Il est rare que des présidents de conseils constitutionnels, garants des Constitutions de leur pays, prononcent des discours plein d’émotions et porteurs de précieux conseils aux heureux élus ou réélus.
Le discours de Diallo Mamadou Bathia, président du conseil Constitutionnel mauritanien, a brisé cette espèce de tradition des institutions constitutionnelles en Afrique. Son discours prononcé ce 1er août s’inscrit en droite ligne de celui servi par le juge Keba M’Baye, présidant la cérémonie d’investiture d’Abdou Diouf qui succédait, en 1981, au président Senghor ayant démissionné.
Le Président de la Cour Suprême et magistrat émérite, après le protocole habituel, avait demandé au président Diouf de lui permettre de formuler quelques recommandations. Il a demandé l’ouverture démocratique intégrale du champ politique.
A l’époque, le Sénégal ne comptait, si je ne m’abuse, que 3 partis politiques: PS, PDS et PAI. Une requête acceptée et aussitôt matérialisée par le président Diouf.
A l’occasion donc du discours qu’ il a prononcé lors de l’investiture du président réélu pour un second et dernier mandat, Mohamed Cheikh Ghazwani, M. Diallo Mamadou Bathia a fortement marqué les esprits des mauritaniens et des invités. Le discours du natif de Boghe était plein d’émotions mais également porteur de précieux conseils au président réélu et pour tous les mauritaniens.
Ce fut un appel vibrant à préserver cette Mauritanie qu’il a chérie et servie depuis des décennies, contre ce que le premier président Ould Daddah avait considéré comme « vents et marées ».
Le contexte a changé aujourd’hui. Pour le président du CC, d’autres défis ont émergé, il s’agit de menaces qui pèsent sur l’unité nationale et la cohésion sociale, en somme sur le vivre ensemble. Bathia a connu une autre Mauritanie, plurielle celle-ci. Ainsi a-t-il invité le président réélu et les mauritaniens à œuvrer, dans la paix et la sérénité, à préserver cette Mauritanie dans laquelle devront être respectées la diversité culturelle, la fraternité entre arabes, pular, Soninke et wolof, faute de quoi on crée des frustrations, un mur de méfiances, tous facteurs d’instabilité. Dans ce cadre, le juge des lois a également prévenu certains acteurs politiques qui seraient tentés d’engager, au lendemain de cette investiture, une bataille pour un 3e mandat. Coup d’œil dans le rétroviseur!
Des parlements à la soviétique sont souvent un danger pour la démocratie. En Mauritanie, le zèle, l’opportunisme, l’immaturité politique, démocratique sont de gros nuages sur le fonctionnement de notre démocratie. Le président dit pourvoir compter sur le président réélu parce qu’il l’a « accompagné », donc vu à l’œuvre.
Espérons que les recommandations du président du conseil constitutionnel ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd et qu’elles éclaireront le dernier mandat du président Ghazwani et inspireront tous les patriotes.
Brahim Fall
DG de la Société des Bacs de Rosso