Le portrait d'un saint avec au dos une prière: c'est tout ce dont Marisela Hernandez affirme avoir besoin pour se protéger du nouveau coronavirus à Mexico.
A 69 ans, cette toute petite ouvrière dans le textile s'y agrippe de toute sa foi alors qu'elle sort de la basilique de Guadalupe, au coeur de la mégalopole mexicaine.
"J'ai confiance en Dieu et en Saint Ignace de Loyola qui vont nous protéger de cette maladie", murmure-t-elle.
Et elle est loin d'être la seule à s'en remettre à Dieu et à tous ses saints.
En dépit de sa laïcité affichée et de la séparation entre l'Eglise et l'Etat depuis 1857, le Mexique est un pays profondément catholique qui compte en outre 50% de pauvres.
Plus des trois-quarts de ses 120 millions d'habitants se revendiquent de cette religion qui côtoie divers courants protestants et de multiples cultes aux origines pré-hispaniques.
Zita Rocio, 50 ans, le visage voilé de blanc, tient à la main des scapulaires sur lesquels sont cousus des images sacrées, ainsi qu'une carte représentant Saint Miguel qui appelle à "précipiter le mal en enfer".
"J'étais très malade. San Miguel m'a guérie. Non, je n'ai pas peur de ce dont tout le monde parle qui est partout dans l'air", raconte Zita à propos du nouveau coronavirus.
Et ces croyances ne sont pas que le fait des couches les plus populaires.
En milieu de semaine, le président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a brandi lui aussi des amulettes devant les journalistes médusés qui venaient de lui demander comment il se protégeait de la pandémie qui touche 251 personnes au Mexique et a fait deux morts.
"Ce sont mes gardes du corps", avait fanfaronné AMLO, 66 ans, extrayant de son portefeuille une carte portant l'inscription "Arrêtez le Sacré-Coeur de Jésus", ainsi que plusieurs talismans.
Le président de gauche n'en était pas à son coup d'essai.
En février 2019, avant qu'il ne s'envole pour l'Etat de Sinaloa --bastion du puissant cartel de la drogue éponyme--, on lui avait demandé s'il n'avait pas peur de voyager sans escorte armée dans cette région. En guise de réponse, il avait montré des images pieuses, un billet d'un dollar et un trèfle à quatre feuilles.
- Faiseur de miracles -
Mais avant d'être un homme de foi, AMLO est d'abord un animal politique.
"Son recours à la religion dans ses discours incite les couches populaires à s'identifier à lui", explique Bernardo Barranco, spécialiste du catholicisme contemporain à l'Ecole des hautes études sociales de Paris.
Lors de son entrée en fonction, López Obrador avait tenu à célébrer une cérémonie chamanique menée par les descendants de peuplades autochtones.
Il y était apparu comme un "faiseur de miracles et président providentiel", doté "d'une pensée magique", souligne Barranco. "C'est rare pour un chef d'Etat dont on est en droit d'attendre d'autres aptitudes".
Selon lui, fautes de prendre des mesures pour limiter les dégâts du virus, AMLO développe un message à l'adresse des plus pauvres: Réfugiez-vous dans la foi pour affronter la crise.
Se sentant protégés, Marisela et les fidèles qui l'accompagnaient à la messe ont dès lors ignoré l'une des rares recommandations émanant des autorités: se tenir à bonne distance les uns des autres. Tous étaient assis côte à côte sur les bancs de la basilique de Guadalupe.
"Grâce à Dieu, il ne va rien nous arriver (...) Le mieux est de nous en remettre à nos Saints, ça suffit amplement", ajoute-t-elle, n'hésitant pas à porter au visage ses mains trainées dans le métro.
Mais l'épiscopat mexicain, inquiet, a recommandé aux évêques d'interdire les réunions et d'encourager la prière personnelle. Une prière pour le coronavirus a d'ailleurs été diffusée.
Fernanda Mendoza, une femme au foyer de Mexico, est venu à Guadalupe pour demander la santé. Elle ne porte ni masque ni gants.
"Nous prions la Vierge chaque jour à la maison, devant son autel. Quoi de mieux?", dit-elle avec un grand sourire.
Pour Valerio Cruz, un maçon de 62 ans, "seul Dieu sait et décide jusqu'à quand cela va durer. Pourquoi vais-je me cloitrer à la maison et sortir avec un masque?".
AFP