Si les autorités mauritaniennes ont rétabli l’accès à internet, coupé dès le lendemain de l’élection présidentielle, elles n’ont pas renoncé à intimider les journalistes les plus critiques du pouvoir. L’un d’entre-eux a été arrêté mercredi soir. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de le libérer et de mettre fin à la multiplication des entraves à la liberté de la presse dans le pays.
Ahmedou Ould Wediaa, journaliste pour la télévision mauritanienne Al-Mourabitoune, réputé pour ses critiques virulentes du président sortant Mohamed Ould Abdel Aziz, a étéarrêté mercredi 3 juillet dans la soirée à son domicile de Nouakchott. Les autorités n’ont donné aucune information à son sujet. “Nous craignons qu’il s’agisse d’une nouvelle arrestation qui relève de l’intimidation” a réagi l’un de ses confrères joint par RSF.
En effet, un autre journaliste, Camara Seydi Moussa, également connu pour sa critique du pouvoir mauritanien, vient de passer une semaine en détention avant d’être libérémercredi 3 juillet. Selon les informations obtenues par RSF, les agents de la sûreté d’Etat qui ont procédé à son arrestation ainsi qu’à la confiscation de l’ensemble des téléphones et ordinateurs portables de son domicile, lui reprocheraient certaines conversations au cours desquelles il aurait contesté les résultats de l’élection présidentielle du 22 juin, laissant entendre que le journaliste avait été placé sur écoute.
Cette libération est intervenue au moment où les autorités rétablissait l’accès à internet après 11 jours consécutifs de coupure selon plusieurs sources jointes par RSF.
“Si le rétablissement d’internet constitue une bonne nouvelle, la multiplication des entraves à la liberté de la presse participe à maintenir un climat de peur pour quiconque conteste la ligne défendue par les autorités suite à l’élection présidentielle contestée, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Nous exhortons les autorités à libérer le journaliste encore détenu, à mettre fin aux violations du secret des sources par les services de sécurité et à ne plus recourir aux coupures internet. Ces méthodes sont aux antipodes d’une passation démocratique que les autorités sortantes disaient vouloir réussir”.
Un journaliste dans le collimateur du pouvoir
Une trentaine de journalistes mauritaniens a participé ce jeudi à un un sit-in pour demander la libération de leur confrère arrêté mercredi soir. Ce n’est pas la première fois qu’Ahmedou Ould Wediaa est inquiété par les autorités pour son travail de journaliste. En 2015, le président avait fait interrompre pendant quelques minutes une conférence de presse retransmise en direct suite à l’insistance du journaliste pour lui poser plusieurs questions. L’année suivante, son émission de débat avait été suspendue pour un mois par la Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel (Hapa) qui l’accusait alors de favoriser le “séparatisme” et d’avoir évoqué l'existence de l'esclavage en Mauritanie.
Cette thématique est particulièrement sensible dans le pays. Des journalistes étrangers qui cherchent à la documenter sont régulièrement expulsés. Pour avoir évoqué l’instrumentalisation de la religion afin de justifier des pratiques discriminatoires et esclavagistes, le blogueur Mohamed Cheikh Ould Mohamed Mkhaïtir est détenu au secret depuis plus de cinq ans et demi alors qu’il a déjà effectué sa peine pour “mécréance”. A la veille de l’élection présidentielle, RSF et plusieurs ONG avaient écrit au président mauritanien pour demander sa libération.
La Mauritanie, a chuté de 22 places au dernier Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2019 et occupe désormais la 94e position sur 180 pays classés.
Communiqué de Presse
04.07.19
lecalame