Son concert était annoncé sous haute tension: le retour de la star congolaise Fally Ipupa vendredi à Paris a suscité la colère des opposants de la diaspora, qui ont bravé l'interdiction de manifester et incendié des véhicules, des incidents qui ont conduit à plus de 70 interpellations.
Le chanteur de rumba congolaise, accusé d'être proche du pouvoir en place en République démocratique du Congo (RDC), ne s'était pas produit en France depuis des années, par peur de débordements. Avant le début de son concert à l'AccorHotels Arena, de multiples incidents ont éclaté en début de soirée aux abords de la gare et du quartier de Bercy.
Plusieurs scooters et poubelles ont été incendiés, dégageant d'épaisses volutes de fumée dans la zone. Envahie par les fumées, la partie souterraine de la gare été évacuée par précaution et le trafic des métros et RER a été perturbé.
Vers 18H30, les feux étaient maîtrisés par les pompiers et une trentaine de véhicules, surtout des deux-roues, entièrement carbonisés, a constaté une journaliste de l'AFP.
La préfecture de police avait placé le concert sous haute surveillance, en interdisant les multiples manifestations prévues par les opposants. Mais depuis plusieurs jours, la bataille d'opinions faisait rage sur Twitter autour de la venue du chanteur.
Les premières interpellations de manifestants bravant l'interdiction ont débuté dès la mi-journée. A 23H00, 71 personnes avaient été interpellées, selon la préfecture. Elle a dénoncé le "comportement scandaleux" de certains manifestants qui ont entravé l'action des pompiers.
Le "meneur des incendiaires" fait partie des personnes interpellées, a précisé une source policière.
Avec 1,4 million d'abonnés sur Youtube, Fally Ipupa, 42 ans, est une superstar en RDC. Une partie de la diaspora l'accuse d'être proche de l'ex-président Joseph Kabila et de son successeur Félix Tshisekedi.
Le chanteur, qui compte des collaborations musicales avec l'américain R. Kelly et les artistes français Aya Nakamura et Booba, avait dû renoncer à son dernier concert prévu à l'Olympia en 2017, déjà à cause de débordements.
- Indignation politique -
Vers 20H30, les tensions ont persisté autour de l'Arena. Les fans pouvaient rentrer pour assister au concert, qui était a priori maintenu. Plusieurs opposants continuaient de les invectiver aux cris de "Rwandais, collabos !".
Auprès de l'AFP, ils ont estimé que Fally Ipupa est un chanteur qui "soutient le Rwanda", un pays frontalier avec lequel la RDC entretient des relations compliquées depuis des années.
"Ce concert est sponsorisé par Paul Kagame (le président rwandais, ndlr), le pire criminel de l'Afrique. Un homme qui veut endormir son peuple avec la musique", a estimé Christian Sossey, artisan dans le bâtiment venu de Montpellier.
Les fans du chanteur, eux, étaient las. "On n'a pas besoin de la politique de là-bas ici. On est juste venus se défouler. Y en a marre de ces vandales", a soupiré Junior, billet en main et sur son 31 pour l'occasion.
Les incidents ont suscité l'indignation d'une partie de la classe politique française.
"Je condamne les dégradations et violences commises dans le secteur de la gare de Lyon par des individus qui ont bravé l'interdiction de manifester", a déclaré le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, en apportant sur Twitter son soutien aux pompiers et policiers intervenus.
"Heurts à propos du concert d'un chanteur congolais, incendie de la Gare de Lyon, racailles empêchant les pompiers de travailler : quelle image notre pays donne au monde ?", a tweeté Marine Le Pen. "Comment le gouvernement peut-il laisser se produire un tel chaos ?", s'est-indignée la patronne du Rassemblement national (RN).
"Émeute urbaine inacceptable au cœur de Paris", a réagi le député LR Eric Ciotti. "De telles violences autour d'un concert communautaire congolais traduit un communautarisme exacerbé qui n'a rien à faire en France !"
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