Lancée le 21 Juillet dernier, la campagne du referendum abordait, le lundi 31, sa dernière ligne droite. Partisans du oui (camp de la majorité) et partisans du non continuent d’étaler leurs arguments devant les citoyens dont beaucoup semblent toujours ignorer la portée des amendements constitutionnels, objet du referendum.
Le président de la République a fait, de ce scrutin, une affaire personnelle ; il parcourt le pays pour inciter les populations à voter massivement oui. Partout où il est passé, il a rappelé ses réalisations, expliqué les enjeux du scrutin et décoché des flèches acerbes à ses adversaires. Il a même exigé, après avoir décrété deux semaines de vacances de l’administration, que les fonctionnaires viennent à son dernier meeting de Nouakchott, chacun avec, au minimum, cinq personnes de sa famille. Sous peine d’être sanctionné. Du jamais vu, même chez Robert Mugabe, au Zimbabwe. C’est dire que le Président est obnubilé par le taux de participation au scrutin du 5 Août. En attendant le verdict, le chef de l’Etat a été partout accueilli par des foules énormes. Tous les laudateurs et autres opportunistes ont accouru où se posait son hélicoptère, pour se faire voir. Curieuse démocratie tropicalisée.
Malgré cette apparente ferveur populaire, le Président semble toujours préoccupé par le fameux taux de participation, le jour J. Une crainte qui ne saurait se justifier, tant l’opposition hostile au referendum est empêchée de faire entendre sa voix, auprès des populations. La campagne n’est ouverte qu’à la seule majorité ou presque. Le seul parti de l’opposition issu du FNDU, le CDN d’Ould Bettah, s’est vu refuser l’organisation de meetings, aussi bien à l’intérieur du pays qu’à Nouakchott.
De son côté, le Front de l’opposition au referendum (G8) a essuyé les foudres des forces de l’ordre qui ne sont pas allées avec le dos de la cuillère, à grands coups de grenades lacrymogènes sur les leaders de partis, leurs militants et sympathisants. Coups de matraque et de pied. Une violence incompréhensible qui ne se justifie nullement. Ne sommes-nous pas en campagne électorale, tous les acteurs (partisans et adversaires) ne doivent-ils pas s’exprimer et défendre leurs opinions ? Violences d’autant plus inacceptables que les militants de l’opposition ne marchaient que pacifiquement. Le pouvoir a-t-il donné l’ordre de botter les membres du Front du refus ou est-ce seulement excès de zèle des forces de l’ordre ? En tous les cas, rien ne saurait justifier un tel déferlement de violence sans guère de précédents. On se souvient, ici, de 2008, lorsque le Haut Conseil d’Etat qui venait de s’emparer du pouvoir choisit de mater les adversaires du putsch qui avait renversé Sidi ould Cheikh Abdallahi. Lors d’une des manifestations du FNDD, le président Messaoud ouldBoulkheir, président de l’Assemblée nationale et Boubacar ould Messaoud, président de SOS Esclaves, avaient été littéralement submergés de gaz lacrymogènes, au carrefour BMD.
Aujourd’hui, face au déchaînement des forces de l’ordre, les leaders de l’opposition parlent de « tournant ». Moussa Fall, président du MCD, estime qu’on est sorti de toute logique démocratique, Samory ould Bèye pense, quant à lui, que le pouvoir ne fait que dévoiler son vrai visage de dictateur… Au cours d’une conférence de presse tenue, vendredi dernier, le G8 a condamné ces excès policiers, avant de réaffirmer sa détermination à poursuivre, vaille que vaille, ses marches de protestation contre le « referendum anticonstitutionnel».
3ème mandat : coucou, me revoilà !
Les sorties du Président, dans ses meetings, ne sont pas venues rassurer ceux qui le suspectent de nourrir l’ambition de briguer un troisième mandat. A moins de deux ans de la fin de son dernier constitutionnel, le voilà, en effet, à chercher des petites bêtes à notre loi fondamentale, qui mérite d’être changée. On pense au verrouillage de celle-ci, par son article 26 et le serment. En se débarrassant du Sénat, Ould Abdel Aziz pourrait, avec une Assemblée nationale toute acquise au moindre de ses désirs, procéder à de nouveaux amendements mais, en petit comité, cette fois. Prendrait-il ce risque ? Ceux qui plaident ouvertement, depuis bientôt deux ans, pour un troisième mandat, sans être sanctionnés ou, tout simplement, désavoués publiquement, pourraient vite trouver réponse à cette intrigante question.