Après les élections, le mauvais temps. Les gagnants gagnent, les perdants perdent. Les uns se frottent les mains et les pieds, en l’impatiente attente de leur écharpe officielle qui leur aurait coûté au bas mot, dit-on, un peu plus d’un million d’anciennes ouguiyas. Hé oui ! Un peu plus d’un million pour un petit bout de ruban au cou de chaque membre d’un parlement du rire cosmopolite. Allez, vérifiez par vous-même l’opération : deux cents millions d’ouguiyas pour confectionner cent soixante-seize écharpes… Des hommes, des femmes, des jeunes, résidents au pays et de la diaspora, appelés par la tricherie des urnes pour certains, par une lame de fond de mécontentement contre X ou Y pour d’autres, par des discours nihilistes et extrémistes, des sketchs de campagne, des gorges déployées à débiter insanités et conneries, des comédies de mauvais goût et des grimaces de singes gavés de bananes pourries. N’en jetez plus, la coupe est pleine !
Finalement, le peuple a eu les maires, les parlementaires et les présidents des conseils régionaux qu’il mérite. Habituellement, c’est connu,« le coup de sa main ne fait pas mal ». Imaginez un peu : si, pour quelques écharpes, il a fallu deux cents millions d’ouguiyas, ça s’élève à combien le marché des voitures officielles du Parlement ? À quel montant sera renflouée la caisse noire de son président ? Et les équipements de ses centaines de bureaux ? Les primes de ses inutiles sessions ? Les voyages ? Les goûters comme à la Maternelle ? Les repas ? Les centaines de milliers (millions ?) de feuilles qui serviront à je ne sais trop quoi ? Les centaines de milliers de stylos de très mauvaise qualité ? Les milliers de rouleaux de papier hygiénique qui ne seront probablement jamais tous utilisés ? N’exagérons pas : c’est quand même un droit pour un député de manger, boire et écrire et même de trop manger, trop boire, trop écrire ! Ce ne sont pas des anges, nos honorables députés ! Loin de là… Très loin de là, d’ailleurs !
Les choses avancent, il faut avancer avec. Qui se rappelle encore de cette injonction d’un ex-ministre toujours ministre à une ex-députée toujours députée ? Il ya 31 ans, le salaire d’un député était de 10.000 MRU environ. Aujourd’hui, il tourne autour de 120.000. Oui, Excellence, les choses avancent, il faut avancer avec ! Il ya 31 ans, le salaire d’un instituteur était de 1.700 MRU. Aujourd’hui, il plafonne à 8.000. Oui, monsieur, les choses avancent, il faut reculer avec ! Normal, hein : ce qui vaut pour un député ne peut pas valoir pour un instituteur. Évidemment que c’est normal :le riz que mange un député n’est pas celui que mange un instituteur. La viande que savoure le député n’est pas celle que mâche l’instituteur. Même les médicaments qu’utilisent les députés, leurs épouses et leurs enfants ne sont pas ceux des instituteurs, s’ils ne cassent pas directement leur pipe, sans passer par la case maladie. Un boubou de député ? Une montre d’un honorable, son voile ou son calepin ? Son turban payé au prix de la prime de craie d’un instituteur des environs de Hassi Lougar, à quelques encablures de Tfarity, vers la Saghia El Hamra et Wadi Dheheb ? Allah fasse que je devienne député un jour ou même juste son suppléant en l’attente de son tour, la mort dans l’âme ! Amine ! Salut.
lecalame