Libre depuis la levée de son contrôle judiciaire, le 7 Septembre dernier, l’ex-président Mohamed ould Abdel Aziz est sorti de son silence peu après son arrivée en France. Après un contrôle médical, il a rencontré la diaspora mauritanienne à Bordeaux. Et d’y défendre son bilan… avec un très piètre succès. À l’en croire, la Mauritanie sous son magistère n’a rien à envier à celle de successeur. Avec Ghazwani, dit l’ex-ami de quarante ans, la Mauritanie fait du surplace, quand elle ne recule pas. Brouhaha dans la salle qui nécessitera même l’intervention de la police. Se tournant vers des oreilles plus respectueuses – et notoirement intéressées à ses largesses… –MOAA accorde alors une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique dont les journalistes étaient si bien introduits au Palais sous son règne.
Droit dans ses bottes
Abdel Aziz y dévoile ses ambitions futures, promet de lutter pour laver son honneur et œuvrer à ce que la Mauritanie retrouve son lustre d’antan ; entendez, comme dit tantôt : celui sous son règne. Comme il l’avait annoncé au lendemain de ses premières démêlées avec le nouveau pouvoir, l’ex-ami de quarante ans entend faire de la politique dans ou en dehors du parti Ribat qu’il avait rallié avec plusieurs de ses proches et dont divers membres seront candidats aux prochaines élections locales. Et MOAA de suspecter au passage le pouvoir de préparer une fraude massive sans laquelle il perdrait à coup sûr le pouvoir…mais avec laquelle il gagnera, en mettant malheureusement en jeu la stabilité du pays. Pour Ould Abdel Aziz, son successeur fait peser de sérieuses menaces sur notre nation. D’où la légitimité de son combat, selon lui.
L’avenir politique de l’ex-Président n’en dépend pas moins de l’issue de son procès, annoncé mais dont la date reste encore inconnue. Accusé de s’être enrichi illicitement sur le dos du peuple, il pourrait être condamné – injustement, clame-t-il bien évidemment. Alors qu’au pays, beaucoup de mauritaniens commencent à douter de la volonté du gouvernement à organiser ledit procès, celui qui se dit disposé à répondre devant un tribunal ne croit pas en l’indépendance des magistrats et dénonce la forte implication du pouvoir dans le traitement du dossier. Mais, confronté au juge, Ould Abdel Aziz n’en dira pas moins aux Mauritaniens comment il a acquis son capital financier et immobilier. Ainsi lavera-t-il l’affront et pourrait donc réinvestir l’arène politique.
Cela dit, la justice mauritanienne aura-t-elle le temps de boucler l’enquête et d’ouvrir le procès avant les prochaines élections ? Le gouvernement et les Mauritaniens semblent plus focalisés sur les prochaines échéances électorales que sur les épisodes d’un feuilleton aux rebondissements incertains. Puisque c’est de la suite judiciaire que dépendrait l’avenir politique d’Ould Abdel Aziz, ne traînera-t-on pas les pieds pour faire obstacle aux intentions de celui-ci ?À moins que ne soit déjà acté le deal entre les compagnons de quarante ans, évoqué par certains mais solennellement dénié par l’interviewé. De fait, le silence observé au lendemain de la levée du contrôle judiciaire avait quelque peu troublé l’opinion. On attendait un point de presse de l’ex-Président et de ses conseils. En vain : celui-ci a aussitôt filé vers son ranch à Bénichab, après avoir récupéré ses documents de voyage.
Contre-attaque avortée
Les Mauritaniens pensèrent alors que l’homme se lancerait, en France, à quelque aveu sur son dossier. Mais non, il s’est contenté de rester droit dans ses bottes –« je ne suis coupable de rien du tout » – alors que l’enquête a bel et bien révélé de graves irrégularités dans sa gouvernance. C’est probablement cette posture dans le déni qui a révolté une partie de son auditoire à Bordeaux, entraînant ainsi une fin de rencontre en queue de poisson. Comme toute l’opinion au pays, ses auditeurs attendaient des révélations. À quand donc le grand déballage promis par l’ex-Président et ses proches, lui qui s’est contenté jusqu’ici de réfutations, parfois pimentées de menaces à peine voilées ? Aurait-il quelqu’autre tour dans sa besace ? Le tombeur d’Ould Taya et de feu Sidi ould Cheikh Abdallahi est-il en capacité de nuire au régime actuel ? Avec l’appui de l’artillerie lourde de son ancien BASEP ? « Il n’exclut rien », répond-il en tout cas à la question du journaliste sur l’existence dans l’armée mauritanienne d’un Goïta, Doumbouya ou Traoré, trois hommes coupables de coups d’État dans leur pays respectif…
Bien des questions en suspens donc au final de cette opération de charme depuis l’étranger… Avec celle-ci en filigrane : tenterait-il seulement d’occuper l’opinion à travers le buzz, après avoir été privé de parole pendant plusieurs mois ? Si tel est le cas, il a manifestement réussi son pari. Le reste demeure une autre histoire à écrire. Dans tous les cas, l’ex-Président devra patienter pour connaître le sort qui lui sera réservé par la justice mauritanienne… condamnée, elle, à fournir un gros effort pour démentir les accusations de connivences avec le gouvernement.
Dalay Lam
lecalame