La crise du Niger ne cesse d’occasionner, à l’intérieur et hors du pays, une série de dégâts collatéraux, aux dépens des protagonistes du coup d’Etat. Ainsi, après le refus, par les Nations unies, d’accréditer le Premier ministre de la junte à la 78ème Assemblée générale que New York abrite dès le 5 septembre 2023, une nouvelle déveine attend l’ancien Président Mahamadou Issoufou, inspirateur du putsch du 26 juillet. En effet, les services chargés de l’organisation des side events ont exclu, du programme, le rapport sur le Sahel, qu’Issoufou entendait présenter, au terme de deux années de retard dont le Secrétariat général lui faisait un grief empreint de lassitude. A New York, plusieurs membres du Conseil de sécurité s’agacent des rendez-vous différés et suspectent, dans la lenteur à livrer copie, un abus de biens sociaux, sous couvert de perdiem, de billets d’avions et de frais d’hôtel. Quant au fond, les fonctionnaires onusiens doutent, de la légitimité d’Issoufou, à poursuivre un travail aussi sensible alors que son concours présumé au changement anticonstitutionnel viole la charte et les objectifs de l’Organisation. Face au risque d’une annulation pure et simple du panel Sahel, l’auteur s’apprêterait à susciter quelque « fuite », en vue de garder la main.
La disgrâce de Issoufou ne s’arrête à de telles déconvenues. Depuis plus de trois semaines, Mohamed Mo Ibrahim, qui lui attribuait le prix éponyme de la bonne gouvernance (2020), en récompense de son engagement à respecter la durée des deux mandats présidentiels, ne cesse de l’appeler, au téléphone, sans succès. Le milliardaire soudanais se retrouve réduit à solliciter des intermédiaires afin de se mettre en relation avec son favori d’hier. En vertu du souci de reconquérir une respectabilité compromise, la Fondation Mo Ibrahim pourrait retirer, au lauréat, le titre et les avantages numéraires de la distinction. L’émolument atteint 5 millions de dollars, à percevoir sur une période 10 ans.
Pire, Issoufou assiste, impuissant, au retour, d’exil, d’un concurrent et détracteur de renom, en l’occurrence Amadou Hamma, ex Premier ministre et leader de Moden Fa Lumana, principale force de l’ex-opposition. Ce dernier réclame l’arrestation et le procès, de Issoufou, aux motifs de corruption et d’enrichissement personnel, durant l’exercice de sa fonction de Chef de l’Etat. En privé, l’accusé minimise la menace et dédaigne son adversaire. Il s’attache, plutôt, à préserver la cohésion du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (Pnds-Tarayya), désormais divisé entre soutiens des militaires et loyalistes au Président otage Mohamed Bazoum. Issoufou s’efforce de réinsuffler un supplément de dynamisme, à la formation, en perspective d’une reprise du pouvoir, au travers des urnes.
A Niamey, d’aucuns supputent le projet d’une candidature de son fils, ministre du pétrole au sein du gouvernement d’avant la rupture de la légalité. Sani Issoufou Mahamadou, maintenant « détenu » à la villa Diouf - villégiature réservée aux hôtes de marques - profite d’une relative liberté de circulation, pendant la journée. La nuit, il est astreint à rejoindre sa résidence forcée, où il côtoie un autre bénéficiaire de traitement de faveur, Foumakoye Gado, porte-étendard du Pnds. En attendant d’être fixé sur son sort, au sujet de quoi la junte se divise selon Africa Intelligence du 12 septembre, Issoufou prépare une milice d’autodéfense, en guise de garde rapprochée qui assurerait sa sécurité et riposterait aux attaques éventuelles de la foule.
D’ailleurs, la violence des partisans du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp) n’épargne la population, comme le souligne le communiqué de la Ligue nigérienne des droits des femmes, en date du 8 septembre courant : « ...exprime sa profonde inquiétude face aux actes d’agression et de viols survenus lors des récentes manifestations de « veille patriotique… ». Alerté, le Directeur général de la police dans la capitale confirma les allégations devant la presse et entreprit de mener une enquête. Le 11 septembre, il fut limogé, par décret du Général Mohamed Toumba, ministre de l’Intérieur du Cnsp.
Entretemps, loin des intrigues de palais et des manœuvres de la haute diplomatie, une fraction du bon peuple, acteur et victime de sa crédulité, stationne sous le soleil de plomb, subit la pénurie protéiforme et endure le péril de la faim. Goulument, elle se nourrit de slogans et rêve de Poutine. Il y a des réveils peu enviables…
La girafe de Kouré voit, de très haut.