Le festival Assalamalekoum accorde aux jeunes rappeurs mauritaniens la première partie des grands concerts, pour les mettre en valeur. Une façon de promouvoir les talents locaux comme le jeune rappeur Douze qui s’était engagé dans l’armée avant de s’ouvrir à l’art.
LDB : Pourquoi faites-vous le rap ?
Douze : Je rappe pour exprimer ma colère et la frustration de notre communauté noire africaine. J’écris mes textes en wolof et en peul qui sont les langues les plus parlées. Beaucoup de jeunes des banlieues sont attirés par la musique, mais on se sent handicapé.
LDB : comment construit-on sa carrière musicale en tant que rappeur en Mauritanie ?
Douze : On n'a pas de structures, ni salles de spectacles, ni label, ni studios d’enregistrement, etc. Ce qui manifestement nous freine, mais nous ne nous décourageons pas même si, pour le moment, on doit attendre le festival pour avoir une vraie audience....
Jokko Fam, collectif de rap féminin
Composée de 4 femmes rappeuses de 4 pays (Sénégal, Maroc, Mauritanie et Mali), la création musicale Jokko Fam a été proposé dans divers festivals sur le continent. Membre du collectif, Sultana, rappeuse bien connue au Maroc et à l'étranger, a réussi à gagner de la popularité en Scandinavie.
LDB : Pourquoi avez vous lancé Jokko FAM ?
Sultana : Au départ le projet Jokko, c'était juste la connexion entre les pays. Mais, aujourd’hui, il est devenu une formation engagée pour les femmes rappeuses. On aborde les problèmes liés au genre, nos paroles sont justes, car elles marquent leur soutien aux filles qui s’engagent dans le rap, qui bousculent les codes et brisent les tabous dans notre société. Ça se conçoit comme du militantisme, et c’est mal perçu dans la société.
Récemment retourné en Gambie après la chute du président Yayah, Killa Ace, refugié à Dakar, est un symbole de résistance artistique au régime de Yayah Jammeh. Il a quitté son pays natal à la suite des constantes menaces. Pour son premier passage en Mauritanie, Killa Ace a réussi à passionner la foule grâce à son charisme et ses paroles en Wolof, langue parlée par la majorité de la communauté noire.
LDB : C'est votre première en Mauritanie. Un concert devant un public qui ne vous connaît pas, est-ce difficile pour un artiste ?
Killa Ace : J'étais très surpris par la réaction du public – Malgré le fait que la jeunesse mauritanienne ignore ma personne, elle s’est montrée très ouverte à mon égard. Mes textes en langue wolof ont vite établi le contact et brisé le verre de frontière. À l’endroit de cette jeunesse, je dis mon admiration, et de ne pas céder à la peur, mais de se battre pour leurs droits.
Autre temps forts avec Medine
L'artiste le plus attendu au festival a conclu le programme de la 10e édition du festival Assalamalekoum. C’est pour la deuxième fois qu’il se produit à ce festival. Le rappeur français est considéré comme le porte-voix de toute une génération. Issu de l’immigration, Killa Ace dénonce l’injustice, les conflits mondiaux et les amalgames à propos de l’islam.
LDB : Pourquoi était-ce important pour vous de venir à cette 10e édition ?
Medine : Il n’y a que le hip-hop, le rap, qui créent ce langage qui devient un pont entre les dialogues, entre les nations. Français d'origine algérienne, j'ai l'impression d'être connecté avec la Mauritanie à travers le hip-hop, à travers le rap malgré la distance qui peut nous séparer. Donc, c'est important pour l'émancipation de ce langage et ça nous permet d'évoquer des problématiques qui jalonnent les relations Europe-Afrique.
Par exemple, en Mauritanie, le hip-hop transcende toutes les problématiques communautaires, on connaît le contexte difficile ici entre les arabes et les Noirs. Il y a une discrimination réelle. Et le hip-hop permet d’exorciser ce débat, de l’évoquer sous le couvert du divertissement. La communauté hip-hop engagée souhaite à Assalamalekoum un joyeux anniversaire et une longue vie !