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un grain de sable pour secouer la poussière...

Stigmatisation et répression des descendants d’esclaves en Mauritanie

Vendredi 30 Décembre 2022 - 20:29

Chronique d’un déshonneur permanent
Nouakchott, le 31 décembre 2022


Boutilimit

Dimanche 25 décembre 2022, le commissaire de police de Boutilimit, localité distante de 150 km, à l’Est de Nouakchott, procède à l’arrestation du lanceur d’alerte sur l’application WhatsApp, Ahmed Maouloud Boumrah. L’officier signifie, au détenu, n’avoir rien à lui reprocher mais précise que l’ordre vient du préfet, Mohamd Ahid ould Sidi Yahye ; ce dernier tire prétexte d’une plainte, adressée à lui, par les notabilités arabo-berbères, de la ville ; de surcroît, les autorités administratives, qu’il dirige, s’offusquent du discours, tenu par l’activiste, au travers d’enregistrements audio, largement partagés. Les partisans du parti au pouvoir, ainsi « dérangés », exigent, du contrevenant, un reniement public, peu en importe le support. Ainsi se présentait la condition lui permettant de recouvrer la liberté et d’échapper aux poursuites en justice.

Boumrah refuse, non sans contester la commission d’un quelconque délit, hormis la dénonciation des discriminations de race, de naissance et de castes, instaurées, par les notabilités tribales et affairistes de la ville, au détriment des mal-nés, fussent-ils forgerons et descendants d’esclaves, pourtant majoritaires, dans la localité, selon le critère du nombre ; à l’occasion des mêmes propos incriminés, l’auteur du propos relève la récurrence des vols, viols et violences, par effraction et à main armée dont les habitants se plaignent.

Aussitôt l’arrestation constatée, Mohamed Lemine Amar Salah, chef de la section Ira de Boutilimit, accourt au commissariat en compagnie de militants qui expriment leur colère contre la détention arbitraire et l’ultimatum des excuses.

Devant l’afflux des protestataires, la police convoque l’oncle du détenu et lui demande de le raisonner ; des notables du sérail tentent de le faire plier et changer d’avis, sans succès. Le parti d’opposition Rassemblement des forces démocratiques (Rfd), ainsi que des blogueurs et personnalités de la ville, publient des communiqués de solidarité avec le lanceur d’alerte et réclament sa libération.

Le 28 décembre, la tension était très vive aux alentours du commissariat où séjourne Ahmed Mouloud Boumrah. Une unité de police, lourdement armée, fait irruption dans la rue et capture Mohamed Lemine Amar Salah. A 17h30, un autre officier ordonne, à ses agents, de déshabiller le prisonnier et de le placer derrière les grilles d’un cachot insalubre. Cependant, la victime bénéficiera d’un traitement plus digne, lorsque Mohamed ould Brahim, secrétaire général de la commission nationale des droits de l’Homme (Cndh) lui rendra visite, en soirée. Mais, curieusement, en présence des agents, il apostrophe le reclus, comme une justification des abus des forces de l’ordre : « tu es traité ainsi parce que te voici à l’origine d’audios à caractère délictueux » !

Rosso

Le 29 décembre, Mohamed Lemine Amar Salah est relâché, en fin de matinée, alors que Ahmed Mouloud Boumrah subit la déportation, sur une distance de 200 km, à Rosso, chef-lieu de la région du Trarza.  La gendarmerie le conduit auprès du procureur de la république. Ce dernier le libère et classe l’affaire « sans suite ». In fine, il s’agissait d’une intimidation, d’usage quasi-systématique visant à casser l’élan de la contestation. Les précédents du genre saturent l’actualité.

Nouakchott

Le même 29 décembre 2022, l’Ong Ira organise, à Nouakchott, la capitale, un rassemblement, en face du siège de l’Assemblée nationale, afin de protester contre l’apologie de l’esclavage, par un député du parti islamiste Tawassoul, le sieur Elkotb ould Emmat  ; l’acte, précédé d’un préavis au préfet du Ksar, département qui englobe l’enceinte du Parlement, relève du droit constitutionnel à manifester ; les meneurs tenaient à dire leur refus de banaliser l’insulte envers les personnes d’ascendance noire africaine et les femmes, cibles privilégiées d’un élu du peuple qui ne cesse de proférer la haine et le racisme, sous le bouclier protecteur de la religion.

Dès la première vague de manifestants, des unités de la police, en tenue anti-émeute, investissent les lieux, munis de matraques ; ils molestent les porteurs de pancartes et s’en prennent aux badauds. Les assaillants, il convient de le rappeler, agissent en vertu des directives du ministre de l’Intérieur, adversaire résolu des luttes tendant à défendre la citoyenneté et l’égalité des humains, sur le territoire de la République islamique de Mauritanie. Après l’incident, une délégation de l’Ira remet, au Président du Parlement, une « apostrophe républicaine », en vue d’obtenir des mesures de discipline, à l’endroit de leur collègue Elkotb ould Emmat.

D’évidence, ce ne sont, ici, que deux exemples, certainement pas les derniers, de la marche glorieuse, de nos compatriotes, vers la refondation d’un contrat social où la faveur et les privilèges indus cesseront, pour toujours.  Qui se met en travers d’une telle dynamique est du nombre des perdants.


Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M)
 
Liens vidéo et images statiques (cliquer sur les liens) :
- Boutilimit A
- Boutilimit B
- Rosso
- Nouakchott
 




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