Conduit au palais de justice sous bonne escorte, il a refusé une nouvelle fois de répondre aux questions des instructeurs. Ses avocats dénonçaient à l’occasion des « irrégularités dans la convocation » et arguaient de surcroît que l’instruction refusait, elle, de leur communiquer les noms desdits témoins, empêchant ainsi la défense de conseiller leur client. Autre argument : le Parquet leur refuserait encore l’accès au dossier complet explicitant les chefs d’accusation portés contre l’ex-Président.
Pour toutes ces raisons, ses avocats boudèrent la séance et invitèrent leur client à ne pas répondre aux questions du juge. Dans une conférence tenue quelques heures après leur retrait du tribunal, ils maintenaient que la procédure suivie depuis le début de l’affaire était marquée du sceau de l’illégalité. Et, s’appuyant toujours sur le fameux article 93 de la Constitution, martelaient que l’ex-Président ne pouvait répondre de ses actes que devant la Haute Cour de justice. On notera ici que cette cour d’exception a été depuis mise sur pied et attend d’être opérationnelle.
D’ici là, la justice ordinaire poursuit l’instruction, même si le principal accusé continue à se murer dans un silence de carpe. Nouvelle audience ratée, donc. Mais qu’est-ce donc qui empêcherait le Parquet, pour peu que la plainte des avocats d’Ould Abdel Aziz soit fondée, de leur remettre ledit dossier ? N’est-ce pas leur droit d’en avoir une copie complète ? Réponse du berger à la bergère, le Parquet publie aussitôt un communiqué réfutant les arguments de la Défense expliquant que le dossier en peut leur être remis dans son intégralité. ‘’Seules les parties concernant leur client peuvent leur être remises, mais pas les autres, où d’autres prévenus ainsi que des témoins sont cités et interrogés’’, selon le communiqué du ministère public.
Politique fiction
À la veille de la dernière audition de l’ex-Président, de fortes rumeurs faisaient état de l’envoi imminent de celui-ci à la prison de N’Beika (Tagant). Et ces sources affirmaient même que toutes les dispositions en ce sens avaient été prises.
Mais selon certains analystes, il serait malaisé d’y envoyer Ould Abdel Aziz avant la fin de l’instruction car il deviendrait alors difficile de le déplacer à Nouakchott pour des interrogatoires. Et ces experts de conseiller au gouvernement d’accélérer plutôt la procédure, balayant ainsi le chemin aux concertations politiques qu’il prépare avec l’opposition, avant les prochaines élections locales. Pourrait-il a contrario s’offrir le luxe de laisser traîner le « dossier de la décennie » jusqu’à ces échéances, donnant ainsi l’occasion à l’ex-Président de tenter un ultime baroud d’honneur, en essayant de se faire élire député ou maire depuis sa cellule de prison ? Une perche qu’Ould Abdel Aziz ne manquerait certainement pas de saisir. Un scénario de politique fiction, tant les charges qui pèsent sur Ould Abdel Aziz sont lourdes et on voit mal comment il pourrait échapper à au moins une décennie de prison, du moins si la justice suit son cours normal.
Pendant que ladite audience se déroulait, des rumeurs évoquaient également une éventuelle mise en liberté provisoire de l’ex-Président. Elles se sont avérées sans fondement. Alors, jusqu’à quand, le feuilleton Ould Abdel Aziz ? À la justice de décider, puisque le gouvernement dit toujours s’interdire d’interférer dans le déroulement de la procédure… mais on demande tout de même, à ces messieurs-dames, de ne pas laisser pourrir la situation jusqu’à un imbroglio politico-juridique de tous les diables…
Dalay Lam
lecalame.info