Il a grandi dans une maison vétuste, à la périphérie de cette ville cruelle, à Tinsoueïlim. Ils se rassemblent autour du pain chaud et du thé vert de Chine. Comme toute famille mauritanienne normale : sans problèmes, sans rancunes, sans ennemis.
Ce sont des créatures de Dieu.. pratiquant les actes de la vie quotidienne sur Sa terre..
Sans se pavaner, ni se révolter, sans arrogance, ni altération.
Ce pauvre garçon a été arrêté il y a quatre ans.
Au moment de son arrestation, il avait dix-huit ans et quelques jours.
Et fut déféré à la justice, accusé de l'assassinat de Mohamedou Ould Berrou.
Accusé d'avoir brûlé le corps de Ould Berrou.
Accusé d'avoir usurpé à Mohamedou Ould Mohamed Abderrahmane Ould Berrou 40.000 MRO .
Ainsi, la police a transmis le rapport au Procureur et j'ai assisté à la discussion du Procureur avec Brahim... et avec les autres accusés...
J'ai été choqué par la neutralité du Procureur devant les signes apparents de torture sur le garçon.
Les marques de torture étaient évidentes sur son visage enflé, parcouru d'ecchymoses bleues, comme l'est, d'ailleurs, sur chaque centimètre de son corps émacié et pâle... !
Sur la table du Procureur se trouvait une photo du corps calciné de la victime... !
À côté, se trouvait une photo du même jeune homme, souriant... !
Les deux images, tout aussi frappantes que diamétralement opposées, du même garçon jadis souriant, pétillant de vie, aujourd'hui devenu un cadavre calciné...
Les photos du martyr brûlé et de son spectre souriant se font face dans un album ouvert sur le bureau du Procureur.. Le magistrat les regardait en grommelant.. avant de poursuivre les questions de façon successive, en réprimant ses larmes.
Des questions du genre :
- Avez-vous déjà vu ce jeune homme ?
- Quand vous avez brûlé ce jeune homme, vouliez-vous cacher les empreintes ?
- Est-il vrai qu'il prononçait la Chahada et s'en remettait à Allah lorsque ses vêtements ont été embrasés ?
À chaque fois, le garçon disait :
- Je ne l'ai pas dit... ce n'est pas vrai !
Le Procureur pointait du doigt l'emplacement des propos dans le procès-verbal de la police, répétant :
- Vous l'aviez dit ici.
Et ainsi de suite, jusqu'à la fin de l'audition !
Nous quittâmes le Parquet et allâmes chez le juge d'instruction. Le même triste album fut ouvert, laissant apparaître les deux images opposées sur le bureau d'instruction... à proximité d'un couteau dans un sachet en plastique transparent. Sur l'arme blanche étaient visibles des gouttes de sang sèches. Un autre sac en plastique contenait le boubou de Brahim Ould Edhem, taché du sang de la victime.. Un troisième sac contenait des morceaux de la tapisserie d'une voiture.. dans lequel Ould Berrou aurait été tué, selon les rapports de police. Sur les morceaux d'éponge du fauteuil arrière, il y avait des taches rouges du sang du défunt.
Le procès-verbal condamne ouvertement... et reconstitue en toute évidence le crime...
Or, l'accusé nie... et accuse la police de fabrication...
Le juge d'instruction a accepté les requêtes de l'Avocat général après la comparution initiale et a envoyé tout le monde en prison sous l'inculpation d'assassinat et d'organisation d'un gang criminel pour pratiquer le braquage et le vol à mains armées.
Une décade après que Brahim a été placé à la prison centrale, je suis allé le voir.
Il continua ses dénégations, persévéra, dans son démenti formel... nous étions seuls... lui et moi étions entre quatre murs hermétiques...
Quatre murs tristes... Quatre murs cruels.
Je plongeai mon regard dans ses yeux, au plus profond... J'y mis toute mon expérience pour entrer dans les moindres recoins de son âme...
J'ai l'impression que ce jeune homme n'avait tué personne.
J'essayai d'enterrer ce sentiment en me rappelant l'image du cadavre carbonisé, peine perdue. Rien n'y fit. Maintenant, j'en ai l'intime conviction.
Je revins de mon audition, l'âme accablée..
Sur quoi puis-je compter pour extirper cet adorable garçon ? pour sortir ce pauvre enfant du pétrin ?
Rien !
Je n'ai rien d'autre qu'un état existentiel d'un avocat qui aime la littérature romanesque..!
Mon intuition me dit qu'il est innocent.
La plus belle chose à propos de la profession d'avocat, c'est qu'elle est une immersion dans les profondeurs de l'âme.
Je lui dois donc beaucoup.
Cela m'a donné des occasions inouïes de me familiariser avec les lamentations et les tribulations humaines.
Ce qu'il y a de plus noble dans cet auguste métier, c'est le sentiment impétueux de fierté qui vous envahit lorsque vous vous rendez compte que vous êtes la seule lueur d'espoir pour une personne - avec qui vous n'avez aucun lien de parenté - à une époque où tous les facteurs de la vie se conjuguent pour l'écraser ..!
Un bon avocat est comme une fleur sauvage dont la beauté se révèle lorsqu'elle est seule face au vent et aux essaims... Il n'est donc pas exagéré de dire :
Seul un avocat peut constituer à lui seul une majorité.
Et alors, à lui tout seul, il pourrait affronter le monde entier.
Les séances d'interrogatoire ont duré longtemps et ont été féroces.
Le même sentiment s'infiltrait dans tous les couloirs du Tribunal après chaque séance.
Cependant, les faits restaient rigides, trop durs. Ici, l'instruction que le mieux, pour parvenir à une conviction dans cette affaire était de recourir à la science et aux acquis de la technologie ; et de recourir à une expertise de laboratoire (en l'occurrence test ADN) pour dissiper les doutes de façon catégorique.
Le juge d'instruction a par conséquent transmis sa demande au Ministère de la Justice par l'intermédiaire du Parquet. Le processus d'ascension routinier dura de longs mois. Le dossier est passé par la Cour d'Appel, avant d'atterrir au bureau de l'Avocat Général de l'État, ou encore Procureur de la République. Après consultation, le Ministre approuva la requête et chargea l'un de ses collaborateurs de prendre contact avec le médecin légiste.
Dr Mohamed Limam Ould Cheikh Melaïnine, chef du service de médecine légale au Centre hospitalier national de Nouakchott, écrivit à des cabinets d'expertise internationaux pour s'enquérir des frais d'expertise.
C'est ainsi que la demande parvint à un grand bureau d'expertise biomédicale français, d'envergure internationale. Le Ministère de la Justice accepta la facture et écrivit en ce sens au Ministère des Finances. Le processus de déblocage de l'enveloppe financière mit un temps immensément long.
Il faut dire que c'est normal par ce qu'il s'agit de la toute première fois qu'une étude est menée sur l'ADN dans l'histoire de la justice mauritanienne !
C'est une première en Mauritanie !
Puis vint le moment de prélever les échantillons, avec les soins du Dr Ould Cheikh Melaïnine.. Le praticien préleva des échantillons biologiques du père et de la mère du martyr, respectivement Mohamed Abderrahmane Ould Berrou et Fatimetou Mint Berrou... Ensuite il envoya les échantillons accompagnés du couteau, du bouclier et du morceau d'épong découpé du siège de la voiture au laboratoire d'hématologie et de médecine légale de Bordeaux, France, sous le numéro 1246/2019. Il y lieu de rappeler que ce laboratoire a la reconnaissance des autorités gouvernementales françaises, il est estampillé ISO avec les notes de garantie et de confiance les plus élevées.
Dans la majestueuse et belle Bordeaux, le Pr Christian Doutremepuich prit les choses en main. Il est, soit dit en passant, docteur en médecine, docteur en pharmacie et docteur en biologie... il est inscrit sur la liste des experts de Cour de cassation française. Dans l'étude et l'analyse, il est assisté par les docteurs Guillaume Monique, Guillaume Debredu, Pauline Carning, Sophie Lazal et Audrey Espanada.
Voici les conclusions de l'expertise :
- Le sang sur le couteau n'est pas du sang humain.
- Les taches de sang sur le boubou et l'éponge de la voiture n'ont absolument rien à voir avec M. Ould Berrou père... ni avec Mme Mint Berrou mère.
- Scientifiquement, cela signifie que Brahim Ould Ledhem n'a pas tué Ould Berrou.
- Les informations cliniques correspondent à l'état existentiel qui m'est apparu à l'œil nu.
- Ceci est en parfaite harmonie avec l'accusation de Brahim Ould Ledhem selon laquelle la police aurait fabriqué les pièces de conviction pour lui faire endosser un crime qu'il n'a pas commis...
Et c'est aussi conforme aux ecchymoses qui ont été relevées dans le rapport d'enquête au moment des interrogatoires susmentionnés.
Nous avons été convoqués à l'audience du Tribunal Pénal... et devant des preuves accablantes.. Je m'attendais à ce que la Cour déclare l'innocence de Brahim Ledhem du sang de Ould Berrou.. l'expertise avait tranché la question.. Cependant, je me retrouvais devant des juges qui faisaient preuve d'un degré d'hésitation et de sévérité sans précédent...
Un déni de justice !
Consignez avec moi le fait que le Procureur de la République avait admis devant le Tribunal le sérieux de l'expertise et dit qu'il en respectait les conclusions...
Malgré tout cela, ils ont condamné à mort Brahim Ould Ledhem car, pour eux, prendre l'ADN comme preuve sérieuse n'est pas chose aisée... Du reste, ils n'y croient pas... Il en est même parmi eux qui disent que c'est une hérésie, une absurdité.
La plupart d'entre eux considèrent que le fait même de privilégier un certificat émanant d'un laboratoire médical français donc "mécréant", "kafir", aux déclarations d'un policier sui, lui, est musulman, c'est chose inadmissible dans la Charia... !
La Cour d'Appel fit des interprétations erronées, arbitraires, et décida de suivre le Tribunal de première instance.
Elle rejeta donc le rapport médical.
C'est de l'ignorance... un déficit de culture humaine... et un manque de civilisation lorsque des gens, vêtus de l'habit de magistrats s'installent sur une chair sans avoir acquis les outils scientifiques indispensables... Il faut dire que la plupart des juges en Mauritanie n'ont pas étudié dans les écoles de la République.
Ils n'ont pas appris les cours de sciences naturelles et ne connaissent rien à l'ADN, en arabe al-homdh al-Nawawi (nucléaire). Le seul Nawawi qu'ils connaissent est Abu Zakariyya Yahya bin Sharaf al-Huzami al-Nawawi, le célèbre faqih Shafi'ī, juriste du rite Shafiite.
Sinon, et bien tant pis ! Pour digérer cela, vous n'avez qu'à boire l'eau de mer, Mesdames et Messieurs..!
Comme me l'avait dit un matin un de juges dans son bureau poussiéreux et lugubre...
Les juges mauritaniens... dans le cas d'espèce, nonobstant la fausse piété, ont éludé les questions les plus importantes :
- Si le sang sur le couteau, sur le boubou et sur la tapisserie de la voiture n'est pas le sang du défunt, alors qui y a mis le faux sang ?
- On sait que tout accuse automatiquement la police.
Or, c'est ce que les juges veulent éviter, quitte à faire porter le crime à quelqu'un d'autre que le véritable assassin.
En conclusion, j'ai la certitude aujourd'hui que ceux qui ont tué et brûlé Ould Berrou, en commettant ce crime, voulaient envoyer un message de menace à peine voilé à certains...
Il n'échappe point à votre sagacité - cher lecteur - que le défunt travaillait dans une société de transfert d'argent (Gaza Telecom), et que des crimes similaires se sont produits ces dernières années, qui portaient la même signature... Or, toutes les victimes officiaient dans des officines du secteur alternatif de transfert d'argent.
Par conséquent, j'ai tendance à croire qu'un réseau terroriste organisé se trouve derrière ce crime. Un réseau qui, visiblement, évolue dans la sécurité et la justice. C'est ce qui explique la propension de certains à vouloir enterrer coute que coûte la vérité, maquiller le crime et le faire porter à un innocent qui n'y est pour rien.
En conclusion :
Je vous invite à lire l'expertise médicale et à en examiner attentivement les conclusions.
J'appelle tous les gens épris de justice en Mauritanie à faire front pour défendre le droit à la vie de ce pauvre jeune homme, car il a enduré des tortures physiques et morales indicibles.
Des mains invisibles veulent lui faire endosser un crime qu'il n'a pas commis.
Rappelez-vous que des pauvres comme lui étaient sur le point d'être accusés du meurtre du lettré, feu Mohamed Salem Ould Tah Ould Elema. Seul le destin a fait que les véritables assassins furent identifiés après plusieurs mois d'injustice.
La dignité humaine est spoliée en Mauritanie... du fait d'une relation de solidarité suspecte - liaison dangereuse - entre une police frivole et une justice arrogante.
Oh mon Dieu, je suis dévasté, Sois Victorieux.
Texte de maître Mohamed Ould Moine
Traduction de Med Yahya Abdel Wedoud