L’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH), en collaboration avec l’ONG Equality NOW, organise du 25 au 26 avril 2018 à Nouakchott, une session de formation sur le contentieux juridique sur les Mutilations Génitales Féminines (MGF). L’atelier vise à approfondir la compréhension des acteurs sur des questions liées aux MGF mais aussi d’améliorer et de renforcer la capacité des participants à formuler des violations, des arguments et des recours appuyés par les droits de l’homme en matière de litige et de plaidoyer. L’atelier a réuni des activistes, des journalistes et des avocats.
Dans son mot d’ouverture à l’atelier, Me Fatimata Mbaye, présidente de l’AMDH a souligné le manque de politique réelle pour lutter efficacement contre les MGF malgré l’existence timide des dispositions juridiques dans les textes du code pénal sur la protection de l’enfant. L’étude du contentieux juridique permettra donc, selon Me Mbaye, de renforcer le travail de la société civile et des personnes accompagnant les victimes, mais aussi et surtout les médias d’être sensibilisés sur leur rôle essentiel pour relayer l’information au plus haut niveau. Cet atelier, a-t-elle dit, permettra d’aboutir à la définition d’une stratégie efficace pour lutter contre le phénomène qui porte atteinte à la dignité de la femme et de la petite fille. Mieux, cet atelier va permettre aux professionnels des médias d’être outillés pour assurer la couverture médiatique sous l’angle des droits de l’homme.
Pour sa part, Mme Grace Uwizeye, chargée de programme à Equality Now, a indiqué que son organisation et l’AMDH, cherchent à travers ce projet, à trouver des solutions pour mettre fin à ce phénomène des MGF en Mauritanie. Car, il affecte la santé et la dignité de la femme mauritanienne notamment et africaine en général. Toutefois, elle nourrit l’espoir qu’à travers cette formation et cet échange entre acteurs, des stratégies fortes seront réunies pour éradiquer la pratique des MGF en Mauritanie. Cependant, selon elle, il ne s’agit pas de punir mais de faire en sorte que les femmes retrouvent leur dignité.
Dans sa communication, Mme Fatimata Thiam, assistante psychosociale à l’AMDH, a d’abord défini les MGF avant de parler des effets médicaux du phénomène, les formes et les différents types de pratiques traditionnelles des MGF utilisées en Mauritanie : l’ablation du clitoris et des petites lèvres. Elle a ainsi souligné les conséquences physiques, morales et psychologiques sur les victimes pouvant s’étaler toute une vie. Il s’y ajoute les infections liées à l’usage des instruments non stérilisés par les exciseuses qui exercent loin des centres de santé. Mme Thiam a aussi mis en exergue les complications et les conséquences désastreuses sur les femmes soulignant un cas emblématique pris en charge par l’AMDH.
Les MGF et les droits de l’homme
Dans sa communication, Me Alassane Touré, a expliqué le contexte juridique national sur la protection de l’enfance, en mettant l’accent sur l’ordonnance 2005-015 portant protection pénale de l’enfant notamment en son article 12 qui punit la pratique des MGF avec ses effets dissuasifs. Il a également souligné l’existence d’une Fatwa (décret religieux) émis par l’association des oulémas mauritaniens pour déconstruire l’argument religieux avancés par certains pour favoriser la pratique des MGF. Tout comme il a dit que la Mauritanie a ratifié un certain nombre de conventions telles que la CEDEF (convention pour l’élimination des formes de discriminations à l’égard des femmes), la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), la Charte Africaine des Droits et du bien être de l’enfant et le protocole de Maputo. Ces instruments engagent la Mauritanie qui a l’obligation de les appliquer. Mais malgré tout ceci, les lois ou autres dispositions juridiques nationales ne sont pas assez solides pour protéger les filles contre les MGF et poursuivre les auteurs de ces pratiques.
Quant à Mme Grace Uwizeye, elle est revenue sur les lois régionales et internationales contre les MGF notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Protocole de Maputo. Dans sa communication, elle a révélé qu’en Afrique et selon une étude, 3 millions de filles sont soumises au risque de mutilations génitales féminines. Toutefois, le taux de prévalence, a-t-elle dit, varie selon les pays et que cela n’a rien à voir avec la religion citant l’exemple du Niger avec 2%, la Mauritanie avec 54%, l’Egypte 74%, le Soudan 42% et le Kenya 38%. Comme les autres intervenants, Grace Uwizeye a soutenu que les MGF sont une violation grave des droits de l’homme.
Cependant, elle a souligné qu’avec les campagnes de sensibilisation menées par la société civile et les médias, les sociétés qui pratiquent ce phénomène ont pris conscience et ont décidé d’abandonner la pratique des MGF.
D’autres intervenants comme Me Huguette Bokpe Gnacadja du Bénin, ont soulevé des questions juridiques, la théorie du cas, des dispositions constitutionnelles et législatives qui ont permis d’échanger sur la problématique de la pratique des MGF. Des discussions ont été engagées afin d’aboutir à l’élaboration d’un plan juridique et développer une stratégie de plaidoyer, de communication et des médias. Une séance a été réservée aux professionnels des médias pour faire leur audit par rapport à la question. Mme Florence Machio, journaliste chargée de communication à Equality Now, étalera ainsi son expérience en matière de traitement des questions de MGF.