1969, Londres. Une citoyenne britannique, descendue au marché pour y faire quelques emplettes, découvrit avec stupeur que le prix du poisson avait brutalement augmenté de 30% et que son budget ne lui permettait pas d’en acquérir. Prise d’une subite colère, elle se dirigea vers la Chambre des lords située à quelques dizaines de mètres de là. Ayant réussi à y pénétrer je ne sais comment, elle demanda à voir le député qui avait bénéficié de son suffrage. « Les lords sont en réunion », tentèrent en vain de lui expliquer les gardes, « veuillez patienter ». Mais la dame insista et éleva à ce point la voix que le président de la Chambre se leva pour lui demander avec respect et calme ce qu’elle voulait. « J’ai une plainte urgente à faire parvenir à mon lord », dit-elle, « ainsi qu’à tous ses pairs ! » Alors et sans même l’interroger sur l’objet exact de sa plainte, l’auguste président l’accompagna jusqu’au micro : « Veuillez, madame, exprimer sans crainte tout ce que vous voulez ! Le conseil est à votre écoute… »
« Nous sommes fils et filles de la Grande-Bretagne », commença-t-elle, « nous sommes entourés de mers, nous possédons des flottes qui sillonnent les océans et me voilà dans l’incapacité d’acheter du poisson en raison de son coût ! C’est pourtant pour nous protéger contre les marchands cupides et sans scrupules que nous vous avons élus. » Et se tournant vers son député, « je ne vous ai pas choisi, monsieur », ajouta-t-elle, « pour soutenir ces imbéciles et avides commerçants ! » puis, jetant son micro, elle sortit, ulcérée. La première réaction fut celle du lord indexé qui présenta sa démission audit président avant même que la dame ne fut sortie des locaux de la Chambre. Une loi fut ensuite promulguée sanctionnant toute personne qui vendrait du poisson à un prix inaccessible au pouvoir d’achat de la plus faible tranche de la population britannique. Depuis cet incident et aujourd’hui encore, le « poisson-pomme de terre » (fish and chips) vendu dans tous les restaurants, petites boutiques, moindres coins des villes et villages, reste le repas le moins cher de tout le Royaume Uni. « Le repas du pauvre » assuré ad vitam aeternam…
C’est à cette si simple parole d’une citoyenne lambda que réagirent des députés réputés civilisés, à juste titre en cette occurrence. Sans présumer qu’une telle opportunité soit encore possible aujourd’hui – Sainte Sécurité oblige… – nos propres parlementaires en auraient-il besoin pour remplir eux-mêmes leurs plus élémentaires devoirs envers leurs concitoyens ? C’est en tout cas le nôtre de les leur rappeler…
Ahmed ould Cheikh
lecalame