Vieux Briscard de la politique, Messaoud Belkheir, Président l’Alliance Populaire Progressiste (APP), vient de jeter un véritable pavé dans la marre politique somnolente, à quelques mois des nouvelles échéances présidentielles. En effet, avec son initiative invraisemblable, tintée d’un certain pessimisme, il a pris de court toute la classe politique nationale.
Belkheir a appelé les Mauritaniens à accorder une année supplémentaire au Président actuel, Mohamed Cheikh El Ghazouani, afin de garantir des élections présidentielles transparentes et démocratiques. Seul bémol et pas des moindres, cette prolongation vient avec une condition majeure : le Président en exercice doit renoncer à se présenter pour un second mandat, se contentant de superviser le processus électoral. A l’issue des ces élections, le Président sortant sera honoré, et le nouveau parlement lui assurera une immunité totale contre d’éventuelles poursuites relatives à sa gestion du pays.
Messaoud Belkheir justifie cette initiative par le fait que le bilan du premier mandat présidentiel n’a pas été assez reluisant, et que ce scenario pourrait donner un nouveau souffle à la démocratie en Mauritanie.
Cependant, nombre d’observateurs de la scène politique en Mauritanie, ont accueilli cette initiative avec beaucoup de réserve. A leur sens, demander le report des élections présidentielles alors qu’aucune menace censée les perturber ne se profile à l’horizon, relève du fantasme. Et cette idée semble encore plus tirée par les cheveux eu égard à se ce qui passe chez notre voisin le Sénégal, où le report des élections présidentielles a mis ce bon élève de la démocratie à feu et à sang.
Toutefois, au-delà du report des élections présidentielles, certains politiciens pensent qu’il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Autrement dit, l’initiative de Belkheir invitant le président sortant à renoncer à un second pourrait signifier un appel du pied à la rupture avec les régimes militaires dont Ghazouani en est une énième continuité ; et au retour des civils au pouvoir.
Hier encore, la Mauritanie était un acteur respecté sur la scène régionale et internationale sous le leadership de feu Moctar Daddah. Sorti de nulle part, le pays avait incontestablement connu un développement économique et social de 1960, date d’accession à son indépendance, à 1978, date fatidique de la prise du pouvoir par les militaires. Depuis, le pays a été le théâtre de bouleversements politiques et sociaux incessants, passant d'un coup d'État à un autre, de restructuration en rectification.
Certes, Messaoud Belkheir n’a pas prononcé le mot clef « rupture » avec les régimes militaires mais il a bien précisé qu’il laisse la liberté à chacun d’interpréter son initiative comme il l’entend. Il n’a pas fallu moins de cet aveu pour ouvrir la boite de Pandore, et chacun y va allègrement de sa propre analyse.
AMI