Afriquinfos - Alors que le pays d’Afrique sahélienne fait figure de favori dans la course européenne au gaz non-russe, son déficit d’infrastructures l’oblige à recourir massivement aux opérateurs internationaux pour exploiter ses abondantes ressources naturelles.
Des acteurs locaux innovants et rivalisant avec les standards occidentaux existent pourtant, redistribuant les emplois et profits gaziers vers le tissu économique mauritanien. Où trouver du gaz pour remplacer les approvisionnements russes ?
La question est, en Europe, sur toutes les lèvres, alors que la Russie exportait jusqu’au début de la guerre en Ukraine 40% de la consommation de gaz de l’Union européenne (UE) et qu’aucun signe d’accalmie ne semble provenir du front avant un hiver à haut risque.
L’ultra-dépendance de l’Europe aux importations de gaz russe et les tensions croissantes sur l’approvisionnement énergétique européen ont poussé les dirigeants du Vieux continent à rechercher de nouveaux fournisseurs. Parmi ceux-ci, la Mauritanie suscite un intérêt grandissant, alors que ce pays du Sahel dispose, dans son sous-sol, de réserves de gaz estimées à 100 trillions de pieds cubes – soit davantage que d’autres pays africains tels que l’Egypte ou la Libye.
Avec la mise en service prochaine du gisement de Grand Tortue/Ahmeyin (GTA), dont les réserves sont estimées à plus de 450 milliards de mètres cubes, « la Mauritanie est appelée à devenir un acteur majeur de la chaîne d’approvisionnement mondiale en gaz naturel », veut croire NJ Ayuk, président de la Chambre africaine de l’énergie.
Tirer pleinement profit de cette manne gazière représente donc une opportunité pour la Mauritanie et ses quelque 4,6 millions d’habitants ; une opportunité mais surtout un défi, alors que les infrastructures permettant l’extraction, le transport ou le stockage du gaz demeurent insuffisantes et que le pays repose encore, très largement, sur les investissements des entreprises étrangères pour exploiter son gaz.
Pouvant néanmoins s’appuyer sur une relative stabilité politique et sécuritaire dans une région sahélienne infestée de factions djihadistes, la Mauritanie veut donc miser sur le nouveau contexte énergétique mondial pour tirer son épingle du jeu, comme en témoignent les récents contacts entre responsables mauritaniens et européens sur la question du gaz.
Si le timing et la géologie semblent donc bien du côté mauritanien, le pays saura-t-il jouer des cartes en sa possession pour s’imposer comme l’un des premiers acteurs économiques de la région ouest-africaine ?
Ces entreprises mauritaniennes qui investissent le secteur énergétique
Ne disposant pas des infrastructures (gazoducs, équipements portuaires, usines, etc.) nécessaires pour exploiter, seule, ses immenses réserves, la Mauritanie doit donc, majoritairement, avoir recours à des opérateurs étrangers.
Ainsi du britannique BP, qui a été choisi dans le cadre d’un partenariat public-privé pour opérer le gisement de Grand Tortue, dont l’exploitation devrait commencer l’année prochaine. Si bien d’autres multinationales de l’énergie sont présentes en Mauritanie, à l’image de Shell, de l’américain Kosmos Energy ou encore du groupe français Total Energies, est-ce à dire que la manne gazière doit nécessairement échapper aux acteurs locaux ?
Il n’y a pas de fatalité : plusieurs entrepreneurs mauritaniens investissent toutes les composantes du secteur gazier et minier et démontrent par la preuve qu’il est bel et bien possible de bâtir une industrie locale digne de ce nom.
C’est le cas de la société Maurilog, née en 2014 du rachat de la filiale locale de DB Schenker par l’homme d’affaires mauritanien Mohamed Abdellahi Ould Yaha. Spécialisée dans les services logistiques pour l’industrie gazière et pétrolière, Maurilog s’est progressivement imposée comme un partenaire incontournable pour tous les grands noms du secteur opérant dans le pays : BP, Kosmos, Total, Shell, Technip Energies, etc.
Plusieurs de ces groupes sont, d’ailleurs, impliqués dans le projet de Grand Tortue. Mettant en avant ses normes de fonctionnement pointues, alignées sur les standards internationaux, ainsi que l’absence d’accidents du travail sur ses chantiers, Maurilog a su séduire par son expertise locale, en s’appuyant sur les atouts économiques de la Mauritanie.
Ne s’y trompant pas, BP a récemment étendu son contrat avec Maurilog jusqu’en 2024 pour s’assurer de la bonne exécution de la phase « drilling & commissioning » du projet GTA.
Le contre-exemple sénégalais
Encourager et accompagner les entreprises locales, comme Maurilog, Magma, Eximo …. qui a su développer des axes de transports dynamisant le maillage territorial du pays, semble un impératif pour les autorités mauritaniennes si celles-ci souhaitent que les retombées du secteur énergétique ne profitent pas exclusivement aux groupes étrangers.
Des efforts à défaut desquels la Mauritanie pourrait bien tirer une balle dans le pied de son propre tissu socio-économique, comme le fait malheureusement trop souvent le Sénégal voisin où, dans un contexte similaire, sont favorisés les expatriés et entreprises étrangères sur les travailleurs locaux.
Un contre-exemple à ne pas suivre…
mauriweb