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ETUDE DE CAS : Le Remaniement ministériel de Ould Bilal. Quel enjeu pour Ould Ghazouani ?

Vendredi 28 Juillet 2023 - 20:26

ETUDE DE CAS : Le Remaniement ministériel de Ould Bilal. Quel enjeu pour Ould Ghazouani ?
 
Larousse,  le garant de l’authenticité et de l’exactitude de l’étymologie des 63.800 mots de la langue française donne au sens de  « remaniement »  trois explications : L'action  de remanier ou le fait d’être remanié, (expressions le plus souvent utilisées  pour parler de décisions  prises dans le cadre d’un changement au sein d’un gouvernement) ; « le changement de structure d’un ou de plusieurs chromosomes qu’entraine le gain » ; « la perte ou le déplacement de segments chromosomiques » autrement dit  « le mélange de fragments de roches ou de fossiles pour constituer un sédiment ».
 
Ce mot « remaniement » est très courant dans le lexique politique. Il est évoqué pour parler de changement qui s’opère dans un  gouvernement. Remaniement est donc avant tout une décision.
 
Il n’y pas de bons et  de mauvais ministres, mais des ministres compétents et d’autres incompétents.
 
Sur la base de quel critère un ministre est choisi ? La question n’a pas d’importance. Il n’existe pas de profil académique spécifique sur la base duquel un ministre est choisi. Dans notre pays  par exemple, de mai 1957 à ce jour, 17 premiers ministres ont occupés ce poste. Cinq d’entre eux ont effectués deux rounds alternatifs. Et, évidemment chaque Premier Ministre nommé arrivait  avec « son lot » de ministres.
 
Sur quelle base les Premiers Ministres sont choisis et sur quelle base ces derniers choisissent-ils eux leurs ministres ? Cette question n’a pas d’importance non plus.
 
Le  choix des premiers ministres et celui des ministres résulte  à chaque fois d’un mécanisme ou d’une décision collégiale d’un groupe restreint de  responsables le plus  souvent très proches du chef de l’Etat. Ces « chuchoteurs dans les oreilles des présidents » ont la lourde responsabilité de proposer aux chefs de l’Etat des noms, et ces noms qui sont proposés  sont toujours des noms choisis en fonction de critères d’éligibilité parfois complexes.
 
Il n’y a pas de profil standard  exigé pour celui à qui il sera confié le portefeuille  de ministre. Le portefeuille de ministre peut être confié à une personne sans envergure académique aucune, comme il peut être confié à un cadre ou un technocrate de très haut niveau. Un ministre peut sortir d’une prestigieuse université, comme Mohamed Lemine Ould Dhehby, ancien ministre des finances, titulaire d’un Doctorat d’Etat en Sciences économiques de l’Université de Nice Sophia-antipolis,  comme il peut sortir d’une « grande famille aristocrate » maure, poular, soninké ou wolof. Les « Grandes Familles » sont aussi des « références » équivalentes à des Diplômes d’Etudes Approfondies.
 
Issus de ces familles, (les mêmes qui prélèvent un pourcentage sur les portefeuilles à distribuer de tous les régimes qui se sont succèdés depuis l’indépendance), un ministre  peut être un chérif, un marabout ou un guerrier. Il peut être aussi un descendant d’esclave et même parfois un forgeron de lignée. Mais apparemment, comme, (on dirait  le veut une tradition qui se perpétue),  le ministre  ne peut pas être issu de la caste des griots, puisque jamais, même pas une seule fois  depuis 1957,  un des 17 chefs d’états qui se sont succèdés  ne s’est hasardé à porter le choix sur un griot pour lui confier un portefeuille  de ministre.
 
Peut-être,  simplement parce que, ces griots qui,  dans la tradition sont des « collecteurs » de faveurs, préfèrent les « sonnants et les trébuchants » aux avantages de cette fonction très élevée, ou peut-être aussi, pourquoi pas parce que ces chefs de l’Etat qui se sont succédés avaient peur de laisser échapper en conseil de ministres  des propos qui peuvent par la suite être posés sur un fond musical traditionnel dans un chant populaire.
 
La curiosité peut pousser à se demander quand même pourquoi il n’y a jamais eu de ministres issus de la caste des griots. Peut-être simplement parce que pour certains du «haut de gamme » de cette aristocratie mauritanienne rétrograde, le griot est  comme « l’intouchable » indien. Il vaut mieux de ne pas s’en approcher…. et même si possible de ne pas prier sur sa dépouille mortelle.
 
Quoi qu’il en soit, qu’il soit bardé de diplômes ou qu’il soit une référence tribale ou régionale, un ministre est avant tout un commis de l’Etat investi d’une mission. Un point, un trait à la ligne. Même s’il est à « usage unique », comme Haimouda Ould Ramdane ou « rechemisable » comme Ould N’Diay tout récemment envoyé en rodage au cabinet du président de la République.
 
Des ministres de référence qui rendent le passé nostalgique.
 
Le 20 juillet 2007, Le Premier Ministre mauritanien Zeine Ould Zeidane (avril 2007-mai 2008) avait  procédé à la remise des lettres de missions aux 28 membres de son gouvernement et aux autres responsables assimilés au même rang. A l’époque c’était  une équipe composée de jeunes technocrates pour la plupart, qui n’avaient jamais baignés dans les magouilles des régimes militaires qui s’étaient succèdés.
 
Dans les lettres de missions distribuées par le Premier Ministre Zeine
Ould Zeidane, le  précieux document  précisait que : « Les ministres étaient  appelés à inscrire l’action de leurs départements respectifs dans les orientations définies par  la lettre de mission que le président de la république (Sidi Ould Cheikh Abdallahi à l’époque) lui avait adressée. Cette lettre précisait les lignes de la déclaration de politique exposée au nom du gouvernement par le Premier Ministre  devant le parlement le 31 mai 2007 ».
 
Ces lettres de mission exigeaient des ministres la gestion rationnelle des ressources humaines et matérielles, la rénovation et l’entretien des infrastructures ».
 
A son époque Zeine Ould Zeidane,  l’un des Premiers Ministres qui ont laissés une empreinte indélébile dans les annales de l’histoire politique  de notre pays par sa compétence, son intégrité morale et professionnelle et surtout par son honnêteté, avait composé son gouvernement  « pour s’assurer  du  respect des directives et options du Président de la République à qui,  il revenait aux termes de l'article 30 de la Constitution  de déterminer et conduire la politique extérieure de la nation". Chaque ministre à l’époque avait été appelé à réaliser les objectifs de la politique du Gouvernement".
 
Nous étions à cette date sous un régime   des  mains propres. Aussi  bien des mains propres du chef de l’Etat (Sidi Ould Cheikh Abdallah) que de celles de Zeine Ould Zeidane son Premier Ministre.
 
Malheureusement depuis cette date c’est l’anarchie et la débâcle totale dans la gestion des biens publics. Une débâcle  le plus souvent instaurée par des remaniements parfois très curieux et dans la plupart des cas  modelés sur des intérêts politiques inavoués, ou sur des intérêts économiques ou financiers  personnels et individuels,  ce que confirment d’ailleurs  les assises du tribunal des crimes économiques et financiers qui se déroule en ce moment.
 
Depuis l’accession du pays à l’indépendance (1960),  certains  remaniements ont fait appel à des compétences qui ont marqués  de leur seau l’intégrité morale intellectuelle de la vie de la nation. Les gouvernements qui se sont succédés ont parfois  affichés des  portraits de célébrités.
 
A titre d’exemple, on retiendra  toujours ces noms immortalisés par leur conscience professionnelle  et leur amour pour leur pays : Soumaré Diarra Mouna (soninké), un poids lourd de la gestion saine. Mouhamdi Ould Mouknass, la compétence plurielle imprégnée d’honnêteté morale et intellectuelle. Sidi Mohamed Diagana celui qui forçait l’admiration de tous les mauritaniens toutes communautés confondues.  Ahmedou Ould Abdallah (ancien conseiller du Secrétaire Général des Nations Unies) une compétence politique et économique donc hybride. Mohamed Ould Mohamed Saleh, un aristocrate mais surtout un ministre extrêmement consciencieux et honnête.  Ahmed Salem Ould Sidi,  celui qui avait sacrifié sa vie pour la Mauritanie. Et, plus récemment encore Kane Ousmane Mamadou celui qui, ces trois dernières années, avait ouvert toutes les vannes des financements pour une Mauritanie qu’il voulait émergeante. Enfin Hanena Ould Sidi, un homme très réservé, très discret, très bien éduqué et dont la stratégie «politique  et militaire»  permet à chacun de nous de dormir les poids fermés dans un environnement sécurisé loin  des théâtres de conflits dans des pays voisins où les terroristes se comportent comme  en terrains conquis.
 
Des ministres mélange hétéroclite de bons et de mauvais.
 
Dans les  balais des « va-et-vient »,  des remaniements ministériels qui se sont succédés et qui étaient parfois  plus surprenants les uns que les autres,  si  certains ministres s’étaient dingués par leur compétence, leur intégrité morale et leur sens responsable du devoir, d’autres par contre s’étaient distingués par leur médiocrité,  par leur  déficit prononcé de compétence. Et,  évidemment comme on s’y attendait,  ils  avaient échoués lamentablement dans leurs missions.
 
Certains de ces ministres « véritables cancers financiers et économiques », ont laissé des plaies béantes infectées dans le système administratif de notre pays, un système très fragilisé  par son  tâtonnement sur des politiques de gestion d’un bas de gamme qui relève du plus   bas  des « bas de gamme ».
 
On peut citer des noms de certains de ces ministres lamentables. Mais ce n’est même pas nécessaire puisqu’ils se reconnaitront à leurs profils médiocres imbibés d’ignorance. Et d’ailleurs on avait finalement compris la raison pour laquelle certains de ces ministres avaient été choisis. Certains de ces ministres avaient été appelés à  gérer des portefeuilles ministériels importants et donc, ils étaient venus et ils sont repartis sans rien comprendre « ni  de la Révolution ni de la Contre Révolution » comme disait Ahmed Sékou Touré.



Plus grave encore ils étaient repartis sans comprendre vraiment comment,  et pourquoi  ils  avaient été catapultés à cette haute fonction de ministre. Dans la logique,  même la chance ne devait pas leur donner « cette chance » de siéger au Conseil des Ministres. C’est du Mektoub, un  « Mektoub » qui  cache l’intérêt de ceux qui les ont proposés à cette haute fonction, intérêt qui vise le plus souvent, soit le détournement,  soit la dilapidation des biens  de l’Etat par ministre interposé. C’étaient des « Béni Oui-Oui »  qui se baladent maintenant les poches pleines de l’argent du contribuable qu’ils ont volé ».
 
Le remaniement de la dernière ligne droite.
 
Le dernier remaniement en date est celui que Mohamed Bilal Ould Messaoud a effectué. C’est le quatrième du  gouvernement de Ould Ghazouani, et c’est le troisième remaniement de Ould Bilal l’actuel Premier Ministre.
 
Reconduit pour parachever le travail commencé, Mohamed Bilal Ould Messaoud le Premier Ministre avait de toute évidence la lourde responsabilité de mettre en place une équipe Task Force « obligée » de gagner une bataille qui n’est pas facile : Celle de mettre des bouchées triples pour que, tout ce qui du programme électoral du Président Ghazouani peut être réalisé, le soit avant la fin de son premier mandat.
 
Tâche donc pas facile pour une équipe de «Mourabitounes» qui doit gagner un match pour sa durée réglementaire, et qui doit en plus gagner en jouant  une prolongation de  mille huit cent jours supplémentaires  pour Ould Ghazouani à partir de 2024.
 
Ghazouani Ould Bilal, un deal « donnant-donnant », « gagnant-gagnant».
 
Très bon stratège,  ancien général des forces armées mauritaniennes devenu chef de l’Etat, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani  sait mieux que quiconque que, pour ces derniers mois de son premier mandat il n’a pas besoin non seulement d’un premier ministre  de confiance, mais aussi d’un  premier ministre  consciencieux qui sait ce qu’il doit faire et qui sait comment le faire. Le Premier Ministre Ould Bilal pour le travail immense déjà  accompli à la primature depuis août 2020 dessine parfaitement bien le profil du responsable avec lequel Ould Ghazouani devait dans son intérêt « recomposer » une troisième fois pour achever son premier mandat.
 
Ould Bilal, un premier ministre peu connu du grand public avant sa nomination à ce poste, a bien gagné la confiance de Ould Ghazouani.  Titulaire d’un Master II en Sciences de Gestion, très bon technocrate et un gestionnaire intègre, Ould Bilal a gagné pour la troisième fois de suite la confiance de Ould Ghazouani. Simplement  parce qu’il Il ne fait que son travail, un travail que lui dicte d’une part, sa lettre de mission et d’autre part son honnêteté morale, intellectuelle, son sens élevé de l’organisation et sa franchise.
 
En plus de tous ces atouts, par ailleurs en politique,  le Premier Ministre Ould Bilal est si vous voulez l’aiguille de la règle d’équilibre du cadran de la balance Roverbal de la Wilaya du Trarza. C’est un « stabilisateur » des tensions internes de l’aile politique de Rosso et de Keur Mécène, où des poids lourds de la Majorité au pouvoir  comme Mohcene Ould El Hadj, Boidjiel Ould Houmeid, Bamba Ould Dramane et Brahim Fall  évoluent toujours dans le même sens mais quelques parfois en ordres dispersés.
 
Si donc, Ould Ghazouani a accepté pour Ould Bilal un troisième mandat, c’est aussi en réalité derrière cette décision un deal gagnant-gagnant. Ghazouani le sait et Ould Bilal aussi. Et, c’est pourquoi d’ailleurs, le Premier Ministre Ould Bilal  lui-même sait parfaitement bien que le temps qui le sépare de la fin du premier mandat de Ould Ghazouani (temps qui se décompte à rebours) est  très court  et que ce temps ne permet plus ni faute, ni complaisance  quelles  qu’elles soient pour les vingt-huit  ministres de son gouvernement, un gouvernement  dont neuf choisis par lui-même ou « peut être sélectionnés pour lui »  doivent « rattraper » les cours de leurs prédécesseurs au gouvernement qui ont réussis l’épreuve difficile de passer d’un gouvernement sortant à un autre entrant.
 
Les « recalés », Sid’Ahmed Ould Mohamed  (Urbanisme et Habitat), Nani Ould Chrougha (Energie et Mines porte-parole du Gouvernement), Hanena Ould Sidi (ministre de la défense), Isselmou Ould Mohamed M’Bady (Ministre des finances), Moctar Ould Dahi (ministre  de l’Education nationale), Zeinebou Mint H’Mednah (Emploi et formation professionnelle), Lalya Camara (Environnement) ont été récompensés par leur  maintien dans le gouvernement pour leurs  compétences,  mais surtout pour les  rendements mesurables qu’ils ont obtenus dans la mise en place des programmes qui concrétisent « Taahoudaths » Ould Ghazouani.
 
 
Dans la liste des maintenus dans l’actuel gouvernement,  Kane Ousmane Mamadou l’ancien ministre de l’Economie et du Secteur Productif manque à l’appel. Parti de son plein gré ? Remercié ? Proposé à une autre fonction ? L’absence de Kane Ousmane Mamadou a suscité un grand remous dans la classe intellectuelle. Pour beaucoup c’est un non-sens. Ingénieur des Mines sortant d’une Polytechnique Française (Palaiseau), depuis qu’il est au gouvernement et jusqu’à son départ lors du dernier remaniement, le ministre Kane Ousmane était toujours  resté en pole  position au Top 5 des ministres les plus performants  de l’ère Ghazouani. (Classement du Groupe de Presse Francophone de Mauritanie)
 
Ce qui est arrivé au dernier remaniement qui a fait partir Kane Ousmane ressemble étrangement à ce qui était arrivé l’autre fois, quand Mariam Bekaye (environnement) et Taleb Ould Sid’Ahmed (jeunesse) avaient été remerciés.
 
Ce qui, peut-être,  peut vouloir dire que ce gouvernement dont la composition avait tardé à prendre forme, est plutôt composé d’éléments « pré-positionnés »  pour un ordre de bataille en 2024, une bataille qui nécessite  plus des compétences tribales ou régionales que des compétences académiques.
 
C’est la          logique d’une théorie dont la priorité est le  dégagement d’une  piste  d’atterrissage pour Ould Ghazouani l’actuel président pour un nouveau mandat de cinq ans.
 
Alors en conclusion  on  peut peut-être  dire sans offenser  personne, que le troisième gouvernement de Ould Bilal est par définition « étymologique » du terme comme le dit Larousse, un « remaniement » défini par  un mélange de fragments de roches et de fossiles qui constitue  un  sédiment  solide  pour servir de système de défense à Ould Ghazouani qui doit impérativement remporter la victoire pour un second mandat. Un second mandat  qu’a souhaité pour lui Sid’Ahmed Ould Mohamed l’actuel ministre de l’Urbanisme lors d’un entretien avec Jeune Afrique.
 
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant
 
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