Médecins ou infirmières, ils ont effectué des missions dures dans des zones de guerre ou contre le virus Ebola. Aujourd'hui, ils se disent armés pour affronter le nouveau coronavirus chez eux aux Etats-Unis, même si, parfois, "c'est plus éprouvant" qu'à l'étranger.
Après des expériences dans le Soudan du Sud, à Haïti ou en Irak, David Callaway, professeur en médecine d'urgence, supervise la réponse hospitalière au Covid-19 près de chez lui, à Charlotte, dans le sud des Etats-Unis.
Évidemment, les ressources ou les conditions de sécurité y sont meilleures que dans ces pays en crise, mais "parfois, c'est plus facile à l'étranger, où on peut mieux compartimenter" ses émotions, confie-t-il à à l'AFP.
Là-bas, c'est possible "de mettre ses proches dans une boîte et de s'en servir comme source de motivation, d'inspiration en cas de coup dur, parce qu'on sait qu'ils sont en sécurité", explique-t-il.
Ici, "leurs vies sont en jeu", ajoute cet ancien médecin militaire de 46 ans membre de l'ONG Team Rubicon, particulièrement inquiet pour sa mère septuagénaire, mais aussi pour sa femme et ses filles.
Pour lui, "c'est plus éprouvant émotionnellement d'intervenir dans sa communauté qu'à l'étranger, même en cas de guerre ou sous la menace des balles".
David Callaway juge toutefois que ses missions l'ont rendu "plus efficace" face au coronavirus. Entre autres choses, "je sais que la vérité change chaque jour: ça aide à ne pas être frustré ou stressé et à se concentrer sur son travail."
- "Sang d'une orange" -
"Les talents que j'ai acquis en Afrique de l'Ouest sont cruciaux aujourd'hui", abonde l'urgentiste new-yorkais Craig Spencer, qui fut l'un des rares Américains contaminés par la fièvre hémorragique Ebola lors d'une mission pour Médecins sans frontières (MSF) en Guinée.
Lors de son hospitalisation en 2014 aux Etats-Unis, une infirmière expérimentée avait échoué à trois reprises à lui faire une prise de sang, a-t-il raconté lors d'une discussion en ligne organisée par son ONG. "Elle était incroyable, je suis sûre qu'elle aurait pu tirer du sang d'une orange, mais elle avait trop peur", a-t-il relaté.
Pour lui, cette anecdote montre qu'"aucun entraînement ne vaut le terrain" pour apprendre à "être à l'aise face à des gens affectés d'une maladie potentiellement mortelle".
Martha Phillips retient, elle, un autre aspect pratique de son expérience contre Ebola: "Je peux travailler pendant des heures dans une tenue de protection encombrante!".
"J'ai aussi appris à faire de ma sécurité une priorité, poursuit cette infirmière de 40 ans, et je ne fais aucun compromis à ce sujet".
Depuis le début de l'année, cela s'avère essentiel. Spécialisée dans les urgences, elle a affronté les premiers cas de coronavirus dans l'Etat de Washington, au nord-ouest du pays, avant de rejoindre le front récemment pour des gardes de nuit dans un hôpital new-yorkais, épicentre de la crise américaine.
- "En colère" -
Arrivée un peu après le pic dans la mégalopole, elle explique avoir vu moins de morts qu'en Sierra Leone. Mais une émotion différente l'étreint cette fois: "la colère".
"Je pensais que les Etats-unis réagiraient différemment", explique-t-elle à l'AFP, en assurant avoir eu de "meilleurs équipements de protection en Afrique" où elle travaillait pour l'ONG International Medical Corps qu'au début de la crise dans son propre pays.
Les pays d'Afrique de l'Ouest avaient "répondu de leur mieux compte-tenu de leurs ressources limitées". A l'inverse, estime-t-elle, "l'Amérique a les infrastructures et les technologies mais a choisi de mettre sa tête dans le sable" pendant trop longtemps.
Quels que soient leurs états d'âmes, ces soignants disent tous être concentrés sur leur tâche. "Nous pensons que c'est notre mission d'aider les gens malades", résume David Callaway.
"Cette catastrophe mondiale est horrible, mais ça me donne de l'énergie", ajoute même Craig Spencer, qui effectue de longues gardes jusque tard dans la soirée et vit avec une petite file âgée de 17 mois.
Quant à Martha Phillips, une fois que les Etats-Unis iront mieux, elle est prête à "repartir en un instant pour l'Afrique" si le besoin s'en faisait sentir.
AFP