Nous allons démontrer une bonne fois pour toutes combien ce pays a atteint le fond de la médiocrité quand un ministre de la défense se pointe au Sénat pour dire formellement quelle est la procédure de révision prévue par la Constitution en le faisant de façon bancale, sans fondement pour finir soutenu par un avocat opposant constitutionnaliste maître en interprétation de l’invisible et victime de la berlue quand il s’agit d’en appeler à l’exemple français...
Nous invitons celles et ceux qui n’ont pas suivi ce débat à lire l’article « Demain, voilà la seule question à poser à Aziz ».
Pour les autres, on s’en tiendra à la dernière sortie du Pr Lo Gourmo.
La question est de savoir si le ministre de la défense a dit vrai au Sénat en parlant de la procédure de révision de la constitution. Il a dit que pour ce faire, la proposition de révision doit obligatoirement passer par le vote des deux chambres ( assemblée et sénat ) ; libre ensuite au chef de l’état de choisir ensuite entre le Congrès ou le référendum pour faire adopter le projet de révision.
Avant la dernière sortie du Pr Lo Gourmo, dont nous allons démontrer les lacunes, la faiblesse et la myopie, nous avons démontré que rien dans la constitution mauritanienne n’indique formellement cette procédure. Nous avons rappelé que le ministre de la défense dans sa sortie n’a pas dit un mot à propos de l’article 101 permettant au chef de l’état de convoquer le Congrès, il n’a parlé que de l’article 99 où le mot congrès n’est pas écrit une seule fois.
Aujourd’hui, feu follet de bonne foi face à l’absence de termes sans équivoque dans la constitution, le Pr Lô Gourmo, malgré sa tartine visant à défendre la procédure décrite par le ministre de la défense, a tout de même admis qu’en la matière, il est question « d’interprétation ».
Ajoutant : « Cette interprétation est la seule qui a été appliquée dans le pays à chaque fois qu'une procédure de réforme constitutionnelle a été mise en oeuvre en Mauritanie. Il n' y a aucun précédent d'une réforme constitutionnelle qui n'ait pas été précédée par l'approbation préalable des deux chambres à la majorité des 2/3 pour chacune, aussi bien sous tous les régimes précédents que sous le régime actuel.
C'est ce qui explique qu'il en ait été fait aussi application lors de la session extraordinaire en cours, et que le Ministre Diallo Mamadou ait précisé que c est la voie qui devait être poursuivie dans ce sens, que ce soit pour le référendum ou pour le congrès. »
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Il y a donc matière à interprétation quant à la procédure à suivre car comme nous l’avons dit rien n’est écrit empêchant le chef de l’état de convoquer directement le Congrès sans passer par le vote des deux chambres. Au contraire bien des éléments inspirent raisonnablement cette possibilité sans aucune acrobatie sémantique ni bégaiement du vote.
Pour le reste, le fait que cette interprétation soit la seule appliquée depuis la jeune constitution de Mauritanie, ne signifie pas qu’elle soit la bonne, ni que les générations futures de juristes soient obligées de la suivre vu qu’il ne s’agit que d’une interprétation face à des dispositions qui peuvent être lues autrement comme nous l’avons démontré.
De plus connaissant la nature des régimes auxquels le processus démocratique doit ces révisions constitutionnelles, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne s’agit pas de la bonne foi démocratique à toutes épreuves ni dans la rigueur ni l’expérience en matière.
Peu importe. Le pire arrive maintenant quand Lo Gourmo prend l’exemple de la France pour justifier le passage dans les deux chambres laissant ensuite au chef de l’état le choix entre Congrès et référendum.
Ainsi le Pr Lo Gourmo déclare : « Dans un pays qui sert souvent de modèle dans l'interprétation de certaines de nos dispositions constitutionnelles, de la part des partisans du pouvoir-la France- cette exigence de l'accord des deux assemblées sur le texte avant d'être soumis au congrès ou au référendum, est aussi de rigueur, dans l'optique du Titre XVI de la constitution ( article 89), correspondant à notre Titre XI ( art 99, 100 et 101).
Donc, il n y a ni dans la lettre de la constitution, ni dans la pratique suivie jusqu'ici, (ni même en s'inspirant d'une pratique étrangère comme celle de la France) de voie possible de contourner le veto de l'une des deux chambres pour modifier la constitution, tant que l'on se soumet à l'empire des articles précités (en Mauritanie comme en France). A moins de forcer une porte parallèle menant à une toute autre option : celle de l'article 38 de la constitution ( art. 11 en France). «
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On est tenté de dire bravo ! Laissons sa dernière phrase à propos de l’article 38 puisque c’est la suite de son article à propos du référendum. Regardons juste ce qui se passe en France pour voir si ce qu’il raconte en terme de procédure est vrai.
Là, on découvre que le Pr Lo Gourmo, à cause de la rime c’est le cas de le dire, mélange Angleterre et pomme de terre…
D’abord, il faut garder à l’esprit que notre constitution a été copiée de celle de la 5ème république française, puis elle a été tropicalisée avec le talent en vigueur sous nos latitudes ; de là tout ce qui arrive...
La preuve !
Les français, vieille démocratie, disposent de l’originale, pendant que nous nous avons la constitution arrivage, bricolée, désarticulée. Il est impossible d’en appeler à la jurisprudence française sans se ridiculiser pour les raisons suivantes...
D’abord au titre de la révision de la constitution, les français n’ont qu’un article le 89, quand nous en avons trois le 99, 100 et 101. L’article 38 mauritanien peut renvoyer à l’article 11 français plus clair quant à son rayon, de là qu’on peut estimer qu’en Mauritanie l’article 38 peut servir à toute consultation sauf la révision Constitutionnelle.
Ainsi un article français, 3 articles mauritaniens.
En matière de procédure, on ne peut pas lire le contenu d’un article en le comparant au contenu de 3 en jouant sur les adverbes car s’il y a 3 articles et pas un, c’est certainement pour une raison. Je dis ça pour l’interprétation à propos du terme « exception » dont parle Lo Gourmo. Dans un cas il peut introduire une exception dans l’autre signifier juste une autre voie indépendante de la première.
Mais ne discutons pas ce détail, voyons plutôt l’énormité…
Là où le professeur se trompe c’est que dans la constitution française, on sait que lorsque l’initiative vient du chef de l’état, on parle de projet de loi constitutionnelle et quand l’initiative vient du parlement, on parle de proposition de loi.
De là que dans la constitution française, il est clairement fait mention des deux : projet et proposition…
« L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement.
Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l'article 42 et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée nationale.
Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire.
La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision. »
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Tandis que dans la constitution mauritanienne article 99, il n’y a nulle part mention de deux termes : projet ou proposition.
Ainsi il n’y a écrit que le projet : « Tout projet de révision doit être voté à la majorité des deux tiers (2/3) des députés composant l’Assemblée Nationale et des deux tiers (2/3) des sénateurs composant le Sénat pour pouvoir être soumis au référendum. »
Bilan vu que le terme projet est à l’initiative du président, cela signifie qu’une proposition de révision venant des parlementaires n’est pas concernée par l’article 99.
Rien que ça, cela prouve qu’il n’y a pas qu’une seule procédure de révision constitutionnelle passant obligatoirement par les deux chambres. On se demande d'ailleurs avec de si bancales dispositions, que devient la proposition de révision venant des parlementaires ? Nos juristes diront que projet et proposition sont contenus dans le terme " projet de révision". Très bien, les termes projet et proposition se valent chez nous mais laissons donc l'exemple français comme arbitre des élégances puisqu'il tient fermement compte de la nuance.
Conclusion : prendre l’exemple français c'est être à côté de la plaque en matière de procédure. Il ne reste donc des arguments de Lo Gourmo que l’interprétation en vigueur, la sienne et celle du ministre de la défense et des régimes successifs fondée sur les mêmes arguments : rien de concret ni dans la constitution ni dans l’exemple français.
Par contre, si on laisse tomber ces acrobaties, la constitution telle qu’elle est n’interdit en rien une autre interprétation de la procédure, permettant au chef de l’état de convoquer le Congrès sans passer par le vote en chambres séparées.
Quant au référendum et l’article 38, à part peut-être le régime, tout le monde est d’accord, vu qu’il n’est pas dans le titre de la révision de la constitution où les articles 99 et 100 encadrent le référendum, le chef de l’état ne peut l’employer pour réviser la constitution à moins de faire comme De Gaulle avec l’article 11.
Ce serait un comble pour quelqu’un qui veut éloigner les mauritaniens de l’histoire constructive de la pacification…