Dans ce qui est désormais qualifié de « Procès de la Décennie » en Mauritanie, d’importants dossiers mettant en cause l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz ont été soumis à la justice. Ces dossiers comprennent des allégations graves de malversations et d’abus de pouvoir, notamment en lien avec les travaux effectués dans sa résidence secondaire aux frais des contribuables, le marché controversé de lampadaires solaires accordé à l’entreprise chinoise Joysolar, ainsi que la construction d’un hôtel cinq étoiles à Nouakchott.
Depuis que Mohamed Ould Abdel Aziz a quitté ses fonctions présidentielles en 2019, de nombreuses voix s’étaient élevées pour réclamer des enquêtes approfondies sur des soupçons de corruption et de détournement de fonds pendant ses mandats à la tête du pays. Ces appels n’ont pas été ignorés, et enfin, la justice a décidé de mettre en place des procédures pour examiner ces affaires complexes et troublantes.
L’un des dossiers les plus controversés concerne les travaux réalisés dans la résidence secondaire de l’ancien président. Des informations ont circulé sur d’importantes dépenses, effectuées aux frais des contribuables mauritaniens. Le peuple mauritanien, déjà confronté à des défis économiques, avait du mal à comprendre comment de tels investissements extravagants pouvaient être justifiés. Lors de sa comparution l’ancien Premier ministre Yahya Ould Hademine à l’époque directeur général d’ATTM a déclaré qu’on lui avait attribué le marché du pavage de la présidence et celui de la rénovation de l’avenue Gamal Abdel Nasser avec la garantie de paiement par la SNIM à travers sa Fondation. Ould Hademine affirme qu’il s’était réuni avec les ministres des Finances (Ahmed Moulaye Ahmed) et celui de l’Habitat (Ismail Ould Bodde) qui lui ont demandé de signer un avenant à ce marché et que les travaux devront être effectués dans une gazra à 70 km au nord de Nouakchott. Yahya Ould Hademine a dit qu’en tant que DG d’ATTM seul lui importe de trouver des marchés avec la garantie d’être payé, il aurait donc répondu aux ministres qu’il avait reçu des instructions de son président du Conseil, l’ADG de la SNIM Taleb Abdi Vall de ne plus effectuer des travaux pour le compte du gouvernement sans une garantie ferme de paiement. Il leur aurait donc dit de s’adresser à la SNIM pour lui demander de prendre en charge le coût de l’avenant. Quelques semaines après Ould Hademine sera nommé ministre et c’est son successeur à la tête de ATTM (l’actuel premier ministre Mohamed Bilal) qui signera l’avenant avec les ministres. Pour rappel il s’agit de la construction d’un château d’eau, d’une piscine, d’abreuvoirs pour les chameaux et de Pergolas en plus d’une adduction d’eau. Lors de sa comparution devant le tribunal l’ancien président avait nié être au courant de ces travaux déclarant même que certes il avait vu le château d’eau mais il avait cru que c’était pour l’usage de la garnison militaire qui était là en permanence. Evidemment personne ne peut croire que deux ministres vont décider de leur propre chef des travaux dans une résidence qu’ils n’ont même jamais visité ou que les éléments du BASEP vont laisser une entreprise et ses employés venir et travailler sans en rendre compte à leur hiérarchie. Ould Abdel Aziz avait poussé la mauvaise foi jusqu’à demander l’ouverture d’une enquête pour savoir qui avait ordonné les travaux car selon lui, il s’agit d’une surfacturation manifeste et d’un détournement dont il faut chercher le responsable.
Un autre dossier épineux qui a été examiné est celui du marché de lampadaires solaires attribué à l’entreprise chinoise Joysolar. Des allégations de favoritisme et de corruption entourant ce contrat ont été largement débattues, remettant en question la transparence et l’intégrité des processus d’appels d’offres durant le règne de l’ancien président. Au cours de sa comparution l’ancien Premier Ministre et DG de la SOMELEC à l’époque des faits Mohamed Salem Ould Bechir a donné sa version des choses. Ould bechir a rappelé que la SOMELEC ne s’occupe de l’éclairage public que par délégation. Et le gouvernement lui avait demandé de lancer une consultation pour l’éclairage public des trois axes de sortie de Nouakchott en lampadaires solaires. Contrairement à ce qu’avait déclaré Ould Abdel Aziz ce n’est pas Joysolar mais bien une entreprise espagnole qui avait présenté la meilleure offre technique et la meilleure offre financière. Dans l’attente de l’autorisation du gouvernement pour passer le marché Ould Bechir aurait voyagé et à son retour son conseiller en charge du dossier lui aurait dit qu’en son absence le directeur adjoint (El Merkhi) lui aurait dit de lui remettre le dossier. Depuis il n’en n’a plus jamais entendu parler. Quelques temps après le ministre lui aurait demandé sur instruction de la présidence d’écrire à Joysolar pour passer le marché avec eux et leur payer 30% à l’avance. La présidence serait satisfaite de quelques lampadaires montés au palais présidentiel. A ce propos le directeur de l’ANADER, l’éphémère agence nationale pour le développement de l’électrification rurale a déclaré devant le juge d’instruction qu’on l’avait fait venir à la présidence où il avait trouvé les lampadaires déposés ; et qu’il n’avait aucune idée, ni de leur provenance, ni de qui les a achetés. Ould Bechir a poursuivi que il était gênée par l’avance car le code des marchés ne le permet pas c’est pourquoi le Conseil des Ministre avait modifié cette disposition pour permettre la passation de ce marché. Il aurait en compagnie du ministre rendu visite au stand de l’entreprise à Abou Dhabi ou la société leur a offert une proposition complète avec l’exigence d’une avance de 30%. Concernant le partenaire national de cette société, Ould Bechir affirme n’en avoir jamais entendu parler sauf après son départ de la somelec ; Bien entendu c’est finalement Mohamed Ould Abdel Aziz qui est le propriétaire des biens de cette personne et qui s’est donc donné ce marché à lui-même.
Par ailleurs, la construction d’un hôtel cinq étoiles à Nouakchott est un sujet qui a également suscité des interrogations. Des soupçons de détournement de fonds et de pots-de-vin ont entouré ce projet immobilier, faisant craindre une utilisation abusive des ressources publiques pour des projets personnels. En effet Quand Ould Bechir est venu à la SNIM il a dit l’avoir trouvé dans une situation financière difficile consécutive à la baisse des cours du fer. Et en regardant ses compte il découvert que la SNIM avait déjà décaissé la somme de 14 millions de USD à l’entreprise SINOHYDRO pour la construction d’un hôtel 5 étoiles. (A titre de comparaison, rappelons que l’immeuble de la SNIM face à la BMCI et est constitué de R+15 et construit par l’entreprise espagnol ATERSA avait couté environ 17millions de USD) alors le gros œuvre de l’hôtel qui n’est que R+6 n’est même pas encore achevé. (Le président Mohamed Ould Abdelaziz avait procédé à la pose de la première pierre de cet hôtel lors des activités commémoratives du 55ème anniversaire de l’indépendance nationale. Il était prévu que cet hôtel soit réceptionné en 2017)
Concernant les avenants pour l’équipement du centre d’hépato virologie, Ould Bechir s’est demandé pourquoi on lui demande des compte à propos d’un avenants de 200 000 USD alors que deux autres avenants l’un de 800 000USD et l’autre de 1,8 millions USD n’ont pas été évoqué toutefois on n’a pas encore pu identifier le véritable bénéficiaire de ces avenants.
Face à ces accusations sérieuses et aux appels persistants pour une justice équitable, l’ancien président Ould Abdel Aziz a été convoqué devant les tribunaux pour faire face aux accusations portées contre lui. Toutefois, lors des premières audiences, il est apparu que les réponses fournies par l’ancien chef d’État ne sont pas satisfaisantes car il continue partiellement à se réfugier derrière l’article 93 de la Constitution.
La population mauritanienne suit attentivement ces procédures judiciaires, désireuse de voir la justice faire son travail de manière impartiale et transparente. Ce procès revêt une importance capitale, car il s’agit de mettre en lumière des actes potentiellement répréhensibles commis par un ancien dirigeant, tout en renforçant l’État de droit dans le pays.
En fin de compte, le « Procès de la Décennie » en Mauritanie constitue une étape cruciale pour la démocratie et la bonne gouvernance. La tenue de ce procès montre que personne n’est au-dessus de la loi, même les anciens présidents, et que les questions relatives à la transparence et à la responsabilité doivent être traitées avec sérieux. La vérité doit être établie, et la justice doit être rendue, afin que le pays puisse aller de l’avant et restaurer la confiance du peuple dans ses institutions et ses dirigeants.
quotidien de Nouakchott