Démocratie et liberté d’opinion en Mauritanie, les enjeux et perspectives révélés par des enquêtes de terrain

cheikh aidara

Afrobarometer et son partenaire mauritanien,SISTA Consult ont mené depuis 2022 en Mauritanie une série d’enquêtes, objets de dépêches, portant sur des sujets variés, tels que la liberté d’opinion ou encore des questions relatives au secteur éducatif. L’enquête menée en 2022 a ciblé un échantillon de 1.200 adultes.

Un Rapport phare établi par Afrobarometer intitulé « Aperçus africains 2024 : la démocratie en danger – le point de vue du peuple » se concentre sur les aspirations et les expériences démocratiques des citoyens africains. Il s’appuie sur les résultats de l’enquête Afrobarometer s’étalant sur plus d’une décennie, y compris les enquêtes du Round 9 (2021-2023) dans 39 pays, pour mettre en évidence les tendances et les moteurs du soutien et de la satisfaction démocratique. Une partie de ces données concerne la situation en Mauritanie.

Puis, le 13 août 2024, Afrobarometer publie sur son site en ligne, les résultats d’une autre enquête sur la liberté d’opinion et de presse en Mauritanie sous le titre « Les Mauritaniens se disent libres d’exprimer leurs opinions mais se méfient des sujets politiques ».

Enjeux et perspectives de la démocratie en Mauritanie

Des données recueillies lors du Round 9 d’Afrobarometer montrent que la démocratie connait certes des avancées en Afrique, mais qu’elle bute sur des défis persistants. Ainsi, le paysage démocratique en Mauritanie se révèle être le reflet des luttes et espoirs qui caractérisent le continent.

Selon les données relatives à l’état de la démocratie dans leur pays, la majorité des Mauritaniens préfèrent un système démocratique, avec un grand écart entre ceux qui se disent satisfaits de la situation démocratique dans le pays et ceux qui ne le sont pas.

La division des opinions sur le rôle des députés en matière de législation révèle, selon ces données, des tensions entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, mais aussi un désir de réforme de la gouvernance et de la transparence.

Parmi les résultats clés de l’enquête :

77% des Mauritaniens préfèrent le système démocratique contre 12% qui privilégient un système non démocratique et 10% qui sont indifférents.
54% des enquêtés se déclarent assez satisfaits ou très satisfaits du fonctionnement démocratique dans le pays, contre 44% d’un avis opposé, pas satisfaits ou pas très satisfaits.
58% des personnes interrogées pensent que les députés devraient pouvoir s’opposer aux décisions du président, alors que 40% considèrent que le président devrait pouvoir légiférer sans les députés.
70% des personnes enquêtées rejettent le parti unique, 65% rejettent le régime militaire et 60% rejettent l’instauration d’une dictature. Cela exprime une large aspiration au pluralisme.
S’agissant de la corruption des dirigeants du pays, 41% des personnes interrogées estiment que certains d’entre eux sont impliqués dans des actes de corruption, 36% pensent que la plupart d’entre eux ou tous sont corrompus. Seules 20% affirment qu’aucun fonctionnaire n’est impliqué dans des pratiques de corruption.
7 9% des enquêtés affirment que la Constitution devrait limiter les mandats présidentiels à deux, 19% disent qu’il ne devrait pas y avoir de limitation.
Plus de 50% des répondants déclarent que l’armée peut prendre le contrôle du pouvoir si les dirigeants abusent de leur pouvoir, 45% estiment que l’armée ne devrait pas intervenir en politique.

Liberté d’opinion

Lors de l’enquête de novembre 2022, 1.200 adultes mauritaniens ont été interrogées sur leur perception de la liberté d’opinion et de presse dans leur pays. Les résultats de l’enquête ont été publiés le 13 août 2024 sur le site d’Afrobarometer sous le titre « Les Mauritaniens se disent libres d’exprimer leurs opinions mais se méfient des sujets politiques ».

En résumé, l’engagement de la Mauritanie dans la protection des libertés fondamentales de ses citoyens, telles que garantie par les textes juridiques et la Constitution, a été rappelé. Il a été même rappelé la place de pionnier que la Mauritanie occupe dans le monde arabe en termes de liberté de presse selon le classement de Reporter Sans Frontière (RSF) ces dernières années. Seulement, des obstacles sont relevés qui limitent la liberté d’expression, restreint l’accès à l’information et réduit l’espace pour le débat public. Sont citées, la loi sur la protection des symboles nationaux, la loi sur la cybercriminalité ou encore l’article 36 du Code pénal. Autant de restrictions qui ramènent dans les débats les questions d’équilibre entre le respect des normes culturelles et religieuses et la promotion d’une société ouverte et pluraliste. Cette enquête fait ainsi l’état des lieux sur la liberté d’expression et des médias ainsi que les libertés civiles à l’aide des données récentes d’Afrobarometer et de SISTA Consult.

Voici les résultats clés de l’enquête sur la liberté d’opinion :

78% des Mauritaniens interrogés disent être « assez libres » ou « entièrement libres » d’exprimer leurs opinions
56% déclarent qu’ils doivent « souvent » ou « toujours » faire attention à ce qu’ils disent en politique
10% pensent que les citoyens devraient être libres d’adhérer à n’importe quelle organisation, que le gouvernement le veuille ou non
83% déclarent que les gens sont libres d’adhérer à la formation politique de leur choix et 84% trouvent que les gens sont libres de choisir sans pression pour qui ils veulent voter
70% des personnes interrogées déclarent que les médias en Mauritanie sont « assez libres » ou « entièrement libres » de publier sans censure ni ingérence du gouvernement pendant que 24% affirment le contraire

Liberté d’exprimer son opinion :

78% des Mauritaniens se disent libres, 54% se sentent « entièrement libres » ; 23% « assez libres » pour exprimer leurs opinions. Ce sentiment est plus fort en milieu rural (83%) et chez les riches (82%).

Cheikh Aidara
lauthentique.info