C’est devant un aréopage de personnalités de la Société civile et de politiciens qu’a été officiellement lancée, le samedi 31 Mars, au siège de SOS Esclaves, la campagne «Ana hartani mani barani » (je suis harratine, pas un intrus). Entamée, de fait, en Octobre dernier, elle a déjà déroulée plusieurs étapes. Des focus-groupes ont mobilisé des gens de différents niveaux socio-économiques. « Il s’agissait de donner un visage à cette campagne, avec les portraits de cinquante-quatre personnes », a expliqué madame Maïmouna mint Saleck, journaliste et activiste. Une opération de com, donc, visant à illustrer la trentaine de revendications présentées dans le Manifeste pour les droits politiques, économiques et sociaux des Haratines, structure fondée, rappelons-le, en 2013 qui tient, chaque 29 Avril, une marche populaire à Nouakchott.
L’idée centrale de la campagne est de faire connaître, à l’opinion nationale et internationale, que les Haratines réclament, désormais, leur propre identité, dans un environnement social où ils sont exploités, discriminés et marginalisés, depuis des siècles. «Ce n’est qu’une fois comblé le gap, séparant les Haratines des autres communautés nationales, qu’on pourra ancrer la citoyenneté qui effacera toutes les particularités » a-t-elle affirmé. Ana hartani mani barani veut permettre, aux Haratines, d’exiger la « reconnaissance pleine et entière de leur identité culturelle, en tant que cinquième composante nationale. […] Cette légitimation devra être matérialisée dans la Constitution ». Une « nécessité », renchérit madame Zeynabou Zeydane, point focal SOS-Esclaves à Riyadh, qui affirme fièrement son statut de haratine, « sans aucun racisme », avant de demander une « amélioration notable des conditions sociales de sa communauté et l’égalité entre tous et toutes ».
Durant six mois, cette campagne sera développée sur les réseaux sociaux, afin de susciter une large adhésion. Les mots ont été bien étudiés : « c’est un travail profond et fédérateur qui a été véhiculé dans un film et dans des photos de profil », a fait remarquer madame Saleck. « Un travail remarquable », a salué Boubacar Messaoud, président de SOS Esclaves, honorant, dans la foulée, « le courage des femmes esclaves qui sont toujours restées à l’avant-garde du combat, contrairement aux hommes qui l’ont si souvent trahi ». Et de dénoncer la discrimination dont sont victimes une frange des Soninkés qui se taisent en signe de solidarité ethnique. Belle occasion, pour Ladji Traoré, de mesurer le retard pris, au sein de la communauté soninké, dans la lutte contre l’esclavage et ses séquelles. Il dénonce l’éloignement des juridictions censées se pencher sur les cas incriminables. Une seule Cour spécialisée, à Néma, pour les deux Hodhs, l’Assaba et le Guidimakha, c’est trop peu, trop loin des gens, « ces tribunaux n’ont été mis en place que pour la consommation extérieure ». Signalons, enfin, que la galerie de portraits réalisés pour la campagne « Ana hartani mani barrani » est exposée au siège de SOS-esclaves Mauritanie, gratuitement ouvert à tout public.
source lecalame.info