C’est un Aziz fidèle à lui-même qu’on a dû subir pendant 2 heures. Soit c’est un impressionnant comédien, soit c’est un menteur pathologique de ceux qui ne sont à l’aise que dans le mensonge et qui, à force de mentir, ne se rendent plus compte qu’ils mentent.
A l’entendre, Aziz serait juste un ex président honnête, bâtisseur avec une main de fer contre la gabegie qui serait victime d’un complot de plus mauvais que lui visant à lui faire endosser un bilan criminel fait de pillages en tous genres.
Pour un observateur extérieur qui l’entendrait, voilà bien un démocrate qui s’accroche à un limpide article de la constitution pendant que le nouveau régime ne lui épargne aucune injustice : ses biens si bien acquis et ceux de certains membres de sa famille saisis en Mauritanie, courant coupé chez lui. Un acharnement qui est allé selon lui jusqu’à augmenter les taxes sur l’énergie solaire juste parce que sa maison est ainsi alimentée.
Un irréprochable ex président qui peut se permettre de décocher une flèche à laquelle le nouveau pouvoir devra trouver des éléments de langage pour y répondre : selon lui la présidence a augmenté son budget de 2 milliards alors que le personnel a été réduit. Aziz accuse ainsi le régime d’utiliser cet argent pour corrompre les élus et les journalistes. De là qu’il n’y a plus d’opposition en Mauritanie et que les journalistes ne disent plus rien.
Voilà pour le vernis d’assurance.
Quant à la mauvaise foi, elle éclate quasiment à chacune de ses paroles pour qui sait quel fut son règne. Il accuse le nouveau régime d’envoyer en prison quiconque oserait s’exprimer.
A l’entendre son régime n’a pas jeté dans un pick-up un président démocratiquement élu sous l’unique prétexte de l’avoir limogé après en avoir fait un général.
A l’entendre, il n’a jamais enfermé des journalistes ou des activistes des droits de l’homme.
A l'entendre, il n’est pas allé jusqu’à envoyer la garde nationale pour mettre dehors un président de la cour suprême en toute impunité.
A l'entendre, il ne s’est pas attaqué à un homme d’affaires à qui il doit sa campagne à base de plusieurs milliards en s’en prenant à tous ses biens, toutes ses affaires jusqu’à augmenter les taxes sur les Marlboro pour les rendre inaccessibles.
A l’entendre, un président de la république peut faire fortune sans toucher son salaire, sans aucun trafic d’influence, sans la moindre commission sur des marchés colossaux, des permis de recherche pour l’or, fer, le poisson et peut-être des valises données par des puissances étrangères pour motiver certaines orientations politiques et culturelles.
Rien que la convention chinoise a fait perdre à la Mauritanie près de 3 milliards de dollars sur 25 ans par rapport à ce qui est facturé aux européens à grand renfort de pseudo nationalisme surmédiatisé.
En astrophysique on détecte une planète ou un trou noir impossible à voir par la déformation du champ magnétique autour. Selon ces lois matérielles, il faudrait croire que l’entourage immédiat d’Aziz a fait fortune en étant trempé dans mille trafics qui s’étalent dans le rapport de la CEP sans que lui, chef suprême qui dirigeait tout, ne soit trempé dans rien.
Mauvaise foi quand il ose parler d’unité nationale, lui qui a plus que personne avant lui divisé les maures en marginalisant les hratine pendant qu’il donnait des ailes d’une part à un Birame Dah Abeid et de l’autre à des extrémistes beidhânes. Ce crime contre l’unité des maures est plus impardonnable que les affaires financières car le mal est fait pour longtemps. Désormais face à la peur, les beidhânes n’ont plus qu’à être soudés à qui tient l’armée quel qu’il soit.
Voilà pour la mauvaise foi.
Quant au ridicule, on n’a pu le voir ici et là dans ses coups de gueule en se croyant encore dans son palais quand il a demandé d’arrêter la diffusion télévisée d’une rencontre avec la presse pour faire taire un journaliste comme d’ailleurs il avait inspiré d’arrêter un match de foot pour aller directement aux tirs au but.
Ridicule aussi quand il s’accroche à la constitution mais emporté par ses salades il lache fièrement comme il a toujours fait « j’ai fait deux coups d’Etat ( contre la constitution ) et j’aurais pu rester si je voulais ». Là, il n’a peut-être pas tort.
Ridicule quand cherchant les chiffres à propos de l’augmentation du budget de la présidence, il se retourne comme il faisait quand il avait derrière lui quelques ministres ou chargés de mission à la présidence pour lui souffler un chiffre ou une traduction en hassania mais il n’a malheureux trouvé que le regard de madame qui, étant libre corps et biens, semblait lui dire « la bichor ».
Ridicule quand il s’attaque à la langue française alors que lui-même pense en français. A telle enseigne qu’il ne peut s’exprimer longtemps sans dire une phrase en français. Ridicule sachant qu’il a nommé à la tête du conseil constitutionnel un partisan du 3ème mandat qui ne parle que français et ne comprend rien à l’arabe qu’il prétend défendre.
Ridicule quand il dit qu’un grand opposant lui a dit qu’il a parlé avec la France qui lui aurait proposé lors de son second mandat d'abandonner le pouvoir pour un poste garanti de chef d’Etat-major. Toujours cette obsession de la France comme si elle avait besoin d’un opposant pour lui transmettre un message de cette nature et comme si elle avait encore une influence alors que le pouvoir tend à devenir strictement arabophone malgré l'environnement géographique. Pourtant c'est évident qu'on est plus fort en parlant la langue de nos partenaires et même de nos ennemis car cela donne un accès direct à leur univers culturel et donc psychologique.
Aziz focalise tout sur la France comme un feu de diversion pour ne pas qu’on regarde des puissances étrangères auxquelles il a livré le pays jusqu’à dénaturer notre islam ancestral au profit d’un extrémisme allié une xénophobie décomplexée qu’on fait passer pour du nationalisme.
Il va jusqu’à dire que si la France et les occidentaux ne prennent pas sa défense c’est juste parce qu’il n’a pas voulu faire de la Mauritanie leur domestique. C’est à croire qu’il a été chassé par un coup d’Etat alors qu’il avoue avoir quitté le pouvoir démocratiquement. La France devrait donc intervenir pour empêcher le nouveau régime de juger ses années au pouvoir. Même si elle pouvait le faire, pourquoi le ferait-elle pour quelqu’un qui a passé son temps à réviser l’histoire coloniale pour indexer les pacificateurs mauritaniens au point qu’aujourd’hui tout ce qui est français ou ami de rapports décomplexés et constructifs avec la France est détesté par une bonne partie de l'élite et du peuple comme si la pacification fut chez nous un bain de sang.
Ridicule quand il se vante du sort qu’il a fait subir à Mkheitir alors qu’il a ridiculisé les oulémas proches du pouvoir qui l’avaient condamné à mort sans appel pour qu’Aziz ne laisse pas le fait divers aux islamistes et ce jusqu’à faire changer la loi islamique écrite par des ouléma mauritaniens d’hier bien différents de ceux qu’aujourd’hui le Cheikh Sidi Yahya appelle ouléma banaveu.
Ainsi, voilà que le repentir n’a plus la moindre valeur en matière de blasphème même le repentir sincère respecté partout dans le coran au point qu’une sourate entière s’appelle « le repentir ». Bilan, après des années de captivité, les mêmes oulémas ont dû trouver une formule pour libérer Mkheitir afin que le nouveau régime n’hérite pas de cette affaire dont un autre fondement fut de faire payer à un forgeron l’audace de s’attaquer aux marabouts pendant que des athées bien nés échappaient à la justice grâce à des arrangements dans les milieux « religieux ». Les mêmes accommodements avec la charia quand il s’agit d’un de leur leader pris la main sur son matériel dans une vidéo sans qu’il ne cesse d’être sous les projecteurs du parti.
Ridicule quand on sait qu’Aziz n’a eu pour avocats que des avocats français ou ceux de Mkheitir… Sans parler des partisans d'Aziz qui sont allés l'autre jour manifester devant l'Union européenne à Nouakchott pour réclamer pour lui un passeport européen de " liberté" comme ils disent.
Ridicule quand il dit qu’il ne quittera pas le pays alors qu’il est interdit de quitter Nouakchott.
L’unique vérité qu’il a incarnée c’est qu’il n’abandonnera jamais l’idée de reprendre le pouvoir. S’il tient un tel discours alors qu’il risque la prison, que fera-t-il une fois hors du pays ? Il a d’ailleurs menacé encore une fois que s’il doit parler, il parlera en temps voulu.
Nous verrons bien comment se terminera son procès à venir. Personne n’ose imaginer qu’il sera mis en prison et personne ne peut l’imaginer libre de ses mouvements. Aziz n’est pas de ces ex présidents qui peuvent être domptés en étant en résidence surveillée avec le droit à des conférences de presse même si chacune de ses sorties montre combien il est désarmé…
Ahmed Soueid Ahmed