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un grain de sable pour secouer la poussière...

​Aziz déloge les hratines et c’est nous qui payons le toit !

Samedi 27 Janvier 2018 - 10:52


La famille d’un voisin hartani qui habitait dans des baraques fait partie des fameux « déguerpis » dans tous les «  beaux quartiers » et même les moins beaux. L’état leur a donné un terrain à Tarhil.  Il faut dire qu’ils commençaient à être nombreux machallah à habiter à côté de beaucoup plus riches qu’eux même si vu la référence, quiconque peut payer quatre murs en dur paraît Crésus.
 
Beaucoup de hratines disséminés dans tous les beaux quartiers, dans chaque pâté de maisons. Cela fait du monde et par les temps biramiens qui courent, on n’est jamais trop prudent même si la menace était hier imaginaire, créée de toute pièce par ceux à qui profite l’éternelle division des mauritaniens et l’habitude de vivre sous tension. Si tous ces gens se levaient en même temps, la sécurité serait ingérable nulle part. De là la nécessité de parquer tous ces pauvres descendants d’esclaves à la périphérie des centres économiques et des habitations aisées même ceux de la classe moyenne.

Ils ne sont pas arrivés par hasard : souvent un propriétaire cherchant un gardien à moindre frais, lui permet de s’installer là avec sa famille pour compenser un maigre salaire. Le pauvre hartani accepte tout car en habitant là, sa femme et ses enfants peuvent trouver un travail permettant à la baraque de tourner. La femme vend du couscous, du bassi ou du leuaïch au coin de la rue, la jeune fille devient «  hakameu » ( baby-sitter ) et le fiston ouvre dans une ruelle un coin « lavage de voiture » avec quelques chiffons et un bidon d’eau.

Ensuite la solidarité faisant, les voisins leur envoient à l’occasion les restes non négligeables des repas ou des fêtes et les familiarités faisant, on finit par se connaître et on peut aider si un malheur venait à survenir obligeant à aller à l’hôpital.

Ceux-là sont les hratines installés par les propriétaires mais voyant comment ils « prospéraient », d’autres hratines décident parfois de squatter un coin de place publique. Ils furent si nombreux que l’état a dû intervenir. Au début tout le monde devait être déguerpi mais le scandale fut tel, surtout qu’on touchait aussi à une certaine mixité sociale ancestrale, que l’état a décidé de ne laisser sur place que ceux qui habitent dans un terrain avec l’autorisation du propriétaire et ceux qui ont un travail dans le quartier.
 
Le mari de ma voisine est donc parti s’installer à Tarhil et la femme a pu rester avec ses enfants car elle tient « une table » et vend des légumes au détail aux familles de la classe moyenne du voisinage sachant que la cuisine maure consomme peu de légumes : 3 tomates, 2 carottes et un navet restent toujours indispensables à un certain goût désormais de chez nous.
 
Ne m’ayant jamais rien demandé, cette noble femme vint vers moi ce matin en m’expliquant qu’ils sont en train de construire à Tarhil en dur et qu’il leur manque le toit. Elle souhaite que les voisins qui peuvent  les aident. Je lui demande le prix du toit à titre indicatif car je pensais qu’ils allaient le faire en zinc ou en tuiles : là avec le ton d’une grande commerçante qui construit un palais, elle me dit qu’ils vont couler le toit en béton !

J’en reviens pas car je connais mille personnes beaucoup mieux lotis qu’elle qui n’arrivent pas à ça et habitent sous toutes formes de tôles ondulées. Je lui dis que c’est très cher et qu’elle ferait mieux de chercher pour l’instant du « zinc en plastique ». C’est excellent car ça ne chauffe pas comme le zinc en été, ça ne rouille pas et pour lui montrer de quoi il s’agit, je lui indique une construction de notre voisin ex-ministre, désormais conseiller à la présidence.

A la façon dont elle regarde la chose, je réalise que le bâtiment en question est celui des moutons.  La grande dame ne me le fait pas remarquer pour éviter une humiliation et gêné je n’insiste pas non plus. Pour clore le débat à propos du zinc, elle me dit en partant qu’elle demande juste à ceux qui peuvent de les aider, puis elle retourna à ses activités.
 
Le problème de tout ça, c’est que tous ces démunis n’ont aucune idée du nombre de sollicitations que nous recevons alors qu’on ne roule pas sur l’or. Tel gardien a un fils malade, la femme de tel autre vient d’accoucher, tel appelle car il va postuler pour un emploi mais il lui manque l’argent pour les photos et le déplacement jusqu’à nous, tel et tel ayant déjà reçu une ou deux fois un geste, en escomptent toujours un autre et vous saluent et sourient comme si vous étiez un grand seigneur, ce qui vous oblige bien entendu à tenir le rang qu’ils vous donnent…
 
Si des gens modestes comme nous ne peuvent plus satisfaire la demande en humanité, comment font les patrons qui ne peuvent pas dire qu’ils n’ont pas d’argent car c’est faux ? En vérité, j’ai remarqué que plus on est sollicité et plus on a tendance à être tenté par la radinerie pour être juste car à un moment il faut dire que ce n’est pas possible car ce n’est plus possible. Ensuite même quand ce sera possible il faudra dire non au suivant pour ne pas léser le premier qui a reçu la formule...
 
Ensuite on découvre que les regards changent. Tel qui était adorable avec ses yeux doux, son sourire sympathique et bondissait pour vous saluer, reste désormais à distance et vous fait un signe comme si vous n’aviez pas payé une dette et qu’il vous ménage encore. Bientôt ne voyant plus venir un billet sur lequel apparemment il avait bâti une habitude, le voilà qui ne sourit plus comme s’il était plongé dans les récitations de versets.
 
Devant tant de signaux, si vous ne dégainez pas comme on met une pièce dans un juke-box, il finira par vous regarder comme un radin qui lui refuse un geste et s’il ne vous regarde pas plus tard méchamment alors vous avez de la chance.
 
C’est ainsi qu’en Mauritanie c’est le généreux qui finit par avoir honte et non le sans-gêne. Tel vous demandera de lui prêter un livre et malheur à vous si dans un an, ne le voyant pas revenir, vous le lui réclamez. Il se fâchera et vous dira que ce n’est pas la peine de le harceler.
 
VLANE

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