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un grain de sable pour secouer la poussière...

Quand Ould Ghazouani n’est pas content et il le dit

Samedi 9 Septembre 2023 - 14:53

Quand Ould Ghazouani n’est pas content et il le dit
 
Le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh Ould El Ghazouani « s’était permis » quelques jours de vacances. Comme l’année dernière,  il est donc allé prendre du « recul » dans le département de Boumdeid.
 
Boumdeid,  un coin perdu au nord de l’Assaba et enclavé entre les wilayas du Tagant et du Hodh El Gharbi. Un lieu tranquille et calme,  sans bruit  où, depuis la nuit des temps  ne s’élève dans le ciel que la voix  des  muezzins qui appellent à la prière.
 
Ghazouani, était venu chez lui pour se reposer,  pour s’éloigner un peu  des exigences, des  contraintes  et des pressions d’un  travail harassant que nécessite le  traitement des très nombreux dossiers qui s’empilent sur son bureau. Peut-être aussi,  était-il parti  pour apporter un réconfort  moral à une population qui a été durement frappée par des inondations qui avaient fait deux victimes et plus de 450 familles sinistrées.
 
Ce qui est certain c’est que, Ould Ghazouani, qui vient de rentrer dans  la dernière  ligne droite de sa course avec le temps  pour mener à terme son mandat,  avait besoin de régénérer de l’énergie pour  jeter un regard « posé » sur le rétroviseur des quatre premières années passées  et pour scruter l’avenir qui se profile pour lui à l’horizon.
 
Si on part  du résultat du  sondage effectué par le Groupe de Presse Francophone de Mauritanie auprès de certains mauritaniens, en général pour ces mauritaniens,  Ould Ghazouani n’a pas du tout atteint la cote de popularité qui devait logiquement récompenser le travail qu’il a accompli avec le peu de moyens laissés par son prédécesseur.
 
Ghazouani sous l’emprise d’un groupe de politiques et d’hommes d’affaires ?
 
« Ould Ghazouani est sous l’emprise d’un groupe de politiques et d’homme d’affaires ».  C’est ce qu’avait dit Biram Dah Abeid il y’a quelques mois. Le temps donne-t’ il  raison à Biram,  cet opposant aigri par le manque de sous  et par  la baisse vertigineuse de  sa popularité ? Peut-être.
 
En tous cas, comme pour se racheter  aux yeux des mauritaniens, (dont beaucoup, jusqu’à présent  ont  vraiment du mal à dissocier son image de celle de son prédécesseur),  et,  peut-être aussi,  pour ajouter à tout ce qu’il a fait de positif ce qui peut encore être  fait les douze derniers  mois  qui lui restent au pouvoir, le président Ghazouani avait, avant son départ en vacances  haussé  le ton et annoncé les couleurs de ce qui allait suivre.
 
Il avait haussé le ton pour  limiter les dégâts causés pour son régime par la nonchalance dans l’exécution de  certains  marchés publics dont les  attributaires trainent du pied malgré toutes les mises en garde et les avertissements qui leurs ont été adressés.
 
Depuis que le chef de l’Etat s’était rendu inopinément sur le site de pompage du projet Aftout Essahli à Béni-Nadji,  c’est le « sauve-qui-peut » à la tête  et au sein des sociétés d’Etats. Et, comme on le constate ces jours-ci, tous les ministères sont en ébullition et  tournent à plein régime transformant le  pays en un vaste chantier.
 
Pourtant, et  malgré les efforts considérables déployés par ces ministères en solo ou en mouvement d’ensemble, le constat est toujours amer. L’évolution de l’exécution des projets ne donne vraiment  pas satisfaction au chef de l’Etat.
 
C’est qui explique  peut-être cette  réunion inédite présidée par le chef de l’Etat et consacrée à l’évaluation et au suivi des 84 projets d’infrastructures actuellement en cours de mise en œuvre qui impliquent  plusieurs départements ministériels.
 
Cette réunion a révélé et porté à la connaissance du président Ghazouani, ce qu’il savait déjà. Le rythme de l’exécution de ces projets est pratiquement resté inchangé.
 
La nouvelle Mafia d’hommes d’affaires et d’entrepreneurs. Une antre des malfaiteurs ?
 
Dans ce pays, ce n’est un secret pour personne, beaucoup d’hommes d’affaires jusqu’ici « intouchables », sont nés par « avortement » ou par « fausse couche »  sous l’ère de la gabegie (2007-2013). Certains d’entre eux, par leur influence très forte sur les rouages de l’Etat et par  la mise en place de mécanismes de corruption à certains niveaux parfois même très élevés,  barrent le chemin aux entreprises crédibles et compétentes et  même au Génie militaire, cette institution étatique qui a fait ses preuves dans plusieurs secteurs.
 
Ces hommes d’affaires, nés sous le régime de Ould Abdel Aziz et hérités par Ould Ghazouani (dans la base de données de certains ministères), donnent l’impression de s’amuser avec l’argent du contribuable mauritanien, celle des bailleurs de fonds et celle  de nos généreux donateurs et  se montrent peu soucieux de la réalisation des projets  dans les délais fixés par les cahiers de charge, mais aussi et  surtout ils se montrent  très peu soucieux des sanctions qui peuvent leur être infligées.
 
En appelant autour de la table   le Premier ministre,  le Ministre Secrétaire général de la Présidence de la République   et le ministre chargé du cabinet de la Présidence, le Président de la République a voulu  remonter d’un cran sa menace et rappeler sa ferme détermination de mettre fin au désordre qui règne  dans le désordre épouvantable de la demande et de l’offre de ces projets financés sur le budget de l’Etat.
 
Ould Ghazouani  l’a dit d’un ton ferme et déterminé. Désormais il  exige des départements dont les projets  sont en cours d’exécution,  de présenter à chaque fin de mois une communication au conseil des ministres qui fait  état détaillé du niveau d’exécution de ces projets. Ce que seul pour le moment, apparemment le Ministère de l’Habitat et de l’Aménagement du  territoire fait de manière régulière.
 
Ce qui signifie simplement que le président Ghazouani, avait réuni sa « Task-force » pour   siffler   la fin d’une récréation qui avait  trop duré. Si on analyse donc  le ton de fermeté avec lequel le président s’est exprimé, cela peut vouloir dire que désormais aucun retard de quelle nature qu’il  soit ne  sera plus toléré dans l’exécution des projets.
 
Mais aussi,  le ton du président de la République portait  sur d’autres menaces qui ne sont pas sans conséquences. Le président de la République en  insistant  sur la nécessité de prendre des mesures réglementaires dissuasives à l’encontre des sociétés ou des entreprises qui n’honorent pas leurs engagements, (sous-entendu), demande au gouvernement  d’engager s’il le faut  des poursuites judiciaires à l‘encontre des récalcitrants.
 
C’est bien clair donc. Le président de la République conseille aux   départements ministériels de ne plus confier des projets sensibles et vitaux à des sociétés ou des hommes d’affaires  qui n’ont  pas  les  profils techniques, qui n’ont pas les références requises ou qui  ne répondent pas aux critères  d’éligibilité exigés par les cahiers de charge.
 
La réunion, une première, s’est donc terminée sur deux décisions très importantes prises par le chef de l’Etat. La première, est une décision qui donne le feu vert aux  ministres pour prendre en toute liberté toutes les  mesures dissuasives à l’encontre des sociétés ou des entreprises qui montrent l’incapacité à respecter les engagements pris.
 
La seconde décision –(même si elle ne le dit pas)-,  conseille aux ministères de ne  plus  confier des projets sensibles et vitaux aux  sociétés (fictives ou comme telles), qui  naissent au guichet unique rien que   pour être en règle vis-à-vis de la législation afin  de pouvoir être  éligibles à des  marchés et une fois retenues, profiter pour « voler » l’argent du contribuable mauritanien.
 
Des hommes d’affaires « Insavistes » pour tirer profit du régime en place ?
 
Ce problème de projets dont l‘exécution n’est pas effectuée dans les délais prescrits ne date pas d’aujourd’hui  et devient  un véritable casse-tête pour le gouvernement, comme le cas du pont de Haye Sakine. Mais déjà, en juin 2022, dans un point de presse, M. Ousmane Mamadou Kane,  l’ancien  ministre des Affaires Economiques et de la Promotion des Secteurs Productifs avait déclaré que la lenteur dans la mise en œuvre des projets  posait un problème sérieux à l’état mauritanien et qu’elle brisait la confiance des partenaires et des bailleurs de fonds.
 
A cette époque, en juin 2022, sur les 110 projets financés  par les partenaires, certains connaissaient  un retard de plus de neuf ans. Parmi ces projets, il y en avait  un qui   remontait à 1996, un autre à  2000, un à 2005, cinq à  2007, deux  à  2008, un à  2009, cinq  à  2011, deux  à  2012 et  six à  2013.
 
Ce qui signifie qu’entre 2007 et 2013 sous le régime de Ould Abdel Aziz, (un régime qui selon lui, luttait  contre la gabegie et le détournement des deniers publics),  vingt-trois   projets lancés  depuis 2007, n’avaient pas, (jusqu’en 2022), été  exécutés conformément aux clauses des contrats conclus.
 
M. Kane  Ousmane, qui jouait au sein du gouvernement de l’époque  le rôle de ministre «clé-du coffre» des  bailleurs de fonds,  avait  précisé que, dans la tenue des livres  de ces bailleurs de fonds, environ 140 milliards MRU étaient en ligne d’attente avant d’être injectés dans l’économie mauritanienne, mais que leur injection était retardée à cause des projets pour lesquels les financements avaient été libérés et  qui n’avaient pas été exécutés dans les délais requis.
 
Pourtant,  même avant 2022, en 2020 une première fois, le gouvernement de Ould Ghazouani avait déjà débattu de la question de ces retards dans l’exécution des projets.
 
Si donc, le président Ghazouani la semaine dernière a  tapé du poing sur la table et trop fort cette fois,  c’est parce que, très critiqué pour  le mauvais « encadrement de ses troupes », le président  ne veut plus payer les pots cassés pour des responsables de certaines  sociétés ou entreprises proches du pouvoir qui ne peuvent pas respecter leurs engagements.
 
Certains de ces hommes d’affaires qui avaient écartés les Ehel Noueigheidh, les Ehel Chriv Ould Abdallahi, les Ehel R’Gueibi et les Oulads Ghaadé, Ehel Sidi Bady  et d’autres,  encaissaient l’argent des bailleurs de fonds et partaient tout simplement  « sabrer le Champagne » à Paris ou  à Las palmas, ou jouer à la roulette aux Casinos de Monte-Carlo, de Monaco, d’Istanbul, de Qatar ou de  Doha.
 
Et si l’expertise technique du Génie militaire était privilégiée ?
 
C’est d’ailleurs pourquoi, maintenant beaucoup de voix  s’élèvent  pour suggérer  que,  pour les projets de souveraineté sensibles et prioritaires qui relèvent  de l’éduction, de la Santé ou de l’aménagement du territoire, soient plutôt confiés au Génie militaire qui a,  d’une part fait ses preuves dans l’exécution de plusieurs projets multisectoriels et qui,  d’autre  part ne présente aucun risque pour l’évasion fiscale ou financière des fonds alloués aux projets détournés.
 
Parce que il faut le souligner,   confier certains projets au Génie Militaire (qui relève d’une institution affiliée Ministère de la défense), c’est aussi  réinjecter les retombées financières de ces projets  dans le renforcement des capacités opérationnelles de notre armée nationale, une armée  orientée de plus en plus vers la formation académique et polytechnique de ses officiers, maintenant   très  nombreux spécialisés dans le domaine des chaussées, de l’électricité, de  l’hydraulique et du  génie civil.
 
Si donc, comme on le pense, Ould Ghazouani ne  donne plus aucune chance aux entreprises dont certaines n’ont pour administration qu’une chemise à rabat, une entête, un cachet, pour siège que la cabine d’une V8 et pour raison sociale que la tribu, cela peut signifier aussi que le divorce est consommé entre le chef de l’Etat et ceux qui croient pouvoir continuer à  gagner des marchés en distribuant des  dessous de tables ou simplement en  contribuant aux    financements des   campagnes électorales du parti de la majorité présidentielle.
 
Si c’était le cas, cela signifie peut être,  que, comme disait Jean-Philippe Smet, plus connu sous le nom de Johnny Hallyday, (chanteur, compositeur français mort en 2017), « les portes du pénitencier vont bientôt se refermer » et, malheureusement, elles risquent de se refermer  sur certains  gros bonnets qui se croyaient au-dessus de tous risques de  poursuites judiciaires.
 
Attendons donc de savoir dans  ce bras de fer qui oppose « on dirait »   Ould El Ghazouani aux entreprises et hommes d’affaires peu soucieux de l’intérêt supérieur de la nation,  (pour  la plupart bailleurs de fonds de son parti), qui va remporter la partie.
 
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant
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