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un grain de sable pour secouer la poussière...

Au temps des jours heureux/Par Moussa Hormat-Allah, Professeur d’université, lauréat du Prix Chinguitt

Vendredi 30 Août 2024 - 11:45

Comme dans toutes les sociétés nomades, le Mauritanien avait un mode de vie des plus sobres. Il ne connaissait ni électricité, ni eau courante, ni loyer, ni impôts, ni taxes… Son mobilier était des plus sommaires : quelques nattes, des coussins en cuir ou en tissu, rembourrés avec des morceaux d’étoffes ou de fibres végétales, des couvertures en peau de mouton (varou), des ustensiles pour ses besoins domestiques: calebasses, bouilloires, outres à eau, "tiziyatines" comme garde-manger, des meules pour moudre le grain, des marmites en fonte, etc.

Sa nourriture était frugale : de grosses galettes de farine de mil, d'orge ou de maïs "Al-Aïch", cuites dans des marmites puis malaxées, par la suite, avec du lait. Parfois, l'ordinaire est amélioré à la grande joie des enfants : méchoui et riz à la viande, les jours de fête ou lors du passage d'un hôte de marque.
 

Quelques chamelles, vaches ou moutons lui fournissaient l'essentiel de ses besoins alimentaires : lait, viande… Ces animaux lui fournissaient en outre, la précieuse toison pour confectionner les tentes qui l'abritent du soleil et des intempéries.

Ces nomades ignoraient les moyens de locomotion modernes : avions, voitures, autobus… Ils se déplaçaient à pied, à dos d'âne ou de dromadaire.

Quand l'herbe mourrait et que la végétation devenait rare, leur seule préoccupation était de scruter, de temps à autre, le ciel à la recherche des signes avant-coureurs de la pluie bienfaisante. Un grondement de tonnerre au loin ou des éclairs furtifs, leur indiquent l'endroit où la pluie va tomber. Au retour d'un éclaireur "bowah", parti en reconnaissance, ils lèvent le camp vers de nouveaux pâturages.

 

Une vie simple et paisible

Ces bédouins vivaient en quasi autarcie, regroupés, ici ou là, en fonction des affinités familiales ou tribales, dans des campements autour des points d'eau.

Une vie simple, tranquille et paisible. Une vie faite de prières et de méditations où le spirituel a pris le pas sur le matériel. Une vie entièrement tournée vers la rétribution dans l'Au-delà. Pour ces bédouins, la vie ici-bas est un simple viatique pour cet anxieux voyage, tant redouté, vers l'Eternel.
 

Leur cadre de vie est en parfaite harmonie avec cette attente mystique. Dans ces immenses étendues désertiques où la ligne d'horizon disparaît entre le ciel et la terre, où on chasse encore l'outarde, où la fraîcheur des oasis est un havre de paix, où le lait de chamelle et les dattes constituaient, comme jadis, la nourriture frugale des hommes du désert, où on ne se lasse de regarder le moutonnement à l'infini des dunes de sable fin, où l'appel du muezzin, dans le silence absolu, ponctue la vie des hommes, où dans la nuit illuminée par une myriade d'étoiles, on est bercé par le son d'une flûte autour d'un feu de bois qui relaxe des rudes efforts de la journée, - Une symphonie, de temps à autre, perturbée par le hululement d’un hibou ou le jappement, au loin, d’un chacal -, on ressent une sensation de paix intérieure et une félicité quasi célestes. En levant les yeux, on contemple l'immensité du cosmos et on prend, subitement, conscience du caractère éphémère et insignifiant de la condition humaine.
 

La vie dans le désert est rythmée par l’alternance des écarts de température : la chaleur torride de la journée s’estompait lentement.

Le jour déclinait. L’ombre apaisait la terre. L’air fraichit. La vie allait renaitre. Au loin, la nuit commençait, déjà, à envelopper le paysage de son voile noir. Ici ou là, on entendait, comme une douce harmonie les bêlements familiers des troupeaux de moutons qui revenaient aux enclos. Affamés, agnelets et chevreaux leur répondaient, en chœur, par de frêles bêlements.

On respirait à plein poumons, un air pur et vivifiant. Dans le silence de la nuit, on était bercé par le blatèrement en sourdine, ininterrompu, des chamelles qui sentaient proche l’heure de la traite. Les minuscules chamelons leur répondaient, à l’unisson, par ce qui ressemblait à de doux ronronnements.

 

 

Trésors gardés avec orgueil

Dans les campements et les hameaux les plus reculés, les déclamations du Coran, portées par les voix en chœur, l’enseignement du hadith, de la grammaire... rappellent au visiteur émerveillé que loin de leur berceau originel de la presque île arabique, ces trésors sont encore gardés avec orgueil et fierté et transmis, à travers les âges, de génération en génération.   

Dans ces contrées où la pollution et le stress sont inconnus, où l'avidité matérielle n'a pas de place et où l'hôte est toujours le bienvenu, on comprend alors pourquoi la Mauritanie profonde semble encore résister pour rompre les amarres avec ce passé ancestral qui reste, avant tout, un précieux repère dans l'angoissante constellation du troisième millénaire.

Voilà le mode de vie qui, naguère était celui des Mauritaniens. Malheureusement, ce mode de vie idyllique va être bouleversé, de fond en comble, par un changement radical du climat.
 

Ce dérèglement du climat, sous l'effet de serre a provoqué des sécheresses chroniques avec comme conséquence une implacable désertification. Les mares, marigots et autres points d'eau se sont asséchés. Les puits désertés, sont taris. Des couches de sable stériles, drainées par le vent, ont recouvert une terre, naguère généreuse. La végétation a quasiment disparu. Les arbres sont morts et leurs troncs, noircis par un soleil brûlant et les assauts répétés des tempêtes de sable se dressent, au loin, comme d'épouvantables corps suppliciés. Les oiseaux ont disparu avec les arbres. Les animaux ont été décimés. Les hommes, taraudés par la faim et la soif ont, eux aussi, fui un environnement devenu inhospitalier. La survie réside, désormais, dans l’exode vers les centres urbains et les grands axes routiers...

Il ne reste plus à ces naufragés du désert que la consolation de revivre, par la pensée, le temps des jours heureux.

Ce bouleversement de la vie des gens, induit par un phénomène climatique sans précédent, ne concerne, malheureusement, pas que le seul nord du pays. Il va affecter aussi le mode de vie des habitants du sud.

 

 

A l'instar de leurs compatriotes du nord, les mauritaniens de la Vallée du fleuve -halpular, soninkés et wolofs-, menaient, naguère, une vie paisible. La seule différence est que les uns étaient nomades, en perpétuels déplacements à la recherche de pâturages, alors que les seconds étaient sédentaires.

Disséminés tout le long des berges du fleuve, villages et bourgs se dressent, avec fierté, ici ou là, dans le paysage, comme figés dans le temps. On respirait à pleins poumons en contemplant, à perte de vue, une végétation luxuriante.

Sur le fleuve voguait, voiles au vent, de petites embarcations. Dans un gazouillis ininterrompu, des oiseaux en quête de leur pitance, tournoyaient dans le ciel.

Dans une atmosphère de quiétude et de sérénité, les habitants, heureux, goûtaient, dans la paix, aux plaisirs simples de la vie de tous les jours. Une vie débarrassée des contingences matérielles.

 

Arbres à palabres

Pour subvenir aux besoins de la population, les hommes s'adonnaient, au quotidien, à des activités traditionnelles qui remontent à la nuit des temps : chasse, pêche, élevage…

Sur un terrain vague au milieu des cases, des enfants, visiblement joyeux, jouaient : certains à cache-cache, d'autres à saute-mouton. Les femmes s'affairaient autour des marmites sur un feu de bois qui dégage des volutes de fumée.

A l'appel du muezzin, les fidèles, toutes affaires cessantes, se rendent à la mosquée pour la prière. Les enfants, assis en rangs serrés, récitaient à haute voix, en déclamations saccadées, le Saint Coran. Parfois le marabout reprenait en articulant distinctement un verset pour corriger une erreur. Sous l'arbre des palabres de vieux sages, mémoire vivante de la collectivité, racontaient, avec nostalgie, des faits marquants du passé.

 Le soir, au clair de la lune, sur le son des balafons et des tam-tams, on faisait place, dans une gaieté exubérante, à des danses frénétiques sur fond de chants en chœur.
 

Au fur et à mesure que la nuit avançait, les bruits de la forêt voisine faiblissaient. De même que les décibels de la petite fête du village. L'heure de se coucher est venue. A la pointe du jour, le travail doit reprendre.

Une vie harmonieuse où le village est devenu, pour ses habitants, le centre du monde.

Malheureusement, avec le changement du climat et la poussée inexorable du désert vers le sud, conjuguée à l'exode vers les grandes villes et à la fréquence inquiétante des décrues saisonnières du fleuve et la raréfaction des moyens de subsistance que fournissait ce cours d'eau à la communauté villageoise, ce mode de vie traditionnel béni va s'estomper lentement.

La multiplicité des besoins matériels, inhérents à cette mutation socioéconomique va venir à bout de cette merveilleuse vie d'autrefois.

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