Dr. Moustapha Cheikh Abdallahi est l’un des premiers urologue de Mauritanie, Ayant décroché son baccalauréat en 1982, à l’âge de 17 ans, il fait des études de médecine à Dakar et au Maroc. Spécialisé en urologie, il rentre au pays et travaille 4 ans à l’Hôpital Saint Jean de Dieu de Thiès (Sénégal). Rentré au pays, il officie durant 15 ans 15 ans dans le secteur public -Hôpital Cheikh Zayed et Hôpital National (CHN). Ould Cheikh Abdallahi demande la disponibilité puis une retraite anticipée pour des raisons de famille. Et depuis 2017 il exerce dans le secteur privé uniquement, contrairement à beaucoup de médecins et autres fonctionnaires qui préfèrent exercer dans les deux secteurs.
HORIZONS : Le 8e congrès maghrébin d’urologie s’est tenu à Nouakchott en décembre dernier, il était couplé au 3e congrès national mauritanien d’urologie. Quels ont été les temps forts de cet évènement ?
Moustapha Cheikh Abdallahi : Tout à fait exact. Nous avons organisé, du 15 au 17 décembre 2022, le 8eme congrès maghrébin d’Urologie couplé à notre 3e congrès national. Quelques chiffres témoignent du caractère grandiose de cet évènement : 80 participants étrangers de 15 pays sur 4 continents, signature de conventions de partenariats avec les associations américaine, française et maghrébine d’urologie. Nos voisins du Sénégal, du Mali et de la Côte d’Ivoire étaient bien au rendez-vous.
A travers vos colonnes, je félicite pour les efforts consentis tous les urologues nationaux et en particulier le bureau actuel de notre association. Permettez-moi de citer le président Pr. Jdoud et le secrétaire général Pr. Boudhaya qui étaient les chevilles ouvrières de l’organisation. Ce congrès état l’occasion d’échanger avec nos collègues autour des dernières avancées de notre art et d’exposer notre expérience locale. En la matière, il a été un franc succès.
Je ne peux pas terminer ici sans mentionner l’appui important dont nous avons bénéficié des autorités, notamment la Présidence de la République, les Ministères de la défense et de la santé.
Vous êtes spécialiste en urologie, avec une longue expérience sur le terrain. Pouvez-vous nous indiquer les différentes maladies de l’appareil urinaire?
Les maladies de l’appareil urinaire se classent en trois grandes familles : les infections, les tumeurs et les calculs.
Les infections touchent essentiellement les femmes et les jeunes. Dans notre contexte la bilharziose urogénitale continue encore de sévir. Les baignades dans les eaux stagnantes en sont la cause.
Les tumeurs malignes et bénignes sont plus fréquentes chez les personnes âgées. La prostate est la principale origine de ces tumeurs chez l’homme. Avec l’allongement de l’espérance de vie, nous en recevons de plus en plus chez nous.
Les calculs touchent tout l’arbre urinaire et se voient chez tous les âges. Le climat sec et aride, l’alimentation riche en viande et en lait et le manque d’exercice physique en sont les principaux facteurs favorisants dans notre contexte.
-Parmi ces maladies, il y a celle de la prostate. On entend souvent parler de l’ablation de la prostate. D’abord quel est le rôle de cet organe ? Ensuite, quelles infections peuvent la toucher et comment les prenez-vous en charge ?
La prostate est située au carrefour des voies urinaires et génitales. Elle sécrète un liquide qui joue un rôle protecteur des spermatozoïdes lors de leur traversée de l’urètre. Donc elle améliore la capacité du sperme à être fécondant. Sa situation sous la vessie et autour de l’urètre fait que ses troubles agissent directement sur la miction chez l’homme (la miction étant le fait d’évacuer les urines ).
Seul organe plein du bas appareil urinaire, elle garde en mémoire tous les épisodes d’infections et développe donc les prostatites chroniques . Leurs traitements sont longs et font appel à plusieurs familles de médicaments: les antibiotiques , les anti-inflammatoires et les alpha bloquants.
L’histoire naturelle de la prostate est qu’elle augmente de taille avec l’âge. Cette hypertrophie entraîne parfois des troubles urinaires. Dans les phases de début, un traitement médical bien conduit améliore très souvent les signes et permet au patient de retrouver un confort mictionnel satisfaisant. A des stades plus avancés, le retentissement de cette hypertrophie sur la vessie et les reins est tel que son ablation devient nécessaire. Cette ablation peut se faire à travers l’urètre (endoscopie) ou à travers la vessie (chirurgie open)
Les résultats mictionnels sont souvent excellents. La fonction sexuelle est préservée contrairement à la procréation du fait de l’éjaculation rétrograde.
-De quels moyens disposent nos structures de santé pour leur prise en charge?
Rentré au pays en 2002, j’ai au cours des deux dernières décennies observé l’évolution de notre plateau technique dans le secteur public. D’abord le nombre des services d’urologie : nous sommes passés de 1 en 2002 à six actuellement. 4 à Nouakchott et 2 à l’intérieur Nouadhibou et Kiffa.
Sur le plan des ressources humaines une dizaine d’urologues et 4 résidents formés sur place sont venus prêter main forte à leurs aînés. Mais le compte n’y est toujours pas. Les régions au moins doivent être toutes couvertes par des spécialistes.
Pour les équipements une percée notable est à signaler : 2 lithotripteurs (machines à casser les calculs) disponibles à l’Amitié et l’Hôpital militaire. Tous les services sont plus ou moins équipés de matériel d’endo-urologie.
Seule grande lacune, jusqu’à présent et malgré plusieurs tentatives, le programme de transplantation rénale n’a toujours pas démarré. Une session lui a été consacrée lors de notre congrès pour aider au plaidoyer auprès des autorités.
- Quels enseignements avez-vous tirés de la pandémie de la COVID ?
La pandémie COVID nous a révélé quelques déficits en matériel de réanimation, en formation du personnel et en organisation du circuit du patient dans les structures de santé. Des efforts ont été effectués dans le feu de l’action et qui ont permis de limiter les pertes en vies humaines. En temps de paix ces efforts doivent être consolidés.
Elle nous a aussi apporté des satisfactions : nos populations réputées indisciplinées et réfractaires aux consignes de santé ont répondu en masse aux appels à la vaccination car elles ont compris que c’était la meilleure manière de se protéger des formes graves.
Propos reçu par Dalay Lam
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