En grève générale illimitée depuis le 7 Mai dernier, les pêcheurs espèrent trouver une oreille attentive auprès des autorités qui se murent dans un silence de cathédrale face aux doléances exprimées par la corporation. Dans une déclaration au journal « Le Calame », l’un des porte-parole des grévistes, Oumar Diallo, souhaite une issue heureuse au contentieux. Et de solliciter le chef de l’État pour instruire son gouvernement (notamment les ministères de la Défense nationale et des Pêches) à régler définitivement cette crise et permettre aux pêcheurs artisanaux d’aller en mer, conformément à la réglementation en vigueur. « Nous mesurons à leur juste valeur les efforts déployés par l’État pour combattre la pandémie du Covid-19.
Nous y souscrivons. Mais malheureusement et aussi louables soient-ils pour prémunir les différents intervenants du secteur contre tout risque d’infection, les contrôles opérés par la Marine qui ne dispose que d’un seul navire à Nouakchott pour contrôler quotidiennement quatre mille pirogues freinent considérablement nos activités. Les risques d’accidents pouvant entraîner d’énormes préjudices sont très élevés », pointe Oumar Diallo. « Nous aurions souhaité que les contrôles se fassent au PK93, PK144 ou au port de Ndiago qui devraient constituer des zones tampons avec les pêcheurs sénégalais. […] En cette période de confinement, nous souhaitons disposer de marges de manœuvre pour approvisionner 24 heures sur 24 le marché en poisson. Pour cela, nous sollicitons la compréhension et l’appui de l’État. Nous demandons aussi à nos compatriotes de bien saisir la portée de notre mouvement et les conditions difficiles que nous traversons », précise-t-il.
« Et la situation se corse quotidiennement. L’accès au crédit pour l’achat ou la réparation de pirogues relève d’un parcours de combattant », se lamente-t-il. « Des milliers de pirogues sont restés à quai plombant du coup la chaîne d’approvisionnement où l’on dénombre 150.000 emplois au sein des petites embarcations. Et 220.000 au sein du pélagique ». Les complaintes fusent de partout. « Notre souhait a toujours été d’être associés à toute prise de décision, comme dans les autres pays, à travers de larges de concertations, avec participation de nos représentants, notamment le doyen Mame Pathé Teuw », rappelle Oumar Diallo.
Les grévistes réclament la tenue de discussions entre les différentes parties et comptent poursuivre leur mouvement jusqu’à satisfaction de leurs revendications. En Mauritanie, les pêcheurs artisanaux sont confrontés à de multiples problèmes, notamment la présence de bateaux chinois et turcs, la cherté du matériel et du carburant. Avec leurs petites embarcations, ils ne font pas le poids. Ce qui d’ailleurs amplifie leur précarité.
Contrôle risqué
C’est donc pour protester contre la décision prise le 5 Mai dernier par les autorités de procéder à un contrôle en mer de toutes les embarcations de pêche par un navire de la marine nationale, que les pêcheurs artisanaux observent, à Nouakchott et dans leur écrasante majorité, un mouvement de grève générale depuis le jeudi 7 Mai. Même s’ils approuvent la volonté des autorités de lutter contre l’épidémie, ils réprouvent ces contrôles répétés (au départ et au retour des embarcations), quel que soit leur itinéraire. « Nous sommes prêts à coopérer dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Il y va de notre intérêt. Nous sommes conscients des efforts que l’État mène pour veiller à la sécurité des pêcheurs et de tous les usagers. Nous sommes disposés à dénoncer tous les infiltrés. Mais nous avons du mal à comprendre que des étrangers continuent de pêcher comme ils veulent jusqu’à Nouakchott sans que nous, citoyens mauritaniens, n’ayons la possibilité d’en faire autant. C’est difficile à entendre », pestent de concert Ibrahima Sarr, président de la Fédération libre de la pêche artisanale/section Sud, et Oumar Diallo, membre de la Coopérative Le Mol.
« Comment le seul navire de la marine nationale pourra-t-il contrôler et accorder, journellement, des bons de sortie ou de retour à quatre mille embarcations ? Pour aller à la pêche du jour, il faut compter trois heures ou quatre heures d’horloge pour décrocher le précieux sésame (bon de sortie) et autant pour débarquer. C’est impossible ! C’est autant de gâchis, alors qu’on pourrait le faire à terre ou avec les nombreux zodiacs de la Marine », renchérissent Mame Pathé, président d’une association de pêcheurs, et Adama Seck, autre membre de la coopérative Le Mol. Et de pointer eux aussi du doigt les risques encourus avec de potentiels accidents de leurs embarcations en bois ou de pannes, « sans pouvoir bénéficier d’assistance ».
Pour éviter tout risque de contact entre pêcheurs mauritaniens et sénégalais, source potentielle de contamination au Covid-19, les autorités devraient procéder à une délimitation de zones. Les pêcheurs artisanaux proposent le port de Ndiago ou le PK 144. Les acteurs de la pêche artisanale en appellent au président de la République pour qu’une issue heureuse soit trouvée à cette situation qui pourrait provoquer une crise aux conséquences incalculables avec la mise au chômage, selon eux, de 220.000 employés du pélagique.
Compte rendu THIAM Mamadou
lecalame.info