L’opposition démocratique mauritanienne a retrouvé la voix et l’unité avec la proclamation des résultats du scrutin du 13 Mai dernier. Des résultats catastrophiques pour certains grands partis, privés désormais de représentation au Parlement. Après avoir dénoncé une fraude jamais atteinte, même sous Ould Taya, l’opposition pilotée par Tawassoul, Sawab, l’APP, le RFD et l’UFP multiplie en conséquence les actions de protestation afin de maintenir la pression sur le gouvernement. D’abord un grand meeting, le 25 Mai, pour rejeter les résultats et exiger leur annulation et la reprise du scrutin ; ensuite une marche, le 17 Juin, pour élever le ton. Lors d’une récente conférence de presse, elle réclamait déjà la dissolution de la CENI, organe arraché avant lesdites élections par « consensus », mais aux forceps et in extrémis, entre vingt-cinq partis et le ministère de l’Intérieur. Malgré des protestations et des rencontres entre divers leaders de l’opposition – avec le président de la République tout d’abord, puis avec le secrétaire général du ministre de l’Intérieur – aucun compromis n’a été trouvé.
Le pouvoir n’est manifestement pas disposé à réorganiser l’ensemble du processus électoral, se contentant de reprendre les municipales en quelques circonscriptions dont Maghama, la Cour suprême ayant accédé aux recours des candidats qui se sentaient floués. Une sorte de concession de la part du gouvernement, avant de pour suivre sur cette lancée. Au cours d’une récente réunion avec les partis, il a été en effet décidé de surseoir à la dissolution de ceux n’ayant pas pu totaliser 1% des suffrages lors des deux dernières élections municipales. Mais l’opposition ne se satisfait pas de ce « petit cadeau » et entend accentuer la pression pour obtenir davantage de concessions. « Pourquoi refuser sans explication de reconnaître le RAG et FPC ? », interroge ainsi un observateur, « Et accorder un sursis à des partis frappés par la loi ? Politique encore et encore du deux poids, deux mesures ! »
Au cours de sa marche conclue par un nouveau meeting, l’opposition a clamé plus fort son rejet des résultats et réitéré ses exigences, dans l’unique discours prononcé par le président de l’APP, Messaoud ould Boulkheïr, avant de dénoncer les récentes bavures policières dont ont été victimes les jeunes Soufi Cheïne, Oumar Diop et Mohamed Lemine Ould Samba. Elle demande au président de la République d’assumer toutes ses responsabilités et de garantir la sécurité des citoyens et de leurs biens. Des slogans portés par certains marcheurs ont même demandé le départ du Raïs.
Cette sortie intervenait quelque 48 h avant l’installation du nouveau parlement. La bataille engagée dans la rue se poursuivra-t-elle au sein de l’hémicycle ? Les députés de Tawassoul, Sawab, FRUD, et AJD/MR continueront-ils à ferrailler, comme le souhaitent les grands absents que sont l’APP, le RFD et l’UFP ? Légitime question en ce que les premiers semblent se contenter des résultats obtenus, alors que les seconds réclament – bien évidemment, on les comprend – la reprise de l’intégralité des élections. Un gros problème pour cette opposition qui risque fort, en dépit de son unité de façade retrouvée, de passer à côté de la prochaine présidentielle.
Veste pour l’opposition = démocratie en vareuse militaire ?
Pendant que l’opposition hausse le ton, l’INSAV, principal parti du pouvoir, prépare l’élection du nouveau bureau de l’Assemblée nationale. Une chambre qui consacre la rupture d’avec la précédente. Les manœuvres ont démarré depuis quelques jours et tout porte à croire que l’ancien chef d’état-major des armées, le général à la retraite Mohamed Méguet, sera porté au perchoir, en dépit des accusations dont il fait l’objet. Les organisations des victimes des événements de 89-90 le suspectent en effet d’avoir trempé dans les exactions commises dans les casernes militaires à l’encontre des officiers, sous-officiers et hommes de troupe de la communauté négro-mauritanienne. Des accusations que le général niait cependant en bloc, lors de la campagne électorale d’Avril et Mai derniers.
Rappelons que lors du scrutin du 13 Mai, le principal parti de la majorité présidentielle a remporté cent sept sièges sur les cent soixante-seize que comptera la nouvelle Assemblée nationale ; les autres partis de la majorité, quarante-deux et ceux de l’opposition (Tawassoul, FRUD, AJD/MR et Sawab), vingt-sept. Une majorité écrasante contre laquelle l’opposition ne pourra rien faire. Sauf crier. La démocratie mauritanienne reste taillée sur la vareuse depuis 1992. Jusqu’à quand ?
Dalay Lam
lecalame