Une commission d’enquête parlementaire fait la lumière sur l’attribution de plusieurs marchés suspects et sur la gestion d’établissements publics.
L’ex-président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, arrivé à la tête du pays en après un coup d’Etat militaire en 2008 puis élu à la présidence en 2009 et 2014 à Nouakchott, le 1er août 2019.
Pour la première fois, la société civile mauritanienne entend faire valoir ses droits dans une affaire de biens mal acquis. Début septembre, un collectif de quatorze organisations s’est constitué partie civile dans le processus judiciaire en cours dans de vastes affaires présumées de corruption, gabegie et détournements de fonds publics qui agitent le milieu politico-économique de ce pays sahélien, souvent pointé du doigt pour son opacité dans le climat des affaires et placé à la 152e place sur 190 du classement Doing Business. « Si les faits extrêmement graves qui sont mentionnés dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire sont avérés, ils portent atteinte aux intérêts du peuple, assure Mohamed Abdallahi Bellil, président de l’Observatoire mauritanien de lutte contre la corruption et leader du collectif. Nous assistons en ce moment au réveil d’une société civile qui prend enfin conscience de son rôle et qui veut qu’on lui restitue des biens spoliés. » Une première initiative qu’il sent « porteuse de beaucoup d’espoir ».
Sur demande de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête parlementaire a été constituée fin janvier pour faire la lumière sur l’attribution de plusieurs marchés suspects (vente de domaine de l’Etat, activités d’une société chinoise de pêche…), mais également sur la gestion d’établissements publics tels que la Société nationale industrielle et minière (SNIM) ou la Société mauritanienne d’électricité (Somelec). Les conclusions sont très alarmantes. Pour les seuls accords passés par la SNIM, la commission relève les infractions de « corruption d’agents et de marchés publics, surfacturation et dépenses fictives, détournements, trafic d’influence, abus de fonction, prise illégale d’intérêt, enrichissement illicite, recel… »
« Je suis la principale cible »
Parmi les personnes ciblées par ce rapport explosif de 800 pages figurent d’anciens ministres, des hommes d’affaires, des cadres de la haute administration mais aussi l’ancien chef de l’Etat, Mohamed Ould Abdel Aziz. « La vente de la mine [de fer] de Fdérick par l’administrateur directeur général sans en référer au conseil d’administration… et sur instruction de l’ancien président est une violation flagrante des lois et règlements en vigueur », dénonce le rapport. « Au regard des potentielles collusions sur plusieurs ventes de domaines à Nouakchott, en particulier pour la vente de l’école de police, du stade olympique… dont le principal bénéficiaire final est la société SMIS SARL propriété d’une personne physique de la famille de l’ancien président, la commission recommande de saisir les autorités judiciaires compétentes », peut-on encore lire dans ce travail conséquent.
Par Pierre Lepidi (Le Monde)
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