La voleuse de chèvres
A.M., la quarantaine tient épicerie aux environs de l’hôpital de l’Amitié, quartier Poteau 14 d’Arafat, et complète ses revenus, en taximan occasionnel à bord de sa Mercedes 190. Passant dernièrement au carrefour Bakar, le voici hélé par une jeune fille. « Dis-moi ton prix pour une course au marché de bétail d’El Mina. – 2000 MRO. – C’est bon », conclut-elle, avant de lui demander de l’aider à attraper une chèvre qui broute non loin. Une fois l’animal embarqué, le taxi se dirige vers le « Marbat ». La jeune fille demande alors au taximan de vendre la chèvre à un marchand.
Il accepte de bonne foi et en tire 30 000 MRO. Prudent, l’acquéreur note cependant le numéro de téléphone d’A.M. Celui-ci ramène sa cliente où il l’a embarquée, encaisse ses deux mille ouguiyas et, tout aussi prudent, note le numéro de téléphone de celle-là. Suit, dans la soirée, un étonnant appel. « Ici le commissariat de police Arafat 1, présentez-vous y au plus vite ». Une fois sur place, il apprend que la chèvre qu’il a embarquée et vendue est déclarée volée. Elle a été rendue, par la police, à son propriétaire et le marchand de bétail est aux arrêts. A. M. déclare qu’il assume cette responsabilité, fait relâcher le vendeur et lui rembourse le prix de vente de la chèvre. Après enregistrement de sa déclaration détaillée des faits, le commissaire lui permet de repartir mais sous contrôle judiciaire. A peine hors du commissariat, A.M. téléphone à la jeune fille. « J’ai une bonne affaire pour toi : un boucher veut acheter cinq chèvres à bon prix. – Je t’attends au poteau 4 », répond-elle.
Et notre rusé épicier de prévenir illico le commissariat qui lui dépêche un agent en civil. Les voilà au poteau 4. « Voici notre client », présente-t-il le policier à la jeune fille, « il veut avoir les chèvres maintenant. – Pas de problème », lance-t-elle, « venez par-là ». Elle les mène dans une rue où flânent quelques chèvres. « Attrapez celles que vous voulez. – On se contentera d’en prendre une seule, ce soir », répond le policier… en lui passant les menottes ! Elle se met alors à pleurer et implorer pardon. Mais ; pour l’instant, c’est en route pour le commissariat, sous les yeux d’une foule de badauds. Un policier intervient, aussi surpris qu’abattu. « C’est ma fille, je ne sais quoi dire… », se lamente-t-il. Le commissaire propose un arrangement. Le père de la jeune voleuse rembourse le taximan qui accepte de retirer sa plainte. Ainsi va la justice transactionnelle : tout est bien qui finit bien !
Une bande piégée
Nous ne cessons de le répéter : Tin Soueïlim et environs vivent chaque nuit, depuis quelques mois, un climat d’insécurité. Des bandes de malfaiteurs braquent et agressent les passants, parfois très tôt dans la soirée. Insaisissables, elles ont fait des dizaines de victimes. Encerclées, celles-ci sont écorchées à coups de poignard et pillées. Mais la police a, tout dernièrement, décidé de traquer l’une de ses bandes qui a tant sévi entre le virage « Dik » et le carrefour Tin Soueïlim. Des agents du commissariat Arafat 2 s’appuient sur une piste fournie par les déclarations d’une victime : la bande commencerait à opérer très tôt la nuit, à partir du virage Ould Greimich.
Le commissaire poste donc quelques jours, vers vingt-et-une heures, deux agents en civil, à bord d’une Toyota Avensis garée dans une ruelle non loin de la clinique Nejah. Et voici justement deux de ces lascars qui s’en prennent à une jeune fille pour lui subtiliser son téléphone portable ! Elle appelle au secours. Des passants poursuivent les bandits. Ceux-ci s’engouffrent dans la rue où sont embusqués les policiers qui n’ont plus qu’à jaillir de leur véhicule, pile au moment où les fugitifs passent à côté. « Arrêtez ! », ordonnent-ils. Un des bandits dégaine une machette ; les condés leur pistolet, en lançant une ultime sommation : « Jetez immédiatement vos armes où l’on tire ! ». Effrayés, les bandits s’exécutent aussitôt. Les voilà menottés et embarqués au commissariat, en compagnie d’une nombreuse et grondante foule de badauds.
Mosy