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un grain de sable pour secouer la poussière...

Ghazouani prépare le général Hanana Ould Sidi à lui succéder peut-être sous peu…

Lundi 18 Mai 2020 - 22:07

Mohamed Ould Ghazouani
Mohamed Ould Ghazouani

Depuis le 1er jour de la campagne d’Etat contre la menace virale, c’est le ministre de la défense que l’on voit partout masqué pendant que Ghazouani demeure invisible, se contentant de faire des tweet pour féliciter le corps médical et encourager les mauritaniens à suivre les mesures barrières. C’est du jamais vu ni dans une dictature ni dans une démocratie où il y a toujours au front le tyran du moment ou le premier magistrat élu.

 

Pourquoi Ghazouani reste-t-il à l’abri à la présidence pendant que sur le terrain on voit partout le ministre de la défense sans parler du ministre de l’intérieur ou de la santé ? D’ailleurs on peut noter que le PM aussi a adopté le style discret de Ghazouani.

 

On apprend avec l’épidémie qui démarre enfin que le ministre de la défense a été mandaté pour prendre les choses en main c’est-à-dire qu’officiellement l’armée dirige les opérations, le gouvernement n’étant que l’exécutant.

 

Beaucoup se sont plaints de cette immixtion de l’armée dans des affaires qui ne la concernent pas encore puisque l’ordre public règne et jusqu’à la preuve du contraire la Mauritanie est censée être une démocratie où le pouvoir exécutif appartient au gouvernement avec un président élu chef des armées.

 

Comment s’appelle un tel régime si le chef des armées est en retrait et si l’armée coiffe le gouvernement : cela s’appelle la démocratie militarisée mauritanienne. Ce n’est pas une formule c’est une réalité stable comme on peut voir ailleurs des monarchies au Maroc ou dans le monde arabe. On ne peut pas comparer ce qui se passe en Mauritanie avec ce que l’on voit dans des dictatures sanguinaires comme en Egypte. Ce qui se passe chez nous c’est un peu comme ce que l’on voit en Algérie : la domestication de toute la mécanique démocratique avec des prisons vides.

 

Pour ma part, je trouve peu étonnant que l’armée prenne les choses en main car depuis 1978, c’est l’armée qui dirige le pays à la seule différence qu’elle ne fait plus face à la moindre opposition crédible capable de renverser la table comme elle ne craint plus les partenaires occidentaux qui depuis longtemps ont été neutralisés par les marchés que leurs entreprises reçoivent ou le chèque en blanc qui leur est donné en matière de coopération militaire : les USA sont au coeur du dispositif militaire mauritanien bien plus que les français ; ils sont aussi puissants que le bureau du FMI au coeur de notre banque centrale.

 

Pour preuve, alors qu’Aziz excitait les mauritaniens contre la France et les amis de l’amitié franco-mauritanienne jusqu’à falsifier l’histoire coloniale, Macron est venu lui rendre visite en ami sans dire un mot qui fâche sur le moindre sujet, pas même la façade des droits de l’homme. De même si Aziz n’a pas pu faire un 3ème mandat c’est que les partenaires occidentaux notamment américains ne voulaient plus travailler avec lui car peu fiable et il suffit que les USA fassent comprendre aux généraux mauritaniens qu’ils ne veulent plus travailler avec Aziz pour que ses amis lui disent de laisser tomber car ils veulent une coopération sans méfiance. C’est aussi simple que ça.

 

 


Hanana Ould Sidi, ministre de la défense
Hanana Ould Sidi, ministre de la défense

Pour le reste, ceux qui sont choqués de voir l’armée prendre les choses en main doivent ouvrir les yeux et regarder en face la réalité à savoir la militarisation de l’administration ce qui signifie que tout fonctionnaire est tenu de répondre aux ordres du tyran du moment quels qu’ils soient sous peine d’être viré sans que cela ne fasse la moindre vague. Je me souviens du temps d’Aziz de ce douanier choqué de recevoir des ordres des militaires alors qu’il est censé appliquer le code des douanes.

 

Tout ça pour dire que si les prisons sont vides, si personne ne manifeste dans les rues massivement, si toute l’administration accepte la discipline militaire à savoir répondre aux ordres des supérieurs quels qu’ils soient même hors la loi, quand personne ne démissionne, quand tout le monde court pour avoir un poste, quand les dignitaires, les religieux, la majorité des forces politiques soutiennent cette militarisation de l’administration, quand tout tyran qui part ne risque rien ni lui ni ceux qui ont mis leur génie à l'aider à piller ce pays alors on ne peut parler ni de dictature ni de démocratie mais de démocratie militarisée.

La guerre entre les civils et les militaires date de 1978 mais depuis les civils ont perdu. Il fut un temps où au coeur du pouvoir, il y avait encore des gens qui croyaient au changement avec des militaires de retour dans les casernes, les informations sensibles au coeur du pouvoir fuitaient mais on a vu avec Aziz qu’ils ont réussi à préparer un changement de monnaie et personne n’en a rien su jusqu’à un mois avant le lancement officiel : c’est incroyable au pays du téléphone arabe. Cela en dit long sur la maturation de la domestication des civils par les forces militaires.

 

Les civils sont devenus si impuissants que le pouvoir tolère même la liberté d’expression impossible nulle part ailleurs même dans les démocraties. Voilà la vérité. On peut continuer à lire sur le net les esprits éveillés qui continuent à dénoncer ce qui doit l’être mais il ne faut pas croire que cela va réveiller quelqu’un ou pousser quiconque à la révolte : c’est un conte pour enfants.

 

Par contre, contrairement à Aziz, on a pu voir qu’avec le régime de Ghazouani, le pouvoir fait machine arrière quand sur le net éclatent des erreurs ou des lacunes. C’est déjà une bonne chose mais c’est juste ça.

 

Pour le reste, le pouvoir est ailleurs, pas chez les électeurs comme dans une démocratie car n’importe quel tyran peut faire sortir des centaines de milliers de citoyens grâce justement à la force des tributaires de l’administration. Le pouvoir est ailleurs et Aziz a fait semblant que le pouvoir était dans le populisme. Ça l’amusait de jouer au populiste élu mais on a vite vu que les gens qui étaient autour de ses tribunes c’étaient des policiers.

 

Ghazouani ne peut pas se payer le luxe d’Aziz car il n’est pas arrivé en chef de guerre par un coup d’état, il n’a pas imposé son pouvoir comme Aziz en enfermant les puissants hommes d’affaires, en menaçant par l’IGE les uns et les autres, en jouant de la menace des impôts ou de la police économique. Ghazouani est arrivé comme chacun sait par une révolution de palais silencieuse sans trop que l’on sache qui le soutient au coeur de l’armée.

 

Lui comme le PM regardent les forces du vrai pouvoir, les forces invisibles. De là qu’ils sont en retrait car tout se passe en coulisses. De là des nominations étonnantes comme des proches d’aziz mouillés jusqu’au cou parachutés ici et là car il faut rassurer les forces qui tiennent le pays et avancer à petits pas : tantôt un cadeau en nominations aux noirs, tantôt une liste pour les blancs, tantôt une mesure audacieuse vers le progrès, tantôt des gestes de vieilles pratiques archaïques.

 

A ce rythme Ghazouani peut tenir un mandat pas plus s’il tient jusque-là. Son remplaçant c’est le ministre de la défense qui autant que Ghazouani est en excellents termes avec tous nos partenaires militaires. Le ministre est désormais la façade militaire civile la plus respectée et la plus engagée avec l’avantage de n’avoir aucune casserole qui résonne sur le net.

 

C’est donc normal que ça soit lui qui prenne les choses en main comme ultime humiliation du gouvernement civil mamelouk. Ç’a l’avantage d’être clair. C’est aux universitaires de sciences-po de théoriser ce partenariat vieux comme l’histoire des tribus : les hommes armés avec le pouvoir assurant la sécurité, les autres au travail pour faire tourner l’économie…



Ahmed Ould Soueid Ahmed

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