Sa santé, son futur procès, un éventuel retour en politique, Assimi Goïta et Wagner… Pour sa première interview depuis sa libération, l’ancien président mauritanien n’a éludé aucune question.
Jeune Afrique – Mohamed Ould Abdelaziz a toujours été de ceux qui obéissent à leur instinct plutôt qu’à une stratégie élaborée par une équipe de communicants. Après la levée de son contrôle judiciaire le 7 septembre, auquel il était soumis depuis juin 2021, l’ancien président est resté mutique, semblant faire profil bas. Mais ce serait mal connaître ce général fier et offensif, décidé à laver son honneur, envers et contre tous. Alors qu’il devrait être bientôt jugé pour, entre autres, corruption, blanchiment d’argent et enrichissement illicite, il est résolu à faire entendre, coûte que coûte, sa vérité. Reste que, s’il veut être audible, « Aziz » devra se montrer crédible et s’expliquer enfin sur l’origine de sa fortune.
En attendant, son ombre ne cesse de planer sur Nouakchott. Beaucoup craignent encore cet homme à la fois imprévisible et qui ne laisse rien au hasard, arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État en 2008, élu en 2009, réélu en 2014, avant de renoncer à briguer un troisième mandat. En France depuis le 22 septembre, il a surpris les observateurs en réservant sa première apparition publique (qui s’est soldée par l’intervention de la police) à la diaspora mauritanienne de Bordeaux, auprès de laquelle il est allé défendre son bilan.
En ce vendredi d’octobre, c’est à Paris qu’il poursuit, non sans risque, son opération réhabilitation sans jamais citer une seule fois le nom de son successeur et ancien ami, Mohamed Ould Ghazouani, qu’il estime être à l’origine de sa chute. L’ancien président nous rejoint seul, range son téléphone portable et nous fait face. Mohamed Ould Abdelaziz le sait : son meilleur avocat, c’est lui-même. Entretien exclusif.
Jeune Afrique : Vous sembliez éprouvé au sortir de votre résidence surveillée, le 7 septembre. Vous êtes d’ailleurs à Paris pour passer des examens médicaux après avoir subi un cathétérisme cardiaque il y a plusieurs mois. Comment vous sentez-vous ?
Mohamed Ould Abdelaziz : Je me sens beaucoup mieux que pendant ma détention, j’ai été rassuré par mon médecin, ici à Paris, qui m’a confirmé l’excellence de l’intervention de ses confrères à Nouakchott. Ma santé s’améliore donc, même si je n’ai plus la même force qu’avant mon emprisonnement, durant lequel j’étais stressé.
J’étouffais à cause des privations, je n’avais ni radio ni télévision. Des caméras étaient braquées sur moi et un brouilleur avait été installé pour empêcher toute communication éventuelle. Sans compter que je ne pouvais recevoir aucune visite, en dehors de celles de mes avocats et d’un cadre familial très restreint.
Avez-vous dû donner des garanties à la justice avant votre départ ?
Non, j’ai juste demandé la restitution de mes passeports, ce qui m’a été accordé rapidement. Je n’ai eu aucun entretien, ni avec le pouvoir judiciaire, ni avec le pouvoir exécutif.
À l’aéroport que j’ai moi-même fait construire, on m’a seulement empêché de pénétrer avec mon véhicule dans la zone réservée aux VIP. Mais il n’y a pas de mal, au contraire, ça me fait plutôt rire ! D’ailleurs, en conseil des ministres, on m’avait demandé de le baptiser à mon nom et j’avais répondu qu’il n’en était pas question. Je ne suis pas de ceux qui personnifient les choses.
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