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un grain de sable pour secouer la poussière...

L’esclavage agricole aux bords du Lac R’Kiz

Mercredi 22 Novembre 2017 - 07:18

L’esclavage agricole aux bords du Lac R’Kiz


« L’aménagement du Lac R’Kiz permettra au pays d’assurer son autosuffisance alimentaire » déclarait en juillet 2017 le président Mohamed Abdel Aziz lors de sa visite dans ce département enclavé de la région du Trarza et qui dispose pourtant des meilleures conditions pour le développement agropastoral du pays. Mais contrairement aux promesses, s’est développé aux abords du Lac R’Kiz un esclavage agricole par la mainmise des tribus et des hommes d’affaires sur les terres de culture, au détriment des populations harratines riveraines, obligées de louer leur force de travail, dans une totale précarité.

Habiter aux abords d’un des lacs les plus généreux du pays, génération après génération, et n’en tirer que le voisinage de moustiques voraces et le sentiment de vivre en citoyen de seconde zone. Voilà le quotidien de centaines de villages Harratines qui vivent depuis plusieurs décennies les séquelles d’un esclavage ancestral dont les effets modernes se sont traduits par l’accaparement des terres cultivables par les anciens maîtres.

Des paysans sans terre de culture

Selon Maouloud Ould Alioune, agriculteur, la soixantaine, responsable de la localité de Tebouk, « nous avons quitté le village de Naçra pour créer en 2013 la localité de Tebouk dans le cadre de la politique de regroupement communautaire initiée par l’Etat. Nous avons perdu nos anciennes terres de culture envahies par les eaux du lac et nous n’avons pas trouvé jusque-là des terres de substitution. » Pire, il déclare que la localité n’a jamais reçu la visite d’aucun responsable de l’Etat, alors qu’ils se sont installés dans ces lieux sur la base d’une politique gouvernementale.

Dans le village de Tachtaya, situé à environ 7 kilomètres vers le sud, Ahmedou Ould Mane, responsable d’une coopérative regroupant 120 familles, pousse la même complainte. « Le problème de l’agriculture se pose de façon particulière à R’Kiz  » souligne-t-il. « Les tribus de nos anciens maîtres considèrent que ces terres où nous habitons et cultivons est leur propriété, et l’Etat ne fait rien pour changer la donne, alors que les réalités ont profondément changé  » précise-t-il. Pour lui, les populations harratines riveraines du Lac R’Kiz ne possèdent que leur force de travail, et vivent dans une pauvreté totale, contrairement aux anciens maîtres qui sont fonctionnaires ou commerçants. Ils subissent des conditions pires que l’esclavage domestique dont avaient souffert leurs parents. La liberté, ils l’ont eu. Mais à quel prix. A l’asservissement d’antan, succède un autre plus insidieux et plus pernicieux.
« La plupart d’entre ceux qui détiennent les terres ici n’ont jamais posé pied dans ces contrées, et se prévalent de terres supposées appartenir à leurs ascendants dont ils tirent des rentes que les paysans, transformés en esclaves agricoles, leur envoient après chaque saison » lâche-t-il dans un soupir.

Le poids des tribus

Evoquant le Projet « Gweilil », appellation locale du Projet Lac R’KizAhmedou Ould Mane, lance avec mépris, « l’Etat a fini par attribuer 22 hectares dans les périmètres rizicoles à 96 familles parmi les populations résidentes, à raison de 0, 1 hectare par famille  ». Et de s’exclamer, indigné « à quoi sert 0,1 hectare pour une famille, alors que les terres voisines font 20 à 25 hectares pour une seule personne ! » .

L’injustice était trop visible, selon Ahmed Ould Mane, et l’Etat a fini par aménager 160 hectares pour les populations riveraines, sur une surface totale aménagée de 1.500 hectares dont seulement 852 ont été viabilisés. « Sur les 160 hectares réservés aux autochtones, seuls 22 hectares ont été jusque-là attribués aux bénéficiaires  » explique-t-il.
Dans ces champs, les Harratines qui ne possèdent pas de champs, ont même du mal à trouver du travail comme métayer. Les propriétaires font appel maintenant à des étrangers, Touarègues et Burkinabé notamment, à la place des autochtones. « Ils leur financent les campagnes et après récolte, ces derniers leur versent des redevances et leur remboursent leurs dettes » explique-t-il.

« L’accès à l’eau coûte 50.000 UM à l’hectare, ce que beaucoup de harratines n’ont pas, et cet accès à l’eau est aussi détenu par les anciens maîtres  » poursuit Ahmedou Ould Mane, qui précise que « les redevances dues aux propriétaires ainsi que le prix de l’eau à l’hectare sont payables quel que soit le résultat de la saison. Beaucoup de paysans se retrouvent à la fin de la saison les poches vides ou ruinés, la totalité de leur récolte étant souvent absorbée par les frais ».

Le réveil de la nouvelle génération

Mais si l’ancienne génération de Harratines continue de subir le poids d’un passé récent fait de soumission, la jeune génération est plus émancipée, plus téméraire. Bebaha Ould Bedde, en fait partie. « Nous sommes parvenus à arracher à l’Etat 80 hectares. Nous les jeunes de Douze-Douze, avons contrairement aux vieux, réclamer nos droits de citoyens à l’accès à la terre  ». Il balaye d’une main une vaste étendue de terre encore vierge, puis lance avec fierté, « les dossiers de propriété sont presque en fin de parcours et doivent être signés incessamment ».

A l’origine, dit-il en substance, il louait une parcelle appartenant à un commerçant vivant dans la localité de Ntejeghanadjekh, à quelques 90 kilomètres de Nouakchott. Selon lui, « ce type n’a jamais de sa vie posé pied ici, sauf quand il est venu une seule fois il y a plusieurs années pour consolider la propriété des terres, supposée appartenir à ses ancêtres. Je lui envoyais son argent après chaque saison ».

Mais pour les jeunes comme pour les anciens, le problème de moyens se pose avec acuité. « Nous n’avons ni engrais, ni semence, encore moins d’engins qu’il faut louer au prix fort à raison de 26.000 ouguiyas l’heure, sans compter le carburant, 20 litres l’heure » fait remarquer Bebaha, ajoutant avec amertume, « pourtant les services agricoles de l’Etat les mette gratuitement à la disposition de la classe dominante, celle des anciens maîtres. »

Le sacrifice des femmes

Dans ces villages exclus et marginalisés vivant autour du Lac R’Kiz, les femmes supportent le plus grand fardeau. Elles vivent des conditions encore pires, car incapables de quitter les campements à cause des enfants, contrairement aux hommes. Selon Toumana Mint Ahmed Salem, agricultrice, « nous trimons pour exploiter des terres qui ne nous appartiennent pas et à louer des champs même sans moyens  ». Assise à califourchon sur une charrette tirée par deux bourricots, elle soupire, « Allah nous est témoin, que nous ne cherchons qu’un moyen pour travailler et nourrir nos enfants. »

D’autres familles, notamment à Tachtaya, se sont repliées sur le maraîchage. Présidente d’une coopérative regroupant 45 femmes, Salma Mint Bilal, précise qu’elles font aussi de la couture, à côté de la plantation de légumes. « Les femmes harratines tentent de rattraper le temps perdu par des siècles d’esclavage. Certes, le fléau a presque disparu chez nous, mais nos parents sont repartis à zéro et continuent de subir, comme leur descendance, le dictat d’un autre maître plus impitoyable, l’Etat maure (Dowlat El Bidhane) » a-t-elle fait remarquer.

Les femmes disposent, à l’orée du village, d’un vaste terrain entièrement grillagé qui a été même agrandi. « Nous souffrons cependant d’un manque d’eau, l’eau du puits étant difficilement accessible sans une motopompe  » détaille-t-elle, précisant que la récolte est faible et la rentabilité presque nulle. Créé en 2006 avec le soutien du Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA), ce projet maraîcher était censé assurer, selon elle, l’autosuffisance alimentaire au niveau local et participer à l’autonomisation des femmes du village. « Seulement voilà, ni la citerne d’eau qu’on nous avait promis, ni la motopompe, n’ont jamais été livrés et nous travaillons sans moyens et sans eau. Comme tous les projets qu’on nous miroite, nous ne récoltons que des mirages  » ajoute-t-elle.

Les champs inondables

Naçra, un village de 600 familles situé dans la commune de Tekane, à 40 kilomètres de R’Kiz et à 70 kilomètres de Rosso, plus en amont sur le Lac du même nom qui tire sa source de Sekan, les populations ont leur propre terre. Ils ne sont pas confrontés comme les habitants de Tebouk, Tachtaya, Adala, Douze-Douze ou d’autres villages environnants, aux mêmes problèmes du foncier agricole. Ici, la terre est travaillée par les femmes, mais appartient aux hommes. De vastes étendues au sol argileux, 13 kilomètres de long, qu’elles grattent à l’aide de pioche pour le retourner. Echines courbées sous un soleil de plomb, elles ressemblent au loin à une volée de corbeaux éparpillés dans un immense champ, triste comme un jour sans pain. Le principal problème qui se pose aux femmes agricultrices de Naçra se situe dans la prédation des animaux errants, l’absence de tout outillage pour cultiver les champs, l’absence de tout moyen. Pire, les récoltes sont souvent détruites quand les services chargés de gérer le lac décident d’ouvrir les vannes en inondant les terres, emportant les champs de mil, de maïs, de sorgho, d’haricots, de concombre, ainsi que les jardins légumineux, fruits d’une saison de peine, d’insomnie et d’insolation.
Selon Aïcha Mint Mindaw, « les champs sont menacés par la pression des tribus maures éleveurs qui soudoient les services chargés du contrôle du lac, pour inonder nos terres afin que leurs troupeaux puissent s’abreuver ».

« Nous ne sommes même plus des femmes »

« Nous n’avons jamais reçu la moindre aide de l’Etat, ni engrais, ni semence, ni aménagement ou viabilisation, ni encadrement technique » avoue Jidaha Mint El Veyjah, une des porte-parole des femmes de Naçra. « Nous recevions auparavant des visites, notamment celle des agents de la Sonader (société nationale de développement rural). Ils venaient pour prélever des échantillons des terres et des cultures, puis s’en allaient. Des visites sans aucun impact sur nous et qui ont d’ailleurs cessé depuis plus de vingt ans » ajoute-t-elle. Mais les femmes de Naçra sont unanimes. « Nous sommes fatiguées, nous nous sommes fanées au contact du dur labourage du sol, nos mains n’ont plus rien de féminin et nous-mêmes, nous ne sommes plus d’ailleurs des femmes  » se plaint Mouya Mint Imijine, approuvée par des dizaines de hochement de tête. Des jeunes filles de 20 ans, en paraissent le double. Les visages sont ratatinés, brûlés par le soleil. Les corps sont échancrés et les yeux vides. « Nous avons même perdu le goût de l’enfantement  » ajoute sa sœur, Marième. « Nous accouchons sous les arbres, sinon si ça se complique, on nous transporte par charrette jusqu’au poste de santé le plus proche, celui de Douze-Douze, et celle qui saigne, meurt le plus souvent en cours de route  » raconte Aïchata Mint Mandaw, qui a décidé d’arrêter à 3 enfants.

Pour compliquer davantage la situation, l’unique pont qui permet de gagner la route de Rosso, s’est effondré. « Pendant l’hivernage, sans ce pont, nous sommes coupés du monde  »précise Mohamed Ould Mbareck, un habitant du village. Selon lui, ce pont n’a duré qu’une année. « Il a été construit en 2016 par un tâcheron qui a obtenu le marché par complaisance et qui a bâclé les travaux, en faisant une ouverture de 3 mètres pour une largeur d’écoulement de 25 mètres. »

Le calvaire des populations de Leweija

Située à quelques kilomètres à l’Ouest de Naçra, la localité de Leweija n’échappe pas au sort des autres localités harratines du Lac R’Kiz. Pourtant, ce village est habité depuis 1905 par les autochtones, si l’on en croit Moussa Ould Jibril, leur porte-parole. Il se rappelle qu’en 1984, une grande inondation, ajoutée à une pauvreté endémique, avait poussé une grande partie de la population à se déplacer à Naçra. Puis, en 1994, une autre inondation a emporté les champs de culture, accentuant davantage la misère des populations autochtones dont la survie est intimement liée à la terre. « Les gens vivent difficilement et le troupeau est menacé par la mauvaise herbe en l’absence de tout service vétérinaire proche. Nous demandons l’aide de l’Etat, car nous manquons de tout ici  » plaide Moussa. Selon lui, la localité a connu un semblant de bien-être entre 2008 et 2010 grâce à de bonnes récoltes de riz, puis l’eau a été de nouveau lâchée dans les champs de culture. « Ce sont les services de l’Etat qui contrôlent le cours d’eau et qui décident de fermer ou d’ouvrir les vannes. Ils ont détruit nos cultures. Nous avons protesté auprès des autorités départementales et régionales, et même au niveau central, à Nouakchott. En vain. » grince-t-il, les yeux rouges de colère.

Dans les profondeurs de Lexeïba

Après Naçra, il a fallu rejoindre la route Rosso-Boghé pour rallier la commune de Lexeïba, en passant par les immenses champs rizicoles d’un homme d’affaires de Nouakchott très célèbre. Des kilomètres de champs de riz confiés à une main d’œuvre étrangère, avec un poste électrique personnel, pour alimenter les dizaines de motopompe qui alimentent ses immenses possessions. Un troupeau de vaches, plus d’un milliers de têtes, occupait toute la largeur de la route. Près d’une heure pour laisser passer cet important troupeau conduit par des bergers peulhs et suivi par une Pick-Up remplie de ravitaillement.
Puis défilèrent les localités de Bougamoun et Mou Sleymane, fief des Oulad Ayid, ensuite les terres des Oulad Demane, Aker et Lemhariya, celle des Oulad Vadhel, notamment Awleïg. Des dizaines de hameaux dépenaillés, dont la survie des habitants tient à un miracle. Ici et là, des écoles, des champs de culture, des paysages lunatiques, entre dunes de sables et arbustes à cactus.

Djawlé, ou le pot d’argile contre le pot de fer

Enfin, la localité de Djawlé, celle qui vit ces jours-ci un conflit foncier opposant les habitants à un riche homme d’affaires qui avec l’aide de l’administration, tente de chasser les autochtones de leurs terres ancestrales de culture.

Selon Elemine Ould Cheikh, 58 ans, « je suis né ici, sous un arbre pas loin d’ici  », désignant de sa main, un endroit perdu entre les arbres aux confins sud du village. « Je ne connais que ces terres que m’ont laissé mes grands-parents  ». Et il exhiba un écriteau rédigé en arabe en 1903 attestant la propriété des terres de Djawlé à la famille Ehel Cheikh. « Nous avons supporté la pauvreté, la famine, les brimades, mais nous sommes restés attachés à ces terres que nous ne quitterons que morts et enterrés  » précise-t-il.
Le calvaire des habitants de Djawlé, dont les terres ont plusieurs fois été soumises aux convoitises, aurait recommencé récemment dans les années 2000, lorsqu’un homme du nom de Wejaha Ould Hacen, issu de la famille prétendument ancien maître a surgi pour réclamer la propriété des terres. Mais selon Elemine, le type change de version au gré des circonstances, parfois il prétend avoir acheté les terres, parfois il évoque le droit tribal, parfois le droit coutumier, qui veut que la propriété de l’esclave appartienne à son maître. Dans les années 70, selon Elemine, d’autres tribus avaient essayé de les déloger. Un arrêté judiciaire datant de cette époque avait mis fin à leurs prétentions.

Depuis 2007, les villageois de Djawlé n’ont plus accès à leur terre de culture, à cause de ce litige qui selon Elemine, n’en est pas un, car « toutes les populations de la contrée, y compris la famille du réclamant, sont unanimes à reconnaître que ces terres nous appartiennent. » Selon lui, les autorités n’ont jamais accepté d’entreprendre une enquête pour départager les populations de Djawlé et le nommé Wejaha. L’affaire a été portée selon lui devant la justice. « Le nouveau juge, un jeune magistrat, est le seul à avoir entrepris une enquête impartiale. Il est venu sur les terres et a entendu plus de 40 témoins issus de localités voisines dont un vieillard Peulh. Tous ont juré la main sur le Coran que les terres objet du litige sont notre propriété. D’ailleurs, ces terres sont connues depuis des lustres sous l’appellation Eghlig Ehel Cheikh  » a expliqué Elemine.

Aux termes de son enquête, dit-il, le juge a livré son verdict sur l’authenticité de la propriété des terres à la famille Ehel Cheikh.

Il a suffi qu’il parte en congé, pour qu’un autre juge remette son verdict en jeu, dépouillant les habitants et consacrant la propriété des terres au nommé Wejaha, regrette-t-il en subsance. Et ce serait sur la base de cet arrêté, confie-t-il, que les autorités ont entrepris d’exercer une pression sur la population pour les pousser à céder les terres. Mais pour Aminetou Mint Haimouda, « plutôt que de céder, on nous tuera mais jamais nous ne quitterons ces terres sur lesquelles sont enterrées nos ancêtres  »
Selon Elemine Ould Cheikh, les habitants ont été à plusieurs reprises molestés. Un ancien Wali a même ordonné une fois l’arrestation de 7 parmi eux pour les obliger à quitter les lieux. Il a fallu l’intervention de Ould Boilil, alors Ministre de l’Intérieur pour qu’ils soient libérés. Puis ce fut l’accalmie.

Aujourd’hui, le combat des habitants de Djawlé contre Wejaha Ould Hacen ressemble fort bien à celui du pot d’argile contre le pot de fer. D’un côté, une population pauvre et sans soutien politique, de l’autre un homme riche, issu d’une puissante tribu et qui a l’administration dans sa poche. Le 6 novembre 2017, la gendarmerie est revenue pour embarquer tous les hommes du village. Elemine se démène depuis lors, au niveau de l’administration centrale, à Nouakchott, pour sauver une fois de plus son village.

Les sacrifiés de l’enseignement

La déliquescence de l’enseignement public, tant au primaire qu’au secondaire, en l’absence de toute structure privée, constitue une autre facette de la marginalisation dont souffrent les habitants des localités relevant du Trarza d’une manière générale. Le manque de locaux et le déficit criard en personnel enseignant semble être le malheur le plus partagé par l’ensemble des communautés, toute classe sociale confondue. Dans les hameaux enclavés du département de R’Kiz, la situation est tout simplement dramatique.
Dans un réduit aux locaux crasseux, logent la 3ème et la 4ème année de ce qui est appelé ici le collège de Tachtaya. La 1ère année est logée à l’école primaire située quelques encablures plus loin, tandis que la 2ème année est parquée dans une salle aux confins du village. Deux enseignants y dispensent les cours dans un grand écart digne du plus grand cirque au monde. Le directeur de ce qu’on a du peine à appeler un établissement et son directeur d’études. Ils s’occupent de toutes les matières à enseigner pour les quatre niveaux. Le directeur, Mohamed Ould Lebou, instituteur de formation et bilingue dispense les matières littéraires, l’arabe, le français, l’éducation civique, l’histoire et la géographie, ainsi que l’IMCR, tandis que le directeur des études, professeur de Maths de formation, dispense les matières scientifiques. « Nous manquons de personnel et de locaux, car nous occupons d’anciens locaux qui servaient de jardin d’enfants  » explique-t-il.

A l’école fondamentale de Tachtaya, la situation est encore pire. Son directeur, Ahmed Ould Meyloud, s’y démène comme un diable, aidé par un autre instituteur pour couvrir les cours de la 1ère à la 6ème année. « La direction régionale nous a promis trois contractuels et nous sommes déjà en novembre  » relève-t-il. Les 35 petits élèves de la 1ère année font ainsi face à un pupitre vide. De temps en temps, Ahmed Ould Meyloud passe pour intimer le silence, avant de les abandonner pour s’occuper de la 5ème et de la 6ème année qui semblent pour le moment être sa priorité.

Pourtant l’école primaire de Tachtaya est l’un des plus anciens établissements du pays. Créée en 1968, elle a formé plusieurs grands cadres du pays. Les bâtiments sont aujourd’hui en décrépitude. « On nous a promis des réfections, et nous attendons toujours, depuis deux ans  » ajoute Ould Meyloud, un instituteur de la première génération. Tôt le matin, avant de quitter la zone, des rangées d’élèves alignées devant les classes, dans un mouvement d’exercice d’ensemble, rappellent des souvenirs anciens, quand l’école avait tout son sens.
Les enfants de Naçra ne sont pas mieux lotis. Le directeur de l’établissement, Mohamed Ould Salem donne des cours à la 6ème et à la 5ème année en classe multigrade, tandis que son collègue, un bénévole du village qu’il tente de faire recruter s’occupe de la 3ème et 2ème année. Deux classes sont manquantes, la 1ère et la 4ème année, soit une centaine d’élèves sans structure d’accueil. Les élèves de la 2ème année au nombre de 11 6 sont d’ailleurs séparés entre garçons et filles, et étudient sous des hangars de fortune, assis par terre. La 6ème année compte 19 filles et 9 garçons.

L’administration scolaire reconnaît ses faiblesses

A R’Kiz, l’Inspecteur de l’enseignement fondamental, reconnaît qu’il y a un déficit de 114 enseignants dans l’ensemble du département dont 49 dans la commune de Tekane.
Ainsi, les 15.972 élèves du département de R’Kiz, 7.920 filles et 8.052 garçons se partagent les 102 écoles existantes, parmi lesquelles 417 divisions pédagogiques.
Déficit aussi en matière de locaux, 38 classes sur un total de 384 fonctionnels. Pour atténuer davantage ce déficit, l’inspection aurait procédé à 8 regroupements scolaires dans les localités de Bezoul, Lemhara, Oumoul Ghoura, Douze-Douze, Sekan, Ajouer, Bareina et l’école 1 de R’Kiz.

Au niveau régional, le chiffre des déficits en enseignant du secondaire est alarmant. Le Trarza a besoin de 250 professeurs supplémentaires. « Le Ministère est au courant de la situation et tente d’y remédier en procédant au recrutement de contractuels  » confie le chef de service de la Direction régionale de l’enseignement secondaire (DREN) à Rosso.
A cause du taux rapide d’évolution démographique, le Trarza a besoin de 90 établissements scolaires chaque année, selon la DREN.

L’inspection départementale de l’agriculture recadre les paysans

Répondant aux accusations des agriculteurs, notamment ceux vivant aux abords du Lac R’Kiz, l’Inspecteur départemental de l’agriculture, a d’emblée procédé à une mise au point. « Il faut savoir qu’en matière de distribution des intrants agricoles, l’Etat a complètement changé de politique. Il ne distribue plus gratuitement de l’engrais et des semences aux paysans, car il a remarqué que cette démarche qui a perduré pendant des décennies n’a abouti à aucun résultat. » a-t-il fait remarquer. « Mais à sa place, il a été institué des périmètres pilotes  » a-t-il ajouté, citant 4 actuellement en cours, notamment 2 à Oueija, 1 dans la localité de Boubacar et 1 à Gani. « Ces sites pilotes bénéficient de grillages pour 2 hectares, une pompe pour tirer l’eau du Fleuve, 4 fûts, 200 mètres de raccords, des semences et deux techniciens à leur disposition pendant 2 ans  » a-t-il précisé.

Quant à la lutte contre les prédateurs des cultures, l’inspecteur a fait remarquer que des équipes spécialisées ont été montées pour lutter contre les oiseaux granivores. A Tachtaya, un site pilote est prévu ainsi que la distribution de 4 tonnes de semences, a-t-il lancé en guise d’information.

Concernant les tracteurs que l’Etat distribuerait à certains par complaisance, l’inspecteur a balayé de la main toutes ces assertions. Selon lui, « l’Etat ne dispose plus du moindre tracteur  », ajoutant que ce genre de matériel lourd a été laissé à l’initiative privée. « Par contre, nous avons du matériel léger, des râteaux, des pioches, des pelles, que nous distribuons aux paysans sur leur demande » a-t-il encore ajouté.
S’agissant des conflits sur le foncier agricole, il a déclaré que cela relève de la compétence de départements autres que celui dont il a la charge.

Cheikh Aïdara

Enquête réalisée dans le cadre du Projet « Liberté, Droits et Justice : combattre l’esclavage par ascendance en Mauritanie » exécuté par SOS Esclaves, ONG des droits de l’homme créée en 1997, reconnue en 2007, sur financement du Département d’Etat des Etats-Unis

source lauthentic.info

 
 
 

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